Si vous aimez la vraie comédie dramatique ne cherchez pas davantage, Dernier étage gauche, gauche est à voir d'urgence.
Je n'avais pas ri aussi sincèrement depuis longtemps au cinéma. Et pourtant ce film fait aussi réfléchir. Sur notre société qui laisse en fait peu de place à la négociation. Sur le cloisonnement entre les bons et les méchants. Sur la difficulté de communication. Sur la rapidité avec laquelle une situation peut déraper et un malentendu tourner à la catastrophe.
Le résumé de l'intrigue :
Mohand Atelhadj (Mohamed Fellag) vient de régler ses arriérés de loyer mais le chèque n'a pas encore été reçu. L'huissier (Hippolyte Girardot) arrive pour procéder à la saisie de ses biens, au dernier étage gauche, gauche. Le fiston (Aymen Saïdi), prévenu de l'arrivée de la police pour assister l'homme de loi, est pris de panique parce qu'il a quelque chose à se reprocher.
Ce qui ne devait prendre que quelques minutes vire au cauchemar pour tout le monde. Chaque tentative d'apaisement attise la catastrophe, enfin presque, jusqu'à un renversement de situation assez inattendu.
Sans raconter dans le détail un épisode de ma vie personnelle je suis bien placée pour apprécier le propos du film : j'ai été arrêtée par un policier me bloquant sur un trottoir après m'avoir fait une queue de poisson, convaincu d'avoir affaire à une dangereuse terroriste. J'avais le tort de me déplacer en pleine nuit à bicyclette en transportant mes affaires dans des sacoches où il pensait trouver des tracts compromettants. Je me retenais de rire quand il informait son PC que l'interpellée (moi-même) semblant coopérer il serait bientôt sur site (donc qu'il allait bientôt partir). Une fois rassuré il a renfourché sa moto, me laissant en plan avec mes affaires éparpillées sur la route.
Un film proche d'une réalité qui n'est pas perçue par tout le monde ...
Ce type de méprise peut arriver à tout le monde, très vite. Un autre soir, c’est un ami du réalisateur qui est arrêté parce qu’il transporte à bout de bras une bouteille de gaz. Cet homme, qui n’avait pas pris le temps ce jour là de se raser a ce qu’on appelle « un profil maghrébin ». Il a écopé de 24 heures en garde à vue.
Ce sont des anecdotes comme celle là qui ont décidé Angelo Cianci à écrire le scénario qui, dans sa première version, était plutôt franchement dramatique. Il a été bien inspiré de laisser le projet murir tout en rencontrant des professionnels susceptibles de lui souffler des dialogues.
Les témoignages étaient ahurissants. L’humour est venu avec le réel. Comme souvent, la fiction est en dessous de ce que les gens vivent dans la réalité de ce qu'on appelle le monde des banlieues. Il n’a pas été utile d’inventer. Même les paroles du préfet sont l’exacte réplique de ce qu’on a pu entendre sur une dalle ou au cœur d’une cité.
Il n’a pas été davantage nécessaire de photographier la plaque d’une Place du 19 mars 1962 pour la réinsérer au montage. C’est effectivement Place du 19 mars 1962 que le tournage a eu lieu, dans la ZUS du Grand Estressin-Portes de Lyon (Rhône-Alpes). Rien de très original : j’ai remarqué depuis que j’habitais moi-même à cent mètres d’un rond-point qui célèbre la date officielle du cessez-le-feu qui a mis fin à huit années de guerre en Algérie.
Par contre l’allusion aux évènements du 11 septembre 2001 et les références au Printemps berbère sont intentionnelles. Le choix d'un 11 septembre pour situer l'action évoque l'idée du repli sur soi et de la peur de l'autre, mieux que tout autre jour dans notre histoire récente. Le réalisateur tenait aussi à rappeler l'ensemble des manifestations réclamant l'officialisation de la langue tamazight et la reconnaissance de l'identité et de la langue berbère (parlée par un quart de la population algérienne) à partir de mars 1980 en Kabylie et à Alger. Il s'agissait du premier mouvement populaire d'opposition aux autorités depuis l'indépendance du pays en 1962 face à la volonté d’éradiquer la culture et la langue berbères.
