Victoria Mas aime tant le XIX° siècle qu’elle a choisi comme point de départ de son second roman, pour raconter ensuite un évènement (fictif ?) qui s’est déroulé à notre époque.
Fidèle à ses thèmes de prédilection, ce sera encore une histoire où les femmes et leurs croyances ont une place essentielle, où la folie sera au coeur du processus, si on peut considérer la jalousie et la croyance en l’invisible comme telles.
Une religieuse, un voyant, un miracle, tels sont les titres des trois parties de ce roman à l’écriture fluide qui se déroule en brefs chapitres pour bâtir une intrigue qui divisera les opinions, selon que l’on est croyant ou athé.
Sœur Anne, religieuse chez les Filles de la Charité, reçoit d’une de ses condisciples une prophétie : la Vierge va lui apparaître en Bretagne. Envoyée en mission sur une île du Finistère Nord balayée par les vents, elle y apprend qu’un adolescent dit avoir eu une vision.
Nous sommes en Bretagne, sur l’île de Batz, dans une région où depuis des siècles on croit aux fantômes, alors pourquoi pas à la Sainte Vierge ? Mais quand les apparitions se font sous les yeux d’un adolescent fragile, et pas devant une religieuse confirmée, ni un pratiquant émérite, les choses ne sont pas ordinaires et les passions s’enflamment alors que la terre tremble.
Les séismes sont d’ailleurs fréquents en Bretagne, quoique rarement ressentis car généralement de magnitude inférieure à 3 sur l’échelle de Richter. Pourtant le 27 juin 2020 celui de magnitude 4,6 qui frappa le Finistère au large des côtes a été ressenti jusqu'à Quimper et Brest. C'est sans doute de cet événement dont il est question (p. 114) quand le père d'Hugo annonce que la terre tremble ici. Rien de quoi s’inquiéter. Il s'appelle Michel Bourdieu et on dirait un nom prédestiné pour un homme fondamentaliste, pour le moins sectaire, et dont le rôle dans le roman est un peu confus.
On voit, sur la couverture, deux éléments importants pour les jeunes garçons : l'allusion aux planètes que l'un d'entre eux scrute avec une lunette astronomique, la mer d'une eau presque transparente, oscillant entre le vert et le bleu, ce fameux « glaz » nous apprend-on (p. 82).
Si l'ouvrage est un sans faute sur le plan des descriptions, sa faiblesse réside dans les interactions entre les personnages. Leurs drames ne sont que suggérés : l'inceste dont Alice (qui devient soeur Anne et qui ne verra rien - est-ce un autre hasard si l'auteure lui a donné ce nom qui est celui de l'héroïne de Barbe-Bleue ?), le harcèlement scolaire pour Isaac, incapable de se remettre de la mort de sa mère (dont on ignore les circonstances), qui n'est pas protégé par un père dépressif, l'homosexualité latente d'Hugo qui ne sera jamais dite … et enfin l'asthme de sa soeur Julia dont on ne saura pas si la maladie est indépendante du tempérament de ses parents.
Je n'oublie pas Madenn, une aubergiste meilleure plus humaniste que la religieuse, intelligemment pratiquante à l'inverse de Bourdieu, prête à défendre bec et ongles le jeune Isaac, semble-t-il par pure bonté d'âme, alors qu'il aurait été intéressant qu'elle ait une autre raison, enracinée dans son histoire personnelle ou celle de la mère de son protégé.
Ce qui nous est donné à voir de la religion catholique est étrange, comme si Victoria Mas ne voulait pas trancher, entre intégrisme, violence, peur, jalousie, croyance, fanatisme, fausse prophétie et peut-être vrai miracle. Difficile de croire à tout cela !
Victoria Mas a travaillé dans le cinéma avant de prendre la plume et d'être révélée par Le Bal des folles, couronné par le prix Stanislas et le prix Renaudot des lycéens, traduit en 25 langues, adapté au cinéma et en bande dessinée. Un miracle est son second roman.
Un miracle de Victoria Mas, Albin Michel, en librairie depuis le 17 août 2022
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