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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

samedi 23 février 2008

RENDONS A CESAR !

Pinocchio au secours de César

Voilà que je vais signer mon premier billet d’humeur.


Je confesse que je n’ai rien lu sur ce qui a pu être publié à propos de la soirée télévisée d’hier et que je n’ai absolument rien écouté en terme de critique à la radio depuis.

Je ne sais donc pas si je me situe dans la moyenne de ce qu’ont pensé les téléspectateurs ou si je suis a-normale (au sens propre : hors normes) mais j’ai fini par éteindre mon poste avec dégoût.

J’étais pourtant heureuse de passer une soirée en compagnie de ces gens du cinéma auxquels je dois tant de bons moments comme simple spectatrice. La performance offerte par Valérie Lemercier l’année dernière était si époustouflante que je m’attendais à au moins autant de bonheur.

J’avais donc allumé le poste en avance, ce qui est le meilleur moyen de ne pas être en retard. J’apprends qu’on attend Fanny Ardant, qui est annoncée en retard pour remettre un César d’honneur. C’est curieux car d’habitude les César d’honneur sont donnés en cours de cérémonie, pour rompre un rythme qui pourrait s’essouffler.

Le journaliste interroge l’actrice « enfin » là et lui propose les embouteillages parisiens en guise d’excuses. L’étonnement se lit sur son visage. Mais cette grande dame susurre lentement de sa voix profonde : on m’avait dit 9 heures … L’homme encaisse : alors c’est que nous sommes en avance…

L’émission démarre avec les sacro-saints hommages aux disparus de l’année. Sauf que cette fois mes yeux n’arrivent pas à capter la totalité des noms qui sont tous sur le même écran. Seul Alain Robbe-Grillet se détache, peut-être en raison de sa longueur. Suivent quelques extraits de films peu connus et bien choisis qui mettent en valeur les talents d’interprète de Jean-Claude Brialy, Jean-Pierre Cassel et Michel Serrault. Un carton nous apprend que la soirée leur est dédiée. On pense donc en toute logique qu’il en est fini des hommages posthumes. Première erreur.

Déboule sur scène Jean Rochefort. Un acteur immense, mais dont on ne sait pas toujours s’il plaisante ou s’il est sérieux. Ce qui est manifeste, c’est qu’il ne connaît pas son texte. Il essaie d’en tirer gloire et cherche à nous convaincre que l’originalité de sa tenue va lui valoir une place de choix dans les pages « people » des magazines. Tout cela parce qu’il arbore un smoking avec un col Claudine. Tiens donc, le premier hommage est pour Colette ! Voilà de quoi aider le retour de l’autorité à l’école !!!

Comment donc, vous ne savez donc pas que le col Claudine, c’est le col rond de la blouse d’écolière à l’époque où celle-ci était obligatoire ? Ladite Claudine fut l’héroïne d’un livre de Colette, l’écrivain.

Les yeux de Jean Rochefort hésitent. Je me dis qu’il a du mal à lire le prompteur. Ma famille me raille : un prompteur, pour des comédiens, tu n’y penses pas !

La suite de la soirée me donnera raison. Le cameraman fera moult plans larges où l’on voit nettement défiler du texte sur un écran arrimé à la corbeille au-dessus du parterre, et puis un autre, moins grand, accroché à la scène. Le spontané va être réduit, forcément. Qui osera improviser ?

Les tentatives de plaisanterie d’Antoine de Caunes sont misérables. C’est grossier, inélégant, indigne … Je ne vous raconterai pas son hommage morbide au Mime Marceau. C’est à oublier très vite.

De même que les allusions graveleuses à la vie privée du président de la République qui ne font pas rire les spectateurs. On en a assez de toutes ces blagues autour de quelqu’un m’a dit …

Et quand Antoine de Caunes fume ostensiblement pour agacer ceux qui aimeraient en griller une on se dit que Serge Gainsbourg aurait été plus délicat, c’est dire … Les remises de prix s’enchaînent sans rythme. Heureusement que le réalisateur avait mis en boite la parodie d’une scène de la Môme interprétée magistralement par Valérie Lemercier (ouf elle fut des nôtres malgré tout).

Fanny Ardant est demandée sur scène pour remettre un César d’honneur à Roberto Benigni qui, égal à lui-même et sans le secours d’un prompteur, se lance dans un discours enflammé sur le cinéma, l’Italie, les femmes. Il nous amuse quand il se plaint que la France ait volé à son pays ses plus belles femmes, Carla Bruni, Monica Belucci et la Joconde. Il suggère à Fanny Ardant d’émigrer pour rétablir l’équilibre. Rien ne l’arrête. Roberto Benigni s’enflamme davantage et harangue les invités. C’est vous, les français qui avez inventé le cinéma, alors vous vous devez de faire le meilleur cinéma du monde. Il s’arrête soudain après plusieurs longues minutes d’exaltation et demande une minute de silence pour deux grands disparus du cinéma dont personne n’a songé à parler auparavant : Michelangelo Antonioni et Ingmar Bergman (qui sont décédés tous les deux par le plus grand des hasards le 30 juillet dernier). Voilà la salle qui s’apprête à applaudir cette initiative quand enfin la majorité réalise la gaffe et redevient silencieuse.


