Nous sommes prévenus, ce livre n’est ni un guide, ni un atlas, ni un manuel (p. 7), mais il est un puits de science, truffé de références culturelles en littérature (p. 162), sur les chansons à boire, la peinture, le cinéma, de faits historiques et d’explications … parfois teintées de surréalisme.
On le savourera en le lisant d’une traite, en faisant des prélèvements au petit bonheur des pages, en utilisant le lexique … Toutes les méthodes seront bonnes pourvu qu’on ait la félicité. Car l’ouvrage est plutôt jouissif et il faut féliciter les trois auteures de leur éclectisme, Alicia Dorey, Marcelle Ratafia et Louise Pierga.
Parlons VIN parlons Bien ! passe en revue les verres et les bouteilles. Le bourguignon dégustera dans un ballon alors que le bordelais lèvera un verre tulipe. J’ai appris que c’est aux Anglais que l’on doit l’intronisation de la bouteille en verre (p. 98), et que l’invention du cubitainer date de 1955.
La bouteille alsacienne a une forme de flûte, la bordelaise est droite alors que la bourguignonne est plus large tandis que les rosés de Provence n’ont aucune limite dans leur fantaisie. La bouteille de Champagne doit être ultra résistante (même si on a réussi récemment à en diminuer le poids pour des raisons autant économiques qu’écologiques, faisant ainsi baisser les frais de transport et leur impact carbone). Quant à l’Adélaïde, c’est la plus grande au monde, avec une contenance de 93 litres.
J’ignorais que le tire-bouchon que j’utilise est un Charles de Gaulle, en raison de sa paire de leviers qui se dressent comme les bras du général dans un discours légendaire. Qu’on appelle limonadier celui qui combine coupe-capsule, ouvre-bouteille et décapsuleur, créé en 1882 par un allemand (p. 77).
Ayant souvent entendu d’un vin qu’il avait de la cuisse sans parvenir à saisir s‘il s’agissait d’un défaut ou d’un compliment, je sais désormais qu’il est plus convenable de dire qu’il est charnu, à savoir doté d’une belle matière, qui donne envie de le croquer à pleines dents (p. 50). Au chapitre des reproches, on trouve le qualificatif « aqueux » qui laisserait entendre une adjonction d’eau, et le terme de perlant qui laisse présager le risque d’une refermentation en bouteille.
Pour ce qui est du lexique, on parle d’arômes pour désigner les parfums qui se dégagent au nez, de notes pour les saveurs qui se révèlent en bouche, et de caudalie pour mesurer la persistance. Une des caractéristiques les plus fréquentes concerne le caractère tannique d’un breuvage, sachant qu’il ne concerne pas les vins blancs puisqu’on ne fait pas macérer le raisin blanc avec sa peau.
L’information coule de source : seuls les vins rouges peuvent être tanniques. Le mot vient du gaulois tann signifiant chêne, si bien qu’on peut dire d’un vin râpeux qu’il envoie du bois. L’inconvénient majeur est qu’il ne convient pas de servir un vin rouge avec le fromage (p. 185) mais du blanc comme je le répète souvent. Le tannin a cependant des propriétés appréciables, anti bactériennes, qu’on retrouve dans le thé. Comme je n’aime pas particulièrement les vins très tanniques il est donc logique que je ne sois pas une grande buveuse de thé.
Vous saurez que le saint patron des vignerons est Saint Vincent, sans que la sonorité de son nom ait joué un rôle (p. 169) et vous deviendrez incollable sur les régions vinicoles, et leurs cépages rois. Voilà quelques pages à lire, et relire un verre à la main pour mémoriser les caractéristiques qui nous sont pointées.
Le Beaujolais nouveau s'inscrit dans une vieille pratique consistant à commercialiser un vin juste après sa vendange. En 1935, la réglementation autour des AOC interdit la vente des vins nouveaux avant mi-décembre. Les vignerons du Beaujolais s'insurgent et obtiennent le droit en 1951 de mettre leur vin sur le marché un mois plus tôt. Et s'il a un goût de banane c'est que la fermentation est mal finie.
On apprend des recettes comme celle du blanc limé et de la soupe champenoise (p. 195) et même celle de la Michelada que j'avais connue au Mexique. La vérité est rétablie à propos du kir du chanoine dijonnais inventé par son prédécesseur (p. 194).
Les auteures n'édulcorent ni l'ivresse ni les fraudes, ni le vin meurtrier, ni même l'absinthe (p. 150). Il est bien entendu aussi question de législation, à travers notamment des lois anti-alcools, et je serais en faute d’omettre de vous rappeler qu'il faut consommer avec modération …
En refermant ce livre vous saurez ce qui différencie la taverne du cabaret ou de l'estaminet (p. 115). Vous saurez que boire un canon (p. 117) viendrait de la tradition maçonnique qui voulait que les convives tapent le verre sur la table avant de l'avaler d'un trait.
Et surtout, buvez bien, sans excès, faute de quoi vous vous réveilleriez avec la tirelire en palissandre (p. 213).
Parlons VIN parlons Bien ! de Alicia Dorey, Marcelle Ratafia et Louise Pierga, Editions Le Robert, 2022
Livre découvert grâce à Babelio
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