Il est important pour Angelo Cianci qu’il existe des films qui pointent les problèmes de notre époque comme aussi par exemple les difficultés de communication entre les couches de la population. Ce qui ne l’empêche pas de croiser aussi avec des choses personnelles, au travers des rapports entre un père et son fils.
Un traitement qui reste en deçà de la caricature
Çà commence comme un épisode de feuilleton. La vie est belle. Chacun dit au-revoir à sa chacune. Le générique plante le décor sans donner de ton au film. Rien ne laisse présager qu’on sera devant une comédie ou un drame. Le spectateur ne reçoit pas d’indices, ou très peu. Hippolyte Girardot est à peine reconnaissable, filmé d’abord de trois quarts dos puis sous casque intégral.
Tout se met en place pourtant. C’est un enfant qui appuie sur la touche de son téléphone pour prévenir en langage codé de l’arrivée des keufs. La mèche est allumée.
L’huissier serre la main du serrurier qui commente, bavard, le succès de son entreprise. Son père a fait sa fortune en équipant les 120 bloc-portes de la cité. Lui désormais assure la sienne en venant les casser. Erreur de porte. Téléphone. Travelling ignorant la mère. Précipitation. Affolement. La situation nous échappe. Dérapage sans bavure. Terrible, mais on rit.
L’escalade ne fait que monter, du simple incident au plan ORSEC. Alors oui, faut trouver un médiateur, un bon, un arabe, pas un type avec une gueule à revenir des croisades. La préfecture envoie un algérien qui, manque de pot, ne comprend pas le kabyle, mais qu’on renonce à renvoyer, parce que les protagonistes se sont habitués à lui.
Les gaffes s’enchainent. On livre des tranches de jambon pour apaiser l’appétit des forcenés. Un policier troque une cagoule du GIGN contre un peu de paix sociale. Le repas du mariage de l’assistant social de secteur est pillé. Le caid assène un « c’est moi qui te sonne » (pour dire qu’il rappellera à sa guise). Les jeux de regards alternent avec les demi-sourires. On aimerait bien pouvoir s’en sortir mais il y a un « cadavre » dans un tiroir et des comptes à régler de part et d’autres dans cette cité où la haine du képi est plus forte que la peur du gendarme.
Un humour qui fait réagir ceux qui n'en ont pas
La Chambre nationale des Huissiers de Justice a assigné en référé les sociétés de production et de distribution du film, Memento, au motif que l'affiche porterait atteinte à leur "intégrité physique » et constituerait un trouble manifestement illicite qu'il aurait convenu de faire cesser immédiatement. Le syndicat regrette du même coup une image dégradée de la profession d’huissier.
Le Tribunal de grande instance de Paris a rejeté toutes les demandes de la CNHJ considérant que le film se présentait "comme une comédie et non comme un drame" et qu'à ce titre, il n'existait pas de "trouble illicite à l'ordre public". Pardon d’ajouter (encore) une expérience vécue mais à l’heure où j’écrivais ces lignes on sonnait à ma porte pour m’amener une mise en demeure émanant du syndic de la copropriété où j’ai emménagé, suite à une erreur d’adresse d’un clerc qui ne veut rien reconnaitre et me menace de m’envoyer … un huissier !
J’ai vite mesuré que dans cette profession là aussi on ne savait pas ce que le mot humour signifie. L’emballement qui est au cœur du film est trop vrai comme on pourrait se plaire à conclure. Le réalisateur cependant ajoute, bon prince, qu’aujourd’hui le métier d’huissier se rapproche de la médication sociale et qu’il y a de l’humanité derrière la fonction. A voir …
Des musiques discrètement présentes
Angelo Cianci a voulu apporter du second degré et de la respiration, comme dans le second film de Jacques Audiard (un Héro très discret). On croit la bande-son légère alors qu’il y a beaucoup de musique dans le film, avec un total inhabituel de près de trois quarts d’heure. Joué par un quintette, sur un rythme parfois guilleret l’accompagnement musical est à peine décalé, intentionnellement à la limite du ridicule.
