Je n'oserai pas dire que cette lecture est un bonheur parce que le sujet est grave. Mais le style est si fluide que le roman se lit comme on boit du petit lait. Avec facilité et sans pouvoir se freiner.
C'est le troisième roman en deux mois qui me raconte des histoires qui se sont passées dans l'ex bloc soviétique. Et la rentrée littéraire en annonce d'autres encore. Est-ce l'approche de l'année russe ? Est-ce que le temps du silence est définitivement clos ? Est-ce que la peur des représailles s'est éteinte ? Il semblerait que les mémoires s'ouvrent. Les langues se délient et elles ne mâchent pas leurs mots.
C'est le troisième roman en deux mois qui me raconte des histoires qui se sont passées dans l'ex bloc soviétique. Et la rentrée littéraire en annonce d'autres encore. Est-ce l'approche de l'année russe ? Est-ce que le temps du silence est définitivement clos ? Est-ce que la peur des représailles s'est éteinte ? Il semblerait que les mémoires s'ouvrent. Les langues se délient et elles ne mâchent pas leurs mots.
20% de la tranche des 20-40 ans ont émigré aux quatre coins du monde dans les années 1990. Rouja Lazarova s'est alors installée en France. Elle apprécie d'y vivre en toute indépendance, se déplace à moto et n'est pas effrayée par la solitude. C'est en français qu'elle a publié déjà 4 romans. La découverte de la statue de Sacho le Violoniste (Sacho Sladura) est le point de départ du dernier. Il devient, avec le journaliste repenti, Yovo, les deux personnages réels du livre qu'elle a voulu écrire à propos de l'histoire de son pays d'origine, la Bulgarie pour dénoncer la terreur dans laquelle un peuple entier a été confiné des années.
Pendant plus de 4 ans elle interroge sa famille, à commencer par sa mère, qui a bien connu Sacho, victime désormais reconnue du communisme, mais aussi ses amis, et leurs proches. Parallèlement, elle obtient un séjour dans une résidence d'écrivains en Camargue et d'une bourse de trois mois au Centre régional du livre de Franche-Compté. Elle enchaine les piges et travaille sans relâche.
L'histoire de cette période n'est pas encore écrite et la documentation fait défaut. Rouja n'est pas historienne et ce n'est pas tant la vérité qu'elle veut reconstituer mais l'atmosphère quotidienne et les ravages qui s'en sont suivi quand on a cru que le pire était derrière, croyant la liberté positive.
Les faits réels ont inspiré le roman. Mausolée se lit comme tel et à double sens. C'est le récit monumental des petites et grandes humiliations quotidiennes, la dénonciation de la duplicité du système, la différence de comportement entre l'extérieur et le domicile. C'est aussi un hymne à la vitalité des habitants, à leur volonté et leur courage. A leur lutte incessante et désespérée contre la paranoïa qui a fini par imprimer leur patrimoine génétique, les empêchant de croire les informations imprimées sur du papier journal.
C'est encore le portrait de trois femmes emblématiques de leur génération : Gaby, Rada et Milena, dont les récits de vie coulent comme les confidences dans une oreille amie.
On savait l'essentiel mais on comprend mieux comment on a pu trouver "normal" que les évènements soient surprenants, que les crimes et les châtiments pleuvent sans crier gare, que les vérités passent pour des mensonges et que les mensonges se travestissent en vérités.
Le lecteur suit le rythme répétitif des marches militaires enseignées dès la maternelle, la scansion des slogans, le par cœur des méthodes d'apprentissage et les enrôlements en brigades.
On s'interroge sur la finalité politique. Bêtise ou méchanceté ? Cette question, les Bulgares ont à peine osé se la poser 45 ans durant jusqu'à finir par trouver le moyen d'en rire pour en survivre, mais sans jamais réussir à se débarrasser de la peur. Sans jamais sombrer trop bas non plus parce que l'homme socialiste n'a pas accès à la psychologie. Déprimer serait un comportement dissident, un luxe en quelque sorte. Il valait mieux se résigner.
On savait cela. La surprise est plus forte d'apprendre combien l'effondrement du communisme n'a pas apporté une meilleure qualité de vie, bien au contraire. Les banqueroutes, les privatisations, les tickets de rationnement, le chômage, les pressions exercées par les mafias sont arrivés en même temps que la liberté de penser. Beaucoup de familles se sont enfoncées dans la misère. Le développement touristique a ravagé la cote de la mer Noire. Les communistes ont vendu très vite leur âme au dollar pour leur garantir de rester maitres du pouvoir économique.
Chaque retour en Bulgarie ravive les plaies : les habitants n'y sont toujours pas heureux et les traumatismes du totalitarisme et de la période post-communiste n'ont pas fini d'être source d'inspiration. On a envie de conclure qu'au fond "ce n'est pas du roman" et c'est ce qui fait l'intérêt principal du livre.
Mausolée de Rouja Lazarova, Flammarion, 331 pages
3 commentaires:
J'ai beaucoup aimé ce livre qui, comme tu le dis, se lit plus comme un témoignage que comme un roman. Je ne savais d'ailleurs pas que le personnage de Yovo était véridique?
Après Enfant 44 et L'hirondelle avant l'orage, ce Mausolée. Y aurait-il une vague anti-communiste dans ce prix 2010 ;-p
Je ne pense pas vraiment.Les sélections sont simplement le reflet de l'ouverture du bloc soviétique. On découvre de plus en plus de bons écrivains comme Johanna Adorjan dont je parie qu'on recevra bientôt son livre, un Amour exclusif.
Par contre je n'ai pas vu l'hirondelle avant l'orage. C'était peut-être dans une pré-sélection ?
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