Demain la rétrospective de 40 années de mode sera révélée au grand public. Les tableaux ont été conçus pour illustrer chacun un aspect de l'histoire de la maison Rykiel, dans une mise en scène qui reflète autant l'évolution de la mode que celle de la société.
Aller de l'un à l'autre équivaut à feuilleter un carnet de tendances grandeur nature. Tout peut se comprendre au pied de la lettre et à contre-pied. A commencer par le titre, EXHIBITION, qui s'entend à double sens puissance deux.
Volontairement prononçable en français comme en anglais, sans signifier exactement la même chose, il affirme le développement et la puissance internationale de la maison de couture. Il annonce aussi clairement la mise en avant de la créatrice. N'oublions pas qu'elle a joué en 1994 son propre rôle au cinéma dans le film de Robert Altman, Prêt-à-Porter. Que sa forte personnalité en a fait naturellement le chouchou des médias et des pipoles. Qui ne connaît pas sa chevelure flamboyante, sa silhouette finement moulée dans une robe noire, son engagement auprès des femmes, sa passion pour le chocolat ?
Sonia Rykiel a l'habitude de se mettre en avant, de s'exhiber, comme on le dit dans notre langue, sans crainte du qu'en-dira-t-on. Et du même coup elle a libéré les femmes de bien des carcans. Tout cela se sait. Tout cela apparait, clairement, dans cette exposition qui a quelque chose de spectaculaire, comme le sous-entend le terme anglais.
Avec la voix, chaude et sensuelle, de Sonia Rykiel, des extraits des défilés, des pages de magazine sorties des archives, des campagnes publicitaires. Apparemment elle ne cache rien, allant jusqu'à exposer sur des portants des tenues portées par sa fille Nathalie (autrefois mannequin, aujourd'hui PDG de la marque) sans retenue : on peut voir cote à cote les robes qu'elle a véritablement portées pour chacun de ses deux mariages, et qui ont été dessinées par sa mère évidemment.
Pourtant il demeure, et c'est tant mieux, une Sonia secrète, dont les blessures ne regardent qu'elle (pas la peine de relire le billet trois fois je ne ferai aucune allusion sensationnaliste à l'intime) et c'est au fond avec pudeur qu'elle affiche au grand jour que ce qu'il est supportable de voir. Comme cela est fait avec magnificence !
La mère de Sonia lui tricote de superbes pulls multicolores trop larges alors qu'elle rêve d'un modèle moulant et noir, qui mettrait en valeur sa chevelure rousse. Du coup elle déteste les vêtements, qu'elle n'aime qu'usagés.
La mère de Sonia lui tricote de superbes pulls multicolores trop larges alors qu'elle rêve d'un modèle moulant et noir, qui mettrait en valeur sa chevelure rousse. Du coup elle déteste les vêtements, qu'elle n'aime qu'usagés.
Elle travaille comme étalagiste. Son sens artistique est remarqué par un certain ... Matisse qui achète tous les foulards qu'elle a si joliment disposés. Quand elle est enceinte elle ne peut se résoudre à porter des tenues structurées comme des abat-jours. Elle mettra en avant son petit ventre dans une robe moulante qui va emballer toutes les femmes, enceintes ou pas. A force de faire retoucher tous les vêtements qu'elle prend dans la boutique Laura, propriété de son mari, Sam Rykiel, avenue du Général Leclerc, à deux pas de la porte d'Orléans, Sonia se met à penser sérieusement à se lancer. Le prototype du premier "vrai" pull fera tout de même 7 aller-retour entre l'usine d'un fournisseur de son mari et la boutique avant de correspondre enfin à son goût. Nous sommes en 1962. Le premier sera commercialisé sous le nom de Fanny (le prénom de sa mère). S'il ne se trouve pas au Musée des Arts décoratifs nous avons tout de même une profusion très représentative de la production dans une alcôve intitulée "La revanche du Poor Boy Sweater", sorte de melting-pot de toutes les tendances sur 40 ans.
En général les décolletés sont larges et ronds pour dégager le cou. "Il faut faire remarquer sa tête sans se faire remarquer" disait-elle, et elle s'emploie à aider les femmes à mettre leur corps en valeur.
Françoise Hardy porte du Rykiel en couverture de ELLE en 1963. En 1964 elle ose dessiner des robes de cocktail qui se porteront sans soutien-gorge et qui seront vendues dans la boutique Laura. Des motifs de dentelles cachent l'essentiel de face, mais la poitrine se devine de profil. Les "Bra less dress" auront un succès fou. Les américaines font arrêter leur taxi sur le chemin qui les ramène à l'aéroport d'Orly. Sonia doit repenser avec nostalgie à cette époque puisqu'elle intitule cette vitrine "Vague à l'âme". Elle fera défiler ses mannequins seins nus, bras croisés au-dessus d'une jupe paréo en 1972.
Les bases de son style sont posées. L'évolution s'opérera par petites touches. Parce que Sonia Rykiel aime trop la mode pour faire des changements radicaux. Elle a des principes et s'y tient. La rupture saisonnière est une horreur qu'elle s'efforce de rendre plus douce. "Je ne révolutionne jamais. J'évolue. Souvent imperceptiblement" prévient-elle en 1973. Cette rétrospective en est la preuve. Il est nécessaire de regarder sur les cartons descriptifs les années des modèles pour constater un écart d'âge conséquent qui ne saute pas aux yeux. Rares sont les stylistes à rester autant fidèles à leur ligne.
Elle combine tricot et soie, coutures à l'endroit et sur l'envers, place les poches très bas pour que les femmes y mettent confortablement les mains à bout de bras, emprunte au vestiaire masculin le pantalon qu'elle élargit en jupe portefeuille l'hiver 87-88, puis la salopette dont elle remonte la taille et qu'elle propose en multipliant les accessoires (comme ces bonnets, ces écharpes rehaussées de grosses fleurs ou ces colliers de laine) , combine le confort ( des matières fluides, souples, des manches qui se déroulent en fonction des besoins) et la séduction (des coupes près du corps, des décolletés profonds et ronds, des tissus transparents, des talons vertigineux), joue avec les superpositions, les découpes et les trompe l'oeil plus ou moins coquins (le plus drôle à mon sens, en 2004 avec une paire de mains gantées de rouge cramoisi sur le bas du dos d'une robe noire. Il vous faudra aller au musée pour la voir).
Cette femme "vraie" valorise le paradoxe qu'elle met en scène sous l'intitulé "Tout faux". Elle aime les mots et griffe les vêtements de messages à contre emploi, n"hésitant pas à rayer le terme "mode" sur le devant d'une robe.
Elue femme la mieux habillée du monde en 1970 elle déclare avoir "doucement rigolé" puisqu'elle portait le même manteau depuis 5 hivers consécutifs, à titre "d'effort personnel dans une société marquée par trop de gaspillage".
Les robes noires sont à l'honneur dans la vitrine 23 "Coup au coeur" qui nous montre des noirs intenses, des noirs mats, couleur ardoise, des noirs brillants en nous rappelant que les créateurs Japonais ou Belges n'ont pas été les premiers à adopter cette couleur.
Le noir, les rayures, les strass, les chapeaux melon, sont devenus des marques de fabrique. Le noir c'est parce que c'est la seule couleur portable pour une rousse flamboyante, qui puisse valoriser la femme comme un écrin supporte un bijou. Inversement, c'est une couleur magique, qui s'éclaire au contact d'une autre, de n'importe quelle autre, qu'elle déclinera en successions de rayures. Ensuite, tout se combine, les rayures peuvent être tranchées, ou ton sur ton mais en jouant avec les matières ou les épaisseurs.
Elue femme la mieux habillée du monde en 1970 elle déclare avoir "doucement rigolé" puisqu'elle portait le même manteau depuis 5 hivers consécutifs, à titre "d'effort personnel dans une société marquée par trop de gaspillage".
Les robes noires sont à l'honneur dans la vitrine 23 "Coup au coeur" qui nous montre des noirs intenses, des noirs mats, couleur ardoise, des noirs brillants en nous rappelant que les créateurs Japonais ou Belges n'ont pas été les premiers à adopter cette couleur.
Le noir, les rayures, les strass, les chapeaux melon, sont devenus des marques de fabrique. Le noir c'est parce que c'est la seule couleur portable pour une rousse flamboyante, qui puisse valoriser la femme comme un écrin supporte un bijou. Inversement, c'est une couleur magique, qui s'éclaire au contact d'une autre, de n'importe quelle autre, qu'elle déclinera en successions de rayures. Ensuite, tout se combine, les rayures peuvent être tranchées, ou ton sur ton mais en jouant avec les matières ou les épaisseurs.
Les paillettes arrivent début 70. Les clous assurent le succès du sac Domino en 2001. Le summum est atteint avec la série de la collection de prêt-à-porter de l'actuel Automne-Hiver 2008 avec ce pull de cachemire noir recouvert de strass polychrome formant le portrait de Sonia Rykiel sur le buste, avec une jupe courte coordonnée que l'on devine sur le cliché.
Son goût pour les fleurs est moins présent à l'esprit. Elles ponctuaient déjà le paréo (1972). On les trouvait dès le début comme sur le tissu de cette robe bleue (1974) ou turquoise (1978). Ces années-là le papier peint de ma chambre de jeune fille était orné d'énormes fleurs. Pas étonnant que Sonia Rykiel surnomme ces robes-là Wall Paper dress. Elles sont aussi tricotées sur des écharpes (en accessoire de la salopette blanche en 2007) ou dégringolent sur de longs sautoirs avec des perles gainées de laine coordonnée (prêt-à-porter 2005-2006). Les fleurs sont aussi en volume de mousseline sur ces robes de la collection printemps-été 2008.
Sonia Rykiel est aussi une amoureuse des livres. Elle en a écrit une quinzaine. Des piles de bouquins sont toujours posées dans ses vitrines. Ses carnets de croquis sont truffés de citations. C'est ainsi qu'elle créé, en confrontant ses propres idées avec celles des autres, hommes célèbres ou simples quidams. Dès que quelque chose retient son attention elle découpe et colle dans un cahier à spirales. Elle n'arrête jamais.
On peut lire sur cette page la citation, humoristiquement mégalomaniaque de Thomas Mann "Rassurez vos lecteurs, je ne parle que de moi". Et encore celle-ci dont je n'ai pas réussi à déchiffrer le nom de l'auteur : "Ecrire c'est structurer un délire".
Elle innove tout en demeurant elle-même. Longtemps elle a choisi des mannequins aux yeux charbonneux sous une frange épaisse, les cheveux courts, la bouche rouge, qu'on aurait cru sorties d'un tableau de Van Dongen. Ce fut la première à donner l'ordre de sourire aux top-models. De fait, ses défilés sont joyeux et se terminent dans des éclats de rire. (Je vous invite à partager celui auquel je me suis rendue en février dernier, ma seule et unique incursion dans la haute-couture, compte-rendu ici, et film là). Quel top-model n'a pas porté du Rykiel ? sans doute pas Karen Mudler que l'on voit sur ELLE en mai 96. Sur la droite on devine le titre d'un entretien avec Soeur Emmanuelle "Je craque pour le vison".
Elle fait confiance en suivant son intuition. On lui présente Dominique Isserman. Elle lui confie d'emblée plusieurs pages pour Vogue. La collaboration durera 10 ans. On pouvait apercevoir tout à l'heure la célèbre photographe se faufiler de vitrine en vitrine. Malgré la médiocrité de mes clichés (j'ai été autorisée à photographier, sans flash, cela va de soi) j'ose les mettre en ligne parce que rien mieux qu'une photo ne peut rendre compte de cette exposition.
Sonia Rykiel est une femme fascinante qui n'a cessé d'être admirée. En 1985, Andy Warhol fait son portrait en voisin (il habitait rue du Cherche-Midi; elle réside et tient boutique à Saint-Germain-des-Prés depuis ... 1968). Un carré d'un peu plus d'un mètre de côté (acrylique et encre à sérigraphie sur toile) éclate sur le mur, à coté de l'écran où sont projetées des extraits des défilés.
Sonia Rykiel est une femme fascinante qui n'a cessé d'être admirée. En 1985, Andy Warhol fait son portrait en voisin (il habitait rue du Cherche-Midi; elle réside et tient boutique à Saint-Germain-des-Prés depuis ... 1968). Un carré d'un peu plus d'un mètre de côté (acrylique et encre à sérigraphie sur toile) éclate sur le mur, à coté de l'écran où sont projetées des extraits des défilés.
Le parcours se termine par "La femme Rykiel" telle qu'elle est vue par ses pairs. Nathalie avait demandé à une trentaine de grands couturiers de dessiner un modèle "à la manière de". Ils ont été présentés en surprise à la fin du dernier défilé. Certains sont des clins d'oeil à la créatrice, comme le croquis de Jean-Paul Gaultier, d'autres sont plus vrais que si Sonia elle-même les avaient conçus, comme cette robe longue noire et blanche de Mickaël Kors à la cravate en trompe l'oeil, d'autres enfin sont des hommages somptueux, telle cette robe longue imaginée par Roberto Cavalli, traine mousseline ivoire, imprimée de rayures noires et marron, sur une jupe à volants plissés superposés à des rangs de plumes multicolores.
Des souhaits d'anniversaire sont arrivés par milliers rue des Saints-Pères. Quelques bonnes feuilles sont punaisées sur le dernier mur. On peut lire les textes de Vanessa Paradis ou de Line Renaud, de Jacques Toubon ou de Lionel Jospin, de Régine Deforges, de Wiaz et de Jean-Paul Chambas, une petite carte très sympathique de la chanteuse Diams qui aime tant porter ses joggings de velours. Je ne suis pas sûre que cet accrochage soit du meilleur effet même si c'est une façon d'effeuiller la marguerite de multiples je t'aime un peu, beaucoup, passionnément ... comme une page qu'on tourne alors qu'on la voudrait conserver intemporelle.
Pour consulter toute l'actualité du Musée des Arts décoratifs, vous pouvez aller sur leur site. Je vous recommande la patience car il est en refonte complète et les erreurs de chargement sont fréquentes. La situation devrait s'améliorer dans les jours prochains. Vous avez jusqu'au 19 avril 2009 pour admirer les 220 silhouettes de l'exposition.
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