Des comédiens également excellents
Angelo Cianci a été le scénariste de Pigé ?, un long-métrage réalisé par Hippolyte Girardot en 2002 . Il a spontanément pensé à lui pour interpréter cet huissier qui lui ressemble dans la vie par son coté « cocote –minute ».
Actuellement duc de Montpensier du film de Bertrand Tavernier, La Princesse de Montpensier, Michel Vuillermoz est le préfet, très ressemblant avec des fonctionnaires ayant existé …
Désigné dans son enfance sous le sobriquet d'arabe en sandale, Angelo Cianci est né au sud de la Sicile. N’étant donc pas lui-même kabyle, le réalisateur avait besoin de clarifier des points historiques et d’enrichir son lexique d’expressions locales. Il a rencontré Fellag, un humoriste habitué des scènes de théâtre (son dernier spectacle Tous les Algériens sont des mécaniciens, co-mis en scène avec Marianne Epin, a été un beau succès en 2008). L'histoire rejoint sa propre trajectoire puisque lui-même a du fuir la Kabylie. Non seulement Fellag collabore, mais il est si emballé qu’il se propose pour le rôle du père.
Son expérience des plateaux de cinéma est mince bien que très réussie (on l’a remarqué dans Inch'Allah dimanche, de Yamina Benguigui en 2001, plus récemment dans Reste-t-il encore du jambon). Angela Cianci lui donne cette fois un rôle à sa mesure.
Curieusement Fellag est le moins expérimenté de toute la bande. Le « jeune » garçon d’origine algérienne a déjà une belle filmographie avec trois ou quatre films comme premier rôle. Il n’a que 12 ans quand il débute en 2002 pour être Lucien dans Fais-moi des vacances. Il se fait un nom en 2005 avec Saint Jacques... La Mecque de Coline Serreau. Il enchaine l’année suivante avec L'École Pour Tous de Eric Rochant.
Au théâtre Aymen Saïdi fut le très remarqué Momo, l’enfant recueilli par Madame Rosa (Myriam Boyer) dans la Vie devant soi, Molière du meilleur spectacle privé en 2008. Il est tellement méconnaissable que je n’ai fait le rapprochement qu’à la fin du film. Cet acteur d’une vingtaine d’années a une capacité bluffante à passer de l’enfance à l’adolescence d’un rôle à l’autre. On le verra bientôt dans le prochain Costa-Gavras.
Il a décroché le Prix spécial du jury de l'espoir au 15ème Festival des jeunes réalisateurs de Saint-Jean-de-Luz où Dernier étage, gauche, gauche a obtenu la récompense du prix du jury, ainsi qu’au Festival du Film de Paris.
Judith Henry est la future ex-épouse de l’huissier. Elle aussi a commencé ce métier très tôt (à 11 ans). Son rôle dans la Discrète lui a permis d’être connue, lui ouvrant des portes au théâtre comme au cinéma.
Les habitants du Grand Estressin ont vraiment joué et sont donc crédités au générique. Ils ne découvriront le film que le 1er décembre et leurs réactions seront probablement savoureuses à entendre.
Angelo Cianci signe un film de genre, très cinématographique, qui s’inscrit dans la double lignée des comédies italiennes des années 70 qui ont imprimé son enfance et des films noirs (dont il s’est rassasié adolescent quand il travaillait dans un vidéoclub). Contrairement aux Amours imaginaires où les citations deviennent exaspérantes, c’est un vrai film personnel qui ne s’adresse pas qu'aux cinéphiles experts. A signaler la collaboration avec Laurent Brunet, précédemment directeur de la photo sur Séraphine, de Martin Provost.
Voilà une véritable comédie dramatique, oscillant avec équilibre entre le burlesque et le cauchemardesque. Je l’ai recommandé autour de moi en promettant le remboursement en cas d’insatisfaction et on ne m’a renvoyé que des échos positifs, évidemment.
Rencontré dans un cinéma au début de sa "tournée" des banlieues réalisateur exprimait ses doutes, se demandant si c'était une bonne voie que de continuer sur cette route, entre comédie et dérision. La salle répondait OUI avec force applaudissements.
