Le propos d'Eugénie Ravon est très intéressant : s'intéresser plus généralement aux émotions ambivalentes, paradoxales et équivoques qui peuvent nous traverser lors des grandes étapes de notre vie comme les enterrements, les séparations, les deuils.
Les comédiens qu'elle a choisis pour l'accompagner dans cette aventure sont tous très talentueux. La plupart ont travaillé avec de grands metteurs en scène. Nathalie Bigorre avec Philippe Adrien, Jules Garreau avec Bellorini, Philippe Gouin avec Omar Porras … La plupart sont autant chanteurs que comédiens et danseurs. Philippe est même aussi un excellent pianiste.
J'aime beaucoup le nom qu'elle a donné à son collectif, La taille de mon âme, en référence sans doute à la si belle chanson de Daniel Darc qui conclut après avoir énuméré chacun de ses organes, si seulement tu savais la taille de mon âme.
Je suis venue voir La mécanique des émotions dans le très confortable « petit théâtre » du chaleureux TSQY de Montigny-le-Bretonneux. Je suis très respectueuse de sa propre expérience, l'accident vasculaire cérébral qu'elle a subi à la naissance de sa fille. Et bien que je ne sois pas très fan de l'usage des micros HF (les artistes qui se produisent au festival d’Avignon en savent quelque chose) je suis devenue plus tolérante à cet égard, à condition qu'ils soient parfaitement réglés par un ingénieur du son module la puissance de manière à ce que le spectateur ne reçoive pas les décibels mais précisément l'émotion portée par le texte.
Vous aurez compris que j'ai été déçue … Et pourtant que de bonnes idées, avec le glissement récurrent d'un registre à un autre, la variété des adresses et le traitement de la musique. Mais il m’a semblé que la dramaturgie du spectacle ne s’appuyait pas sur beaucoup de « nos » émotions, essentiellement le rire que l’on partage avec la metteuse en scène à la fin de la première séquence.
Ça commençait d'ailleurs très bien, par une séquence quasi pédagogique, menée de main de maitre par Philippe Gouin, fort instructive à propos de la note lacrymale, cet accord qui, invariablement provoque l’émotion quand nous l’entendons, que ce soit dans une chanson de Gloria Gaynor, Claude François ou Adèle… ou de bien d’autres artistes de la variété occidentale. Ce comédien qui prend souvent le costume de Monsieur Loyal apporte beaucoup de fraicheur dans le spectacle et chacune de ses interventions en solo aura marqué le public.
Sa première scène est interrompue par les rires d’Eugénie Ravon qui descend les gradins pour partager son histoire personnelle et place au théâtre … mais j'ai couru après le fil dramatique tout au long de la suite du spectacle, peut-être parce que, souvent, les paroles ne me parvenaient pas suffisamment distinctement, si bien que malgré de belles images et des chorégraphies très léchées il fut de plus en plus difficile de décoder de quelles émotions on voulait me parler. Un comble.
Alors que le personnage d’Eugénie souffre sur son lit d’hôpital, maltraitée par une équipe de docteurs Mabuse aux gestes et mimiques loufoques, une de ses amies (Morgane Bontemps) est amoureuse de quelqu’un avec lequel elle a rompu mais qu’elle espionne (j’apprends le terme stalking) via les réseaux sociaux mais elle ira jusqu’en Islande pour tenter de le retrouver, sous les encouragements d’Eugénie et d’une troisième meilleure amie (Magaly Godenaire) qui, lorsqu’il s’agit d’elle, restera ultra réservée, voire mutique, se défendant de devoir dire toute la vérité, en prétextant le mensonge salutaire.
La mère (Nathalie Bigorre) semble folle à lier, incapable spontanément d’amour maternel. L’infirmier (Jules Garreau) se métamorphose en souris sous l’effet de ses fantasmes ou de l’absorption de quelque substance … car on ne saisit pas le rapport avec la situation de départ, l’AVC de la jeune femme. Mais on aura beaucoup dansé … souvent je salue au passage le travail de la chorégraphe Garance Silve).
J’ai cru que le spectacle souffrait d’un manque de dramaturgie mais je dois me tromper puisque c’est l’excellent auteur et dramaturge Kevin Keiss qui s’y est attelé.
Eugénie Ravon affirme pratiquer un théâtre fondé sur l’art de l’acteur. Avec sept partenaires de jeu qui ont entre 30 et 60 ans et dont la virtuosité d’incarnation les rend capables de passer d’un registre très intime à une grande puissance de théâtralité, capables aussi de faire affleurer l’humour dans les larmes et la joie dans le tragique. (…)
J'ai perçu l'humour, très souvent, et je l'ai apprécié, beaucoup moins la joie, et finalement le tragique n'est pas arrivé jusqu'à moi. Il a dû se fracasser contre le quatrième mur.
La mécanique des émotions
Conception et mise en scène Eugénie Ravon avec la collaboration de Kevin Keiss
Conception et mise en scène Eugénie Ravon avec la collaboration de Kevin Keiss
Avec Nathalie Bigorre, Morgane Bontemps, Stéphane Brel, Jules Garreau, Magaly Godenaire, Philippe Gouin, Eugénie Ravon
Scénographie Emmanuel Clolus
Création lumière Pascal Noël
Création sonore Colombine Jacquemont
Création costumes Elisabeth Cerqueira
Scénographie Emmanuel Clolus
Création lumière Pascal Noël
Création sonore Colombine Jacquemont
Création costumes Elisabeth Cerqueira
Les photos qui ne sont pas logotypées À bride abattue sont de © Patrice Leiva
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