Du vieux français, de l’argot contemporain, de l’anglais, des mots inventés à partir de racines latines, des expressions imagées. Tout est compréhensible pourvu que le lecteur dispose d’un bon niveau lexical.
C’est donc avec grand plaisir que je me suis lancée à l’assaut de cet ouvrage. J’ai savouré. Mais passés les premiers éclats de rire, la forme a vite supplanté le fonds, entraînant, il faut l’avouer, une certaine fatigue de lecture, une progression parfois ralentie et une franche lassitude.
M’en vais-je écrire pareillement pour vous narrer cette chronique ? Vous dirais-je alors qu’il faut entraver chouia l’english pour décoder la comptine ?
Si je saisis l’idée derrière l’expression « faire de grands goodbyes » je m’interroge sur l’ironie que je sens pointer derrière « mon pauvre husband » et j’hésite avec le verbe balbouiner (probablement balbutier ou baragouiner). Point grave ? Pas si sûr parce que si près d’un tiers me file entre les mirettes je n’avons guère le goût de poursuivre plus avant.ces Fantaisies guerillères.
Tout avait commencé bien chrétiennement sous les auspices des sabots de la cavalcade avec un programme d’apprentissage assez savoureux ou il est question d’étudier « l’invisibilisation » des femmes dans l’histoire, d’initiation à l’esgorgement, à comment éviter le bûcher, ponctuée de ripailles, on s’en serait douté (p. 75).
Le récit s’étoffe quand la petite assemblée de Guerillères est constituée (à partir de la page 81) autour de quinze children de dix années peut-être, toutes en loques et sales comme des Englishes, n’ayant pas l’air bien vaillant en début de projet.
Guillaume Lebrun (dont on nous dit seulement qu’il élève des insectes dans le sud de la France - j’en cherche encore aujourd’hui le lien de cause à effet), nous infiltre dans la cervelle carrément teubée de Dame Yolande. Il aurait été judicieux -de mon humble point de vue- d’imaginer un récit parallèle en biau François mais je ne suis pas ready à reprendre au fuseau le fil de l’histoire pour réécrire l’épopée Jehannesque de icelle qui est nostre Grande Guerillere et Sainte pour des siècles (p. 152) que je connais pourtant fort bien pour avoir vécu plusieurs années à Orléans où, chaque 8 mai, la moitié de la ville défile devant l’autre moitié qui regarde.
La dame est Jehanne, Guérillère et prophétesse, venue pour vaincre (p. 258) … anciennement sainte, toujours riante, gabelante, ripaillante, bienbuvante et bienbaisante et … cela continue du même acabit sur une demie page (p. 283).
En appendice on trouvera des poèmes, des portraits de femmes puissantes comme Isabeau de Bavière et enfin l’arbre généalogique de la dynastie des Valois.
Tout se tient, de guingois, mais sans basculer, que nenni, tordu par une syntaxe particulière dont voici un exemple (p. 32) : comment as-tu pu imaginer une seule seconde pouvoir échapper à sa bojerie ? Tu penses (…) ton biau-fils en gestation, t’en souviens-tu encore fourbesse ? Il a également empêché l’Ennemi englishois de nous occire.
Si l’éditeur parvient à conclure un contrat de cession avec une maison estrangère je compatis à l’effort que le traducteur devra fournir pour livrer une équivalence. Je me questionne aussi sur le virage que Guillaume Lebrun pourrait négocier dans un second roman s’il lui venait l’idée de poursuivre son œuvre.
Ne risque-t-il pas de se noyer dans la mélasse qu’il a lui-même tirée, tant il est vrai que les gens sont ainsi. Ils veulent l’espérance, et, quand ils pensent l’avoir trouvée, ils ne la lâchent plus. Même lorsque les événements les contredisent, ils refusent de renoncer à leurs croyances et préfèrent tordre leurs certitudes pour les faire rentrer coûte que coûte dans le moule mal façonné de la réalité (p. 30).
Fantaisies guérillères de Guillaume Lebrun, chez Christian Bourgois éditeur, en librairie depuis le 18 août 2022
Sélectionné dans le cadre du Prix des Lecteurs d’Antony 2023
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