Quel bonheur que la découverte de Tant que le café est encore chaud vers lequel je ne me serais sans doute pas orientée si des bibliothécaires ne l'avaient conseillé.
Vendu à plus d’un million d’exemplaires dans son pays, traduit dans plus de trente pays, le roman de Toshikazu Kawaguchi a touché les lecteurs du monde entier. Il était temps qu'il nous arrive. Pour un livre écrit en 2015, son écriture semble cependant totalement moderne, abordant des questions universelles de filiation et de soucis liés à la vieillesse.
A Tokyo se trouve un petit établissement au sujet duquel circulen une légende urbaine. On raconte que le café y est délicieux et particulier car il permet de retourner dans le passé. Mais ce voyage comporte des règles : il ne changera pas le présent et dure tant que le café est encore chaud.
C'est un ouvrage classé en science-fiction mais qui, à la réflexion, pourrait figurer en littérature générale. En effet, s'il raconte le pouvoir magique d'une tasse de café permettant, à condition qu'on respecte des règles intangibles, de voyager dans le temps, ce qui arrive aux personnages est plutôt "raisonnable" et somme toute plausible puisqu'ils n'ont pas le pouvoir de modifier l'ordre des choses.
En effet, dans les films ou les romans qui traitent de voyage dans le temps il est interdit de provoquer une action dans le passé qui aurait des conséquences sur le présent (p. 20). Tel le paradigme obligatoire que l'auteur nous rappelle. Car modifier le passé aurait des conséquences sur le présent. Ecrire de la science-fiction ne dispense pas d'être logique.
Ce roman est classé parmi les ouvrages de science-fiction et certains le considèrent même comme un conte gentillet, je l'ai trouvé bien plus profond. Le regard de Toshikazu Kawaguchi sur le couple de Mme Kôtake/M. Fusagi est attendrissant, réussissant à positiver la perte de mémoire du mari des suites de l'évolution d'un Alzheimer en autorisant une séduction quotidienne.
J'ai apprécié d’apprendre ou de retrouver quelques traits de culture japonaises, tous dignes d'intérêt comme la fabrication de grues en origami pour porter chance (p. 204). Ou (p. 87) la dégustation de saké Ginjo, un saké qui se définit par un nez frais, des arômes floraux et fruités. En bouche, il est délicat et les saveurs fruitées et florales sont franches, associées la plupart du temps à des notes de pomme et de fleurs blanches. C'est une boissonà laquelle je m'intéresse depuis que j'ai eu l'honneur d'en faire des dégustations.
On se sent considéré comme un habitué de ce café, et intégré dans la vie du quartier. L'action se passe au Funiculi funicula, un nom dans lequel on pourrait voir la métaphore d'une élévation ou d'un envol. Il est situé à Tokyo, ce qui en soit est déjà pour nous plutôt exotique.
Le café est une boisson qui n'a pas toujours été consommée. En Europe, ce fut le Procope (un établissement parisien) qui la démocratisa le premier en proposant en 1686 son service à table dans une tasse en porcelaine. Il doit son nom à son fondateur, le sicilien Francesco Procopio Dei Coltelli et se trouve toujours au 13 rue de l'Ancienne Comédie dans le 6 ème arrondissement.
Ce n'est que deux siècles plus tard que s’ouvrirent au Japon les premiers cafés à l’occidentale, très exactement en 1888. L'amertume de cette boisson n'était alors guère prisée par les japonais. Si l'on en croit l'auteur du roman le Funiculi funicula avait été fondé 14 ans plus tôt (p. 67). Disons que ce serait un des plus vieux cafés de tout le japon, même s'il s'agit d'un récit de fiction.
Si on ne peut pas changer le passé, et très peu le présent, on a tout pouvoir sur l'avenir et c'est déjà beaucoup. Les évènements du passé s'étant déjà produits, on peut retourner à un moment précis de notre choix (p. 193). Mais … pour le futur, on n'a aucune garantie. Quatre femmes vont vivre cette singulière expérience qui nous est racontée dans quatre chapitres successifs.
Et si la leçon à retenir, à travers la consigne de faire attention à finir son café avant qu'il ne refroidisse, devait être interprétée comme le conseil de savourer le présent ?
Tant que le café est encore chaud de Toshikazu Kawaguchi, traduit du japonais par Miyako Slocombe, Albin Michel, en librairie depuis le 1er octobre 2021
Je signale qu’une version audio existe, depuis le 11 mai 2022, chez Audiolib, très agréablement lue par Philippe Spiteri, d’une durée de 5 h 25 et que j’ai découverte dans le cadre du challenge Netgalley.
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