La vie secrète des arbres n'est pas une nouveauté mais c'est seulement il y a quelques jours, à l'occasion d'un trajet dans le métro qu'une immense affiche m'a signalé ce livre, traduit en 32 langues , numéro un des ventes en Allemagne avec plus de 650 000 exemplaires vendus depuis mai 2015 et qui est devenu un étonnant best-seller aux États-Unis.
Les forêts ressemblent à des communautés humaines. Les parents vivent avec leurs enfants, et les aident à grandir. Les arbres répondent avec ingéniosité aux dangers. Leur système radiculaire, semblable à un réseau internet végétal, leur permet de partager des nutriments avec les arbres malades mais aussi de communiquer entre eux. Et leurs racines peuvent perdurer plus de dix mille ans…
Rien n’est farfelu, bien au contraire dans cet ouvrage de Peter Wohlleben, parfaitement traduit de l’allemand par Corinne Tresca dont je salue la qualité de son travail.
Je me suis souvent exclamée en découvrant les propos de ce forestier, qui dirige aujourd’hui une forêt écologique. Pensez donc : malgré des millions de graines les statistiques sont formelles, un arbre n’engendre qu’un seul et unique successeur.lequel prendra sa place le moment venu. Sachant qu’un hêtre produit au moins 30 000 faînes tous les 5 ans, qu’il atteint la majorité sexuelle entre 80 et 150 ans et que sa longévité est de 400 ans au maximum, il produira environ 1,8 millions de faînes et une seule deviendra un arbre. Ramené à l’échelle de la forêt entière c’est plus difficile que gagner au loto. Tous les autres embryons seront soit mangés par les animaux, soit transformés en humus par les champignons et les bactéries (p. 42).
Autre découverte impressionnante que d’apprendre que le réseau d’un champignon est immense. Son mycélium peut atteindre 900 hectares, 600 tonnes en 2400 ans. On comprend en quoi il permet aux arbres de communiquer entre eux. L’auteur surnomme les champignons l’Internet de la forêt (p. 64).
Peter Wohlleben explique en quoi la perte des feuilles est un bénéfice pour l’arbre qui, ainsi, diminue sa portée au vent en hiver et traversera mieux la période des bourrasques (p. 154). En effet la superficie de ses feuilles représente 1200 mètres carrés. Les sapins, qui renouvellent moins vite leurs épines, courent plus de risques de ployer sous le poids de la neige. Voilà pourquoi on les remarque si souvent courbés, particulièrement au bord de la mer.
Les chiffres qu’il communique sont impressionnants, dans l’infiniment grand comme dans l’infiniment petit. J’ai eu la chance de voir un des plus grands arbres du monde, celui de Tule, au Mexique (ci contre), impossible à photographier dans son entièreté tant il est volumineux, et qui impose le respect.
Les connaissances de l’auteur sont passionnantes et le ton de la rédaction en fait un ouvrage qu’on a envie de dévorer comme on le ferait d’un livre d’aventures ou de contes fantastiques. J’ignorais que les séquoias ne pouvaient pas, en Europe, atteindre la même hauteur qu’en Amérique. Voilà pourquoi celui de l’arboretum de Châtenay-Malabry (ci-dessous) demeurera somme toute modeste.
Une chose est sûre, même pour moi qui connaissais déjà pas mal de choses : je ne me promènerai plus de la même façon en forêt. Je serai attentive à bien davantage de choses puisque la démonstration m’a été faite que les arbres peuvent voir et entendre.
Je savais par exemple, depuis que j’ai lu Gilles Clément, que les plantes sont de grandes voyageuses. Mais je n’avais pas pensé que, sous l’influence des changements climatiques, des arbres pouvaient intentionnellement devenir migrateurs.
Cet ouvrage devient porteur d’un optimisme qui réconforte pour les années à venir, pourvu qu’on prenne malgré tout soin de la nature.
La vie secrète des arbres de Peter Wohlleben, traduit de l’allemand par Corinne Tresca, éditions Les arènes, mars 2017 pour la publication française
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