Roberto Benigni est parti sur la pointe des
pieds après cette minute de recueillement et de silence. Avoir réussi à faire taire la télévision est une prouesse. Merci Monsieur Benigni pour ce rare hommage. Votre visage exprimait toute intensité de vos émotions. Roberto Benigni, capable d’interpréter Pinocchio, est un homme qui ne ment pas. On peut espérer qu’Antoine de Caunes aura retenu la leçon.


Autre grand hommage autour de Jeanne Moreau qui reçoit pour la seconde fois un César d’honneur. Personnellement cela me choque. Comme si on voulait nous assurer qu’on soigne les grands noms du cinéma sans attendre leur disparition. Quoiqu’il en soit Jeanne Moreau a superbement bien tiré sa révérence. Ce petit bout de femme, refusant l’ovation debout, irradiante de beauté, priait l’assemblée de se rasseoir.
Elle nous a offert un petit discours où la sincérité ne faisait pas de doute et dont les propos faisaient mouche. On sentait qu’elle s’exprimait avec aisance et intelligence, rebondissant sur les propos de Roberto Benigni. Elle a eu cette idée magnifique d’appeler les comédiennes du premier film de Céline Sciamma Naissance des pieuvres pour leur offrir son César, estimant qu’elles en avaient davantage l’utilité qu’elle. Jolie leçon aux organisateurs qui espéraient nous faire pleurer derrière le poste. Bel exemple de dignité. Merci Madame Moreau, pardon, mademoiselle, puisque c’est ainsi qu’il faut parler…


Julie Depardieu n’a pas été en reste. Nominée meilleure actrice dans un second rôle, pour celui qu’elle interprète dans le film un Secret de Claude Miller elle a jugé bon de céder la sculpture à Ludivine Sagnier qui
est sa partenaire dans ce film. La gêne de celle-ci était palpable. Elle jurait qu’elle rendrait l'objet mais Julie a quitté l’assistance en riant. On se demande s’il y a un message à décrypter, si c’est un mouvement d’humeur ou un acte irréfléchi.


Alain Delon est
venu spécialement chercher le César d’honneur de Romy Schneider. Les yeux pleins de larmes, il a fait un hommage appuyé, passant du français à l’allemand pour prononcer des mots doux et envoyer un baiser. Je ne veux pas critiquer le principe de vouloir saluer la mémoire de Romy Schneider. Je ne veux pas non plus me moquer d’aucune façon d’Alain Delon, mais tout de même, je n’ai pas oublié la façon dont on l’avait raillé quand il avait dit qu’il ne viendrait pas chercher un César si on lui en attribuait un. C’était Coluche je crois qui avait lu une pseudo lettre écrite par l’acteur depuis la Suisse. Les organisateurs sont-ils si perfides qu’ils auraient imaginé ce subterfuge pour qu’on ne puisse plus dire qu’Alain Delon ne s’est déplacé pour recevoir un César ?


J’ai arrêté alors de regarder l’émission.


Quoi choisir d’autre qu’une photo de tigre pour illustrer la fin de ce billet d’humeur ?


Voyez-y une
allusion au coup de griffe que je voudrais donner à cette soirée, un clin d’œil au Guépard que tourna Delon, mais surtout au magnifique film de Roberto Benigni, le Tigre et la neige sur lequel je reviendrai un jour parce que si je devais retenir une dizaine de films parmi tous ceux que j’ai vus celui-ci aurait la place d’honneur.

Antoine de Caunes déplorait l’absence hier soir des Clavier, Adjani, Bacri et Jaoui (je le cite de mémoire) comme si le parterre n’était composé que de personnes de second ordre (c’est gentil pour eux …) laissant entendre que la cérémonie des César s’essoufflait. Il suggérait de faire soirée commune avec la cérémonie des Molière. A supposer que la cérémonie soit reconduite l’an prochain (parce que au train où elle a été menée on peut s’interroger sur la bonne volonté des futurs invités de s’y rendre) puis-je oser, Monsieur Denisot, ma petite suggestion ?


Et si vous remettiez un César d’honneur à un spectateur, élu au hasard, au sortir d’une vraie salle de cinéma …
au lieu de morigéner sur ceux qui téléchargent illégalement … parce qu’aussi il n’y a pas de meilleurs films que ceux qui sont regardés.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Pour la soirée des Césars, que nous n'avons pas vue, parce que nous n'aimons pas tout ce déploiement de frou-frou, et ces "blablala" c'est peut être l'âge ?!! je trouve que notre Orléanaise : Marion Cotillard est quand même très émouvante dans son rôle de Piaf.

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