J’avais entendu dire beaucoup de bien de Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes de Lionel Shriver. Alors, forcément, je l’avais inscrit dans la (très longue liste des livres à lire).
J’ai démarré, comme on dit, bille en tête, et vaillamment, malgré un sujet qui ne m’affole pas. Sans afficher une mauvaise foi comparable à celle de Winston Churchill qui prétendait être en bonne santé parce qu’il ne pratiquait aucun sport, je sais que, à forte dose, cette activité créé plus de dégâts qu’elle ne procure de bien-être.
En cela je me trouvais plutôt en phase avec le propos de l’auteure, une américaine qui dénonce le refus d’accepter de vieillir, que l’on croit combattre par le culte du corps. Cette posture est sans doute plus visible aux USA que chez nous mais je connais tout de même des français pour qui le triathlon est devenu l’équivalent d’une drogue et qui ont pourri leurs relations familiales en y consacrant tout leur temps libre, sans parler de l’investissement financier qui en découle. Et j’approuve l’idée que le sport d’endurance organisé soit une industrie (p. 169).
Un beau matin, Remington fait une annonce tonitruante à son épouse Serenata : cette année, il courra un marathon. Ce sexagénaire certes encore fringant mais pour qui l'exercice s'est longtemps résumé à faire les quelques pas qui le séparaient de sa voiture mettrait à profit sa retraite anticipée pour se mettre enfin au sport ? Belle ambition ! D'autant plus ironique que dans le couple, le plus sportif des deux a toujours été Serenata jusqu'à ce que des problèmes de genoux ne l'obligent à la sédentarité.
Ce qu’elle a pris pour une passade devient une passion et les week-ends sont désormais consacrés à l'entraînement, sous la houlette de Bambi, la très sexy, très autoritaire (et très coûteuse) coach. Le mari, jadis débonnaire et volontiers empoté, a laissé place à un être arrogant et impitoyable. Remington et Serenata pourront-ils continuer la route ensemble ?
Le lexique employé par Lionel Shriver a beau être riche d’expressions n’appartenant qu’au monde sportif, je n’ai pas appris grand chose. Je savais que si la longueur d’un marathon est de 42, 195 km c’est parce que c’est la distance séparant la ville de Marathon d’Athènes (p. 52) et très franchement peu m’importait d’apprendre que le meilleur temps a été choisi comme titre pour ce roman.
J’ai trouvé Serenata fort sympathique et j’ai admiré toutes ses idées plus ou moins extrêmes pour inventer de nouveaux concepts, qui restent secrets. A titre d’exemple, elle fait remarquer à son beau-père que l’épuisement est devenu une industrie. Imaginez un peu, tout ce bois que vous manipuliez et ces poutres métalliques que vous hissiez autrefois, vous pourriez maintenant demander aux gens de le faire à votre place, et même leur demander de vous payer pour ce privilège. Il suffirait de changer « chantier de construction “ en “salle de sports ». Et elle ajoute qu’on pourrait appeler cette nouvelle discipline Ereksion avec un k pour plus de modernité (p.62).
Ce n’est pas faux. Pas plus que de pointer qu’autrefois, quand on voulait attirer les touristes, on créait un salon du livre alors qu’aujourd’hui il n’y a pas une ville qui ne parraine un marathon (p. 104).
Le style est mordant, vif, à l’humour teinté de noirceur et d’acidité. Les personnages sont très vivants, y compris les enfants du couple, dont les parents ont conscience qu’ils sont de vrais cas sociaux (p. 97).
Mais voilà, 480 pages extrêmement dialoguées ont représenté pour moi un marathon littéraire. Je me suis essoufflée. J’ai lâché à mi-chemin malgré de très grandes qualités qui en feraient une trame formidable pour une adaptation cinématographique.
J’ai déclaré forfait avant de savoir si, au moment de la retraite, le couple était, ou non, soluble dans le sport.
Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes de Lionel Shriver, traduit de l’anglais par Catherine Gilbert, Belfond, 2021
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