On parle souvent à tort et à travers de feel good pour caractériser un livre qui se finit bien. Ce qui est différent avec Janine Boissard c’est que son écriture elle-même est apaisante.
Ce ne sont pas seulement les problèmes qui se résolvent (un peu magiquement d’ailleurs). Le plus important est son emploi de mots réconfortants, à commencer par sa manière de décrire les plats servis à l’heure des repas et le choix des adjectifs pour les caractériser. C’est un talent que de trouver les bonnes formulations comme par exemple la désignation de mes Deux pour parler du garçon et de la fille d’Elise.
Plusieurs personnages dégagent une bonté intense, qui semble n’avoir aucune milite. Pourtant elle n’hésite pas à aborder frontalement des situations douloureuses ou révoltantes, comme la maltraitante, et ce n’est pas le premier de ses romans dans lequel il est un thème important. Mais elle le fait toujours avec respect (tout en ne mâchant pas ses critiques) et en témoignant de l’empathie pour les plus faibles, comme l’enfant qu’elle surnomme le chaton Benjamin.
Elle a raison de nous prévenir qu’on peut, en silence, vivre le pire et le meilleur (p. 66). Elle est profondément féministe et nous met en garde aussi contre les idées toutes faites en invoquant les paroles de la chanson de Joëlle Kopf qui ont fait de ce titre l'un des tubes incontournables de l'année 1984 : Ne la laisse pas tomber elle est si fragile.
En fine psychologue elle analyse parfaitement la société actuelle : Il y a des gens qui ont peur du silence, comme si c’était eux qu’il visait. Alors, ils le remplissent de paroles en l’air, de farfelu, de bagatelles, n’importe quoi. A moins qu’ils n’allument leurs tablettes, ce qui revient au même parce que tout ça, c’est de la triche, un point c’est tout (p. 100).
La couverture dégage cependant une allégresse et une légèreté évidentes. Le titre, Elle parlait aux fleurs, fait sans doute référence aux oiseaux de Saint François d’Assise mais je n’ai pas compris pourquoi le verbe était à l’imparfait, ce qui semblerait suggérer que le personnage en question n’est plus de ce monde.
Elisa, 27 ans, a perdu son mari Didier deux ans auparavant, victime d’un cancer foudroyant. Seule avec deux enfants, elle ne peut compter sur le soutien de ses parents, des quincaillers très modestes. C’est Thomas, le frère aîné de Didier, qui l’aide financièrement et qui tente de faire barrage à la méchanceté cruelle de la mère des deux frères.Ainsi Elisa peut-elle prendre soin de sa famille sans crainte du lendemain, s’occuper de son jardin, sa passion, et oeuvrer pour une association humanitaire : SOS Enfants Congo. Une vie somme toute bien remplie mais qui ne l’empêche pas de penser à l’éloignement de son amie d’enfance Claude, et dans laquelle il manque l’amour.
Vous aurez deviné que le chemin à parcourir avant de (peut-être) retrouver un bonheur complet ne sera pas semé de roses. Nous suivrons toutes les péripéties en prenant nous aussi le parti des plus faibles et en croisant les doigts pour qu’un miracle se produise.
Au-delà de l’histoire, fort agréable à lire parce qu’elle est riche de péripéties, il est appréciable d’apprendre beaucoup de choses à propos des chênes, cet arbre centenaire doté de pouvoirs particuliers, de l’œuf Cendrillon (que je n’ai encore jamais goûté) p. 251, de Notre Dame de Paris et de Versailles, et bien sût de Rennes qui est la grande ville la plus proche du domicile d’Elise.
Je ne savais pas qu’elle avait abrité (p. 12) le bronze géant de plus de 5 mètres de hauteur, signé en 2012 par Adel Abdemessed pour immortaliser le fameux coup de boule de Zidane au footballeur italien Materazzi au cours de la coupe du monde de football de 2006. J’ignorais l’existence de cette œuvre que François Pinault, par ailleurs propriétaire du Stade Rennais, a l’intention d’installer à Dinard, au bout de sa propriété, de manière à ce qu’elle soit visible par les promeneurs, mais de loin, afin qu’elle ne fasse plus l’objet de détériorations par des fanatiques.
Janine Boissard fait de multiples références au Petit prince, cette œuvre majeure de Saint-Exupéry, que j’aime particulièrement et dont j’ai utilisé des citations pour illustrer les faire-parts de naissance de mes enfants. Elle a aussi la délicatesse de citer une auteure cette fois contemporaine, Fred Vargas (p 189).
Comme elle a raison de nous inciter à nous arrêter de s’excuser de tout et d’évoluer sous les interdictions bien-pensantes (p. 160).
Le livre aurait pu s’achever page 233 alors que tout allait bien et que le lecteur restait libre d’imaginer lui-même la suite des évènements. Mais c’était sans connaître Janine et son art des rebondissements.
Romancière au plus de cinquante livres et plus de soixante ans de carrière, Janine Boissard fait figure de monstre sacré de la littérature dite « populaire », un mot dont elle tire à juste titre une grande fierté. Paris -Match a trouvé la bonne formule pour la caractériser avec cet oxymore : « Virtuose d’un style simple. Rien d’étonnant à ce que le public la célèbre dans les salons du livre (comme ci-dessous à Saint Maur il y a quelques mois).
Elle parlait aux fleurs de Janine Boissard, Fayard, en librairie depuis le 29 mars 2023
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