Le chef est au moins nationalement connu. Ses interventions dans le jury de Top Chef sur M6 ont installé une image populaire de rigueur et de recherche effrénée de qualité au service du goût.
Il faut dire que ses passages dans les maisons les plus prestigieuses comme le Crillon ont précédé sa propre installation, dans un endroit au nom qui est à lui seul une promesse, Thoumieux, au 79, rue Saint-Dominique, dans le 7ème arrondissement.
La façade extérieure est stricte, peu engageante. Mais les dorures de l'intérieur font contraste. Depuis que j'avais chroniqué son Art de manger j'avais très envie de mettre un pied dans son restaurant gastronomique, situé au premier étage.
Mais avant de me lancer dans ce que Jean-François Piège nomme "la règle du jeu" dont la première formule flirte avec la centaine d'euros, il m'a semblé "raisonnable" d'approcher la maison par un déjeuner à la Brasserie qui se trouve juste sous le restaurant. D'autant que, comme j'y allais avec mes deux enfants je ne voulais pas risquer de multiplier par trois une quelconque déconvenue. Car autant le dire d'emblée je n'avais pas lu que des compliments sur Internet à propos de sa cuisine.
La brasserie offre la possibilité d'un menu à 29 € avec une entrée, un plat et un dessert (ou un fromage) sans empêcher les commandes à la carte. Le soir et le week-end, la carte seule est possible.
Chaque table reçoit d'emblée un plateau avec un pain tout chaud, à peine sorti du four, du beurre demi-sel, un pot de sel de mer (comme si le sel allait manquer...) et un dip de sardines servi dans sa boite dont le serveur donne la recette spontanément : sardines écrasées avec de la Vache qui rit. Ouh là ... quand on connait la composition de cet ingrédient, à partir de pâtes pressées, (type emmental, comté, gouda) auxquelles sont ajoutés du lait écrémé, du beurre, des protéines de lait, et des sels de fonte à savoir polyphosphates, citrates, diphosphates et phosphates de sodium, on se demande quelle histoire ce plat là est censé nous raconter. Quelque chose qui tient probablement de l'enfance et de la régression ... On ne va pas sourciller davantage, on se régale, puisque c'est bon. Et puis on se donne le temps de choisir les plats sans subir de pression.
Place aux entrées. Il n'est pas rare, dans tous les restaurants, qu'un plat soit plus généreux quand il est commandé à la carte que lorsqu'il est servi dans le menu. Chez Monsieur Piège c'est une évidence. La différence ne passe pas inaperçue. Par exemple l'assiette de tomates multicolores et sa burrata m'a été servie en portion "anorexique" alors que ma voisine qui l'a choisie à la carte a reçu l'équivalent de 4 ou 5 tomates. Entre le trop et le trop peu ... je me demande ce que j'aurais préféré.
Les légumes étaient bons mais sans révéler des goûts inconnus. Sans doute ai-je la chance d'avoir un bon maraîcher ... L'intitulé promettait un vieux vinaigre et du basilic. J'ai vu les toutes petites feuilles de ce condiment.
La tranche de foie gras de canard des Landes cuit en terrine, prise à la carte, était plutôt mince, ce qui signifie que ce qui vaut pour les tomates ne s'applique pas au foie gras. C'est toujours le même pain pour accompagner, