Dans quelques jours aura lieu le couronnement de Charles III et l’empire britannique sera une nouvelle fois au cœur de l’actualité. Mais sait-on vraiment bien jusqu’où s’étend cet empire qui fut la première puissance mondiale en 1922 ?
Sainte-Hélène (Saint Helena en anglais) a été défini par les Nations Unies comme un « territoire non autonome » de la Couronne britannique. Si je savais que Napoléon y avait passé les dernières années de sa vie, suite à la défaite de Waterloo, j’aurais été bien en peine de situer l’endroit sur une mappemonde. Et sans doute pas si bas dans l’Océan atlantique, loin à l’ouest des côtes de l’Angola.
Avec une population estimée à 4000 personnes, on peut imaginer combien la vie y est peu mouvementée sur ses 122 km 2 de roches volcaniques. Je comprends que les visiteurs y soient rares en dehors des anciens habitants rendant visite à leur famille. On estime à quelques centaines les « vrais » touristes, sans doute attirés par l’ombre napoléonienne. Le livre de Thierry Brun suscitera peut-être des envies de voyage à certains.
Les Anglais avaient bien choisi l’endroit, estimant peu probables ses chances de leur fausser compagnie comme il avait réussi à le faire depuis l’Ile d’Elbe. Il y arriva en octobre 1815 et y resta jusqu’au 5 mai 1821, date de sa mort, et même au-delà car son corps ne fut transféré aux Invalides qu’en 1840 qu’après que le roi Louis-Philippe en ait obtenu la restitution.
En attendant, il fut inhumé, conformément à ses dernières volontés (formulées dans le cas où son corps ne serait pas ramené en Europe) dans la vallée du Géranium, appelée depuis « vallée du Tombeau » alors que toute la colonie française quittait ce territoire.
L’habitation de Longwood fut cédée à un fermier. Mais l'empereur Napoléon III négocia ensuite avec le gouvernement britannique son achat avec celui de la vallée du Tombeau qui devinrent propriétés françaises en 1858. Elles sont gérées par le ministère français des Affaires étrangères ainsi que le pavillon des Briars qui fut la première demeure de Napoléon sur l’île, adjoint au domaine en 1959, lorsque sa dernière propriétaire, l'écrivaine australienne Dame Mabel Brookes (1890-1975), racheta ce pavillon pour l’offrir à la France.
Thierry Braun est médecin biologiste, ancien chef de Clinique du service de Bactériologie de l'hôpital Cochin à Paris et il a participé à la découverte et l'étude des premières bactéries mutantes résistantes aux inhibiteurs des beta-lactamases. Il a travaillé sur le dossier médical de Napoleone Buonaparte, basé sur des témoignages de contemporains.
Il devenait ainsi légitime à se pencher sur les dernières années de l’empereur qu’il raconte dans L’ombre chinoise de Napoléon. Découvrant les hautes falaises de Sainte-Hélène, Napoléon s’y serait écrier : Vilain séjour, si j’étais resté en Egypte, aujourd'hui je serais Empereur de tout l'Orient !
Thierry Brun établit que si Napoléon se passionnait pour l'Orient c’est sur sainte-Hélène qu’il noua de vrais contacts avec des Chinois. A l’époque de sa détention, 646 Chinois y résidaient, dont 23 travaillant à Longwood, la maison même où les Anglais l’avaient emprisonné.
L'île de Sainte-Hélène était alors une escale obligée sur la route de l'Orient. Plus de mille navires y transitaient chaque année, offrant mille occasions de s'échapper... Dans ce livre intéressant, fortement dialogué, on apprendra comment Chen Jin est devenu l'ombre chinoise de Napoléon, autrement dit son espion, une ombre qui sera suspendue entre l'Amérique et l'Orient.
Le Corse Cipriani, frère adoptif de Napoléon et chef du réseau de renseignements de Longwood. conseillait en effet à Napoléon d’oublier la France et Sainte Hélène : En Amérique, nos idées agitent toutes les têtes. On est Bonapartiste aujourd’hui comme on était catholique hier. Les États-Unis d’Amérique sont favorables aux idées républicaines et libérales que tu incarnes mieux que personne (p. 76).
C'est à Sainte-Hélène, recevant l'ambassadeur anglais lord Amherst, de retour de Chine, qu'il prononce une prédiction que l’on attribue à tort à Alain Peyrefitte (parce qu’il en a fait le titre d’un livre publié en 1973 chez Fayard) : Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera ! (p. 126)
Outre Cipriani, les acteurs secrets de ce drame sont le Chinois Chen Jin et la belle Yi Lian qui sera le dernier amour de Napoléon.
Une bibliographie détaillée et une chronologie complètent cet ouvrage historique admirablement documenté.
L'ombre chinoise de Napoléon de Thierry Brun, en librairie depuis le 30 Mars 2023
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