En salle depuis le 17 novembre
Photos © Memento Films Distribution sauf mention A bride abattue
Je n'avais pas ri aussi sincèrement depuis longtemps au cinéma. Et pourtant ce film fait aussi réfléchir. Sur notre société qui laisse en fait peu de place à la négociation. Sur le cloisonnement entre les bons et les méchants. Sur la difficulté de communication. Sur la rapidité avec laquelle une situation peut déraper et un malentendu tourner à la catastrophe.
Le résumé de l'intrigue :
Mohand Atelhadj (Mohamed Fellag) vient de régler ses arriérés de loyer mais le chèque n'a pas encore été reçu. L'huissier (Hippolyte Girardot) arrive pour procéder à la saisie de ses biens, au dernier étage gauche, gauche. Le fiston (Aymen Saïdi), prévenu de l'arrivée de la police pour assister l'homme de loi, est pris de panique parce qu'il a quelque chose à se reprocher.
Ce qui ne devait prendre que quelques minutes vire au cauchemar pour tout le monde. Chaque tentative d'apaisement attise la catastrophe, enfin presque, jusqu'à un renversement de situation assez inattendu.
Sans raconter dans le détail un épisode de ma vie personnelle je suis bien placée pour apprécier le propos du film : j'ai été arrêtée par un policier me bloquant sur un trottoir après m'avoir fait une queue de poisson, convaincu d'avoir affaire à une dangereuse terroriste. J'avais le tort de me déplacer en pleine nuit à bicyclette en transportant mes affaires dans des sacoches où il pensait trouver des tracts compromettants. Je me retenais de rire quand il informait son PC que l'interpellée (moi-même) semblant coopérer il serait bientôt sur site (donc qu'il allait bientôt partir). Une fois rassuré il a renfourché sa moto, me laissant en plan avec mes affaires éparpillées sur la route.
Un film proche d'une réalité qui n'est pas perçue par tout le monde ...
Ce type de méprise peut arriver à tout le monde, très vite. Un autre soir, c’est un ami du réalisateur qui est arrêté parce qu’il transporte à bout de bras une bouteille de gaz. Cet homme, qui n’avait pas pris le temps ce jour là de se raser a ce qu’on appelle « un profil maghrébin ». Il a écopé de 24 heures en garde à vue.
Ce sont des anecdotes comme celle là qui ont décidé Angelo Cianci à écrire le scénario qui, dans sa première version, était plutôt franchement dramatique. Il a été bien inspiré de laisser le projet murir tout en rencontrant des professionnels susceptibles de lui souffler des dialogues.
Les témoignages étaient ahurissants. L’humour est venu avec le réel. Comme souvent, la fiction est en dessous de ce que les gens vivent dans la réalité de ce qu'on appelle le monde des banlieues. Il n’a pas été utile d’inventer. Même les paroles du préfet sont l’exacte réplique de ce qu’on a pu entendre sur une dalle ou au cœur d’une cité.
Il n’a pas été davantage nécessaire de photographier la plaque d’une Place du 19 mars 1962 pour la réinsérer au montage. C’est effectivement Place du 19 mars 1962 que le tournage a eu lieu, dans la ZUS du Grand Estressin-Portes de Lyon (Rhône-Alpes). Rien de très original : j’ai remarqué depuis que j’habitais moi-même à cent mètres d’un rond-point qui célèbre la date officielle du cessez-le-feu qui a mis fin à huit années de guerre en Algérie.
Par contre l’allusion aux évènements du 11 septembre 2001 et les références au Printemps berbère sont intentionnelles. Le choix d'un 11 septembre pour situer l'action évoque l'idée du repli sur soi et de la peur de l'autre, mieux que tout autre jour dans notre histoire récente. Le réalisateur tenait aussi à rappeler l'ensemble des manifestations réclamant l'officialisation de la langue tamazight et la reconnaissance de l'identité et de la langue berbère (parlée par un quart de la population algérienne) à partir de mars 1980 en Kabylie et à Alger. Il s'agissait du premier mouvement populaire d'opposition aux autorités depuis l'indépendance du pays en 1962 face à la volonté d’éradiquer la culture et la langue berbères.
Il est important pour Angelo Cianci qu’il existe des films qui pointent les problèmes de notre époque comme aussi par exemple les difficultés de communication entre les couches de la population. Ce qui ne l’empêche pas de croiser aussi avec des choses personnelles, au travers des rapports entre un père et son fils.
Un traitement qui reste en deçà de la caricature
Çà commence comme un épisode de feuilleton. La vie est belle. Chacun dit au-revoir à sa chacune. Le générique plante le décor sans donner de ton au film. Rien ne laisse présager qu’on sera devant une comédie ou un drame. Le spectateur ne reçoit pas d’indices, ou très peu. Hippolyte Girardot est à peine reconnaissable, filmé d’abord de trois quarts dos puis sous casque intégral.
Tout se met en place pourtant. C’est un enfant qui appuie sur la touche de son téléphone pour prévenir en langage codé de l’arrivée des keufs. La mèche est allumée.
L’huissier serre la main du serrurier qui commente, bavard, le succès de son entreprise. Son père a fait sa fortune en équipant les 120 bloc-portes de la cité. Lui désormais assure la sienne en venant les casser. Erreur de porte. Téléphone. Travelling ignorant la mère. Précipitation. Affolement. La situation nous échappe. Dérapage sans bavure. Terrible, mais on rit.
L’escalade ne fait que monter, du simple incident au plan ORSEC. Alors oui, faut trouver un médiateur, un bon, un arabe, pas un type avec une gueule à revenir des croisades. La préfecture envoie un algérien qui, manque de pot, ne comprend pas le kabyle, mais qu’on renonce à renvoyer, parce que les protagonistes se sont habitués à lui.
Les gaffes s’enchainent. On livre des tranches de jambon pour apaiser l’appétit des forcenés. Un policier troque une cagoule du GIGN contre un peu de paix sociale. Le repas du mariage de l’assistant social de secteur est pillé. Le caid assène un « c’est moi qui te sonne » (pour dire qu’il rappellera à sa guise). Les jeux de regards alternent avec les demi-sourires. On aimerait bien pouvoir s’en sortir mais il y a un « cadavre » dans un tiroir et des comptes à régler de part et d’autres dans cette cité où la haine du képi est plus forte que la peur du gendarme.
Un humour qui fait réagir ceux qui n'en ont pas
La Chambre nationale des Huissiers de Justice a assigné en référé les sociétés de production et de distribution du film, Memento, au motif que l'affiche porterait atteinte à leur "intégrité physique » et constituerait un trouble manifestement illicite qu'il aurait convenu de faire cesser immédiatement. Le syndicat regrette du même coup une image dégradée de la profession d’huissier.
Le Tribunal de grande instance de Paris a rejeté toutes les demandes de la CNHJ considérant que le film se présentait "comme une comédie et non comme un drame" et qu'à ce titre, il n'existait pas de "trouble illicite à l'ordre public". Pardon d’ajouter (encore) une expérience vécue mais à l’heure où j’écrivais ces lignes on sonnait à ma porte pour m’amener une mise en demeure émanant du syndic de la copropriété où j’ai emménagé, suite à une erreur d’adresse d’un clerc qui ne veut rien reconnaitre et me menace de m’envoyer … un huissier !
J’ai vite mesuré que dans cette profession là aussi on ne savait pas ce que le mot humour signifie. L’emballement qui est au cœur du film est trop vrai comme on pourrait se plaire à conclure. Le réalisateur cependant ajoute, bon prince, qu’aujourd’hui le métier d’huissier se rapproche de la médication sociale et qu’il y a de l’humanité derrière la fonction. A voir …
Des musiques discrètement présentes
Angelo Cianci a voulu apporter du second degré et de la respiration, comme dans le second film de Jacques Audiard (un Héro très discret). On croit la bande-son légère alors qu’il y a beaucoup de musique dans le film, avec un total inhabituel de près de trois quarts d’heure. Joué par un quintette, sur un rythme parfois guilleret l’accompagnement musical est à peine décalé, intentionnellement à la limite du ridicule.
Des comédiens également excellents
Angelo Cianci a été le scénariste de Pigé ?, un long-métrage réalisé par Hippolyte Girardot en 2002 . Il a spontanément pensé à lui pour interpréter cet huissier qui lui ressemble dans la vie par son coté « cocote –minute ».
Actuellement duc de Montpensier du film de Bertrand Tavernier, La Princesse de Montpensier, Michel Vuillermoz est le préfet, très ressemblant avec des fonctionnaires ayant existé …
Désigné dans son enfance sous le sobriquet d'arabe en sandale, Angelo Cianci est né au sud de la Sicile. N’étant donc pas lui-même kabyle, le réalisateur avait besoin de clarifier des points historiques et d’enrichir son lexique d’expressions locales. Il a rencontré Fellag, un humoriste habitué des scènes de théâtre (son dernier spectacle Tous les Algériens sont des mécaniciens, co-mis en scène avec Marianne Epin, a été un beau succès en 2008). L'histoire rejoint sa propre trajectoire puisque lui-même a du fuir la Kabylie. Non seulement Fellag collabore, mais il est si emballé qu’il se propose pour le rôle du père.
Son expérience des plateaux de cinéma est mince bien que très réussie (on l’a remarqué dans Inch'Allah dimanche, de Yamina Benguigui en 2001, plus récemment dans Reste-t-il encore du jambon). Angela Cianci lui donne cette fois un rôle à sa mesure.
Curieusement Fellag est le moins expérimenté de toute la bande. Le « jeune » garçon d’origine algérienne a déjà une belle filmographie avec trois ou quatre films comme premier rôle. Il n’a que 12 ans quand il débute en 2002 pour être Lucien dans Fais-moi des vacances. Il se fait un nom en 2005 avec Saint Jacques... La Mecque de Coline Serreau. Il enchaine l’année suivante avec L'École Pour Tous de Eric Rochant.
Au théâtre Aymen Saïdi fut le très remarqué Momo, l’enfant recueilli par Madame Rosa (Myriam Boyer) dans la Vie devant soi, Molière du meilleur spectacle privé en 2008. Il est tellement méconnaissable que je n’ai fait le rapprochement qu’à la fin du film. Cet acteur d’une vingtaine d’années a une capacité bluffante à passer de l’enfance à l’adolescence d’un rôle à l’autre. On le verra bientôt dans le prochain Costa-Gavras.
Il a décroché le Prix spécial du jury de l'espoir au 15ème Festival des jeunes réalisateurs de Saint-Jean-de-Luz où Dernier étage, gauche, gauche a obtenu la récompense du prix du jury, ainsi qu’au Festival du Film de Paris.
Judith Henry est la future ex-épouse de l’huissier. Elle aussi a commencé ce métier très tôt (à 11 ans). Son rôle dans la Discrète lui a permis d’être connue, lui ouvrant des portes au théâtre comme au cinéma.
Les habitants du Grand Estressin ont vraiment joué et sont donc crédités au générique. Ils ne découvriront le film que le 1er décembre et leurs réactions seront probablement savoureuses à entendre.
Angelo Cianci signe un film de genre, très cinématographique, qui s’inscrit dans la double lignée des comédies italiennes des années 70 qui ont imprimé son enfance et des films noirs (dont il s’est rassasié adolescent quand il travaillait dans un vidéoclub). Contrairement aux Amours imaginaires où les citations deviennent exaspérantes, c’est un vrai film personnel qui ne s’adresse pas qu'aux cinéphiles experts. A signaler la collaboration avec Laurent Brunet, précédemment directeur de la photo sur Séraphine, de Martin Provost.
Voilà une véritable comédie dramatique, oscillant avec équilibre entre le burlesque et le cauchemardesque. Je l’ai recommandé autour de moi en promettant le remboursement en cas d’insatisfaction et on ne m’a renvoyé que des échos positifs, évidemment.
Rencontré dans un cinéma au début de sa "tournée" des banlieues réalisateur exprimait ses doutes, se demandant si c'était une bonne voie que de continuer sur cette route, entre comédie et dérision. La salle répondait OUI avec force applaudissements.
En salle depuis le 17 novembre
Photos © Memento Films Distribution sauf mention A bride abattue
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