En raison du contexte politique de l’Afrique du Sud, les artistes noirs ont trop longtemps été ignorés alors que depuis un peu plus d’une décennie, la scène sud-africaine est sans nul doute la plus riche et la plus dynamique du continent africain et revêt une importance majeure à l’échelle du monde de l’art.
Voilà pourquoi la Maison des Arts d'Antony (92) a choisi de donner la parole à quatre d’entre eux : Leila Rose Fanner, Lindokuhle Khumalo, Morgan Mahape et Zanele Muholi, exposant tous dans la même galerie, la Galerie Carole Kvasnevski, 39 rue Dautancourt, 75017 Paris
Au-delà de l’évident caractère esthétique de leurs œuvres, tous ont en commun de porter un discours plus ou moins direct sur l’histoire de leur pays, passée et actuelle, en évoquant par exemple l’Apartheid, la ségrégation, le racisme, tous les types de violences, les problématiques connexes d’aujourd’hui autour de l’identité, du genre, … ou des pistes pour trouver sa place dans le monde d’aujourd’hui.
Chacun, à sa manière, aborde ces thématiques locales à portée universelle avec des techniques et des références artistiques multiples, mêlant souvent Afrique du Sud et Occident. Ils ont aussi en commun d’avoir retenu le portrait pour traiter les sujets qu’ils ont à coeur.
Autre point commun : il est particulièrement intéressant de regarder de loin puis de s'approcher pour discerner les détails des oeuvres. Voilà pourquoi j'ai photographié chacune de celles que j'ai retenues en plan large puis en me focalisant sur un détail du même tableau.
Au rez-de-chaussée je suis saisie par le recours à un média totalement inédit, la perle de verre avec laquelle Morgan Mahape tisse d’immenses portraits en faisant dialoguer beaux-arts et culture populaire. C'est un artiste autoditacte né en 1983 à Umlazi, Durban, en Afrique du Sud. Ses oeuvres s'inspirent de la nature où la végétation est un symbole de vie et de développement.
" Je travaille avec des perles de verre enfilées sur des lignes de pêche. D'abord je découpe un morceau de bois et j'utilise des clous pour tendre les lignes, puis j'enfile les perles une par une. Chaque ligne est indépendante. L'ensemble apparaît quand on assemble toutes les cordes, parce que la technique elle-même repose sur un concept d'unité. Chaque perle représente un individu et les perles sur la ligne représentent un groupe de personnes".
Dans la pièce voisine, il est évident que les tableaux de Leila Rose Fanner évoquent l’univers de Gustav Klimt bien que les couleurs qu’elle emploie soient moins vives. Pour elle, l’art est une célébration et elle peint des paysages oniriques inspirés notamment de habités par des silhouettes féminines noires.
Métisse née en Californie en 1969, d'une artiste sud-africaine et d'un musicien afro-américain, élevée en Afrique du Sud, cette artiste, peintre et illustratrice, se promène entre paysages abstraits et figures ornementales, comme tissant une toile d’Afrique inspirée par l’art nouveau européen. Elle travaille actuellement dans son studio du Cap et utilise aujourd'hui l'huile et le pastel à l'huile sur bois et sur toile.
Sa première exposition solo au Cap : " Superwomen ", fut organisée à la Kunsthouse Gallery de Kloof Street, au Cap, en 2008. Elle a reçu le Highly Commended Award lors du concours britannique Rise Art 2018. Ses peintures ont été publiées notamment dans le magazine Harlem Fine Arts, la galerie Vogue et SA Art Times. Ses œuvres font partie de collections publiques et privées en Afrique du Sud, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Belgique, en Australie, au Kenya, en Suède, en Norvège et en Allemagne.
Au premier étage, le plus jeune invité, Lindokuhle Khumalo, suit un chemin similaire aux trois autres artistes, "explorant les valeurs culturelles actuelles et visitant en partie sa spiritualité zouloue". Il réalise de grands portraits évoquant l’art cinématographique en nous parlant autant de nos sociétés actuelles que de l’importance des ancêtres, qui sont sans doute les visages qui se laissent systématiquement deviner dans le noir des caméras lorsqu’on s’approche des oeuvres.
Son travail est essentiellement une réflexion artistique des expériences sociales à plusieurs niveaux, et une quête personnelle, explorant les valeurs culturelles actuelles et visitant en partie sa spiritualité zouloue. En tant qu'artiste, il explore surtout les figures, plus que d'autres éléments.
Sa jeune sœur est devenue sa muse, car elle l'a toujours inspiré à la fois comme sujet artistique et comme personne avec laquelle il partage des opinions sociales contemporaines. La couleur verte, symbole de l’espoir, est une récurrence dans son travail. Elle est un moyen de garder un lien avec ses origines et sa famille qui sont également une source d’inspiration.
Lindokuhle Khumalo est un artiste contemporain sud-africain né en 1995 dans le petit village de Ndwedwe, au KwaZulu-Natal. En 2015, il a commencé à se concentrer sur sa carrière artistique et a participé en 2016 à une résidence au Rorkes Drift Craft Centre où il a étudié l'impression textile sous le mentorat de l'artiste suédois, Marlin Sellmen.
En 2017, Khumalo a reçu des commandes privées pour créer des peintures murales pour la municipalité de Thekwini. Lindokuhle Khumalo a également eu l'occasion de participer au projet 'Ikhono LaseNatali' de l'artiste Sir Zanele Muholi.
Il a participé à diverses expositions collectives à travers le continent africain et a présenté une autre exposition solo à la foire d'art AKAA lors de leur édition en ligne en 2020. Ses œuvres font désormais partie de la collection de la National Art Bank en Afrique du Sud et de nombreuses collections privées en Europe.
Toujours à l'étage, Zanele Muholi, artiste de renommée internationale, avec qui Lindokuhle Khumalo et Leila Rose Fanner ont d'ailleurs travaillé, présente une sélection d’autoportraits photographiques, peints et sculptés dénonçant toutes les formes de violence (raciales, sexuelles et de genres).
Il y a une certaine fierté à présenter des oeuvres de ce photographe et activiste sud- africain·e de renommée internationale, dont le travail documente la vie de la communauté noire LGBTQIA+ (lesbienne, gay, bisexuel·le, transgenre, queer, intersexe, asexuel·le + ) et des individus qui la constituent, faisant ainsi honneur à l’un·e des artistes les plus salué·es aujourd’hui.
Et pour la première fois, la Maison des Arts a donné carte blanche à une classe pour s'exprimer au sujet de huit oeuvres de l'exposition. Les élèves ont réalisé des cartels qui sont l'aboutissement de leur perception, de leur compréhension et de leur interprétation des images qui leur ont été proposées en amont de l'exposition.
Leurs dessins, leurs collages et leurs textes pourront inviter le visiteur à voir les oeuvres sous un autre regard. C'est une initiative qui mérite d'être poursuivie.
Pour finir je vous propose d'entreprendre une visite virtuelle de cette exposition, détaillée puisqu'elle fait un peu plus de 13 minutes, en espérant qu'elle vous donnera envie d'aller sur place.
Afrique du Sud : Leila Rose Fanner, Lindokuhle Khumalo, Morgan Mahape et Zanele Muholi
Maison des Arts
Parc Bourdeau - 20 rue Velpeau - 92160 Antony
Du 1er mars au 30 avril 2023 - Entrée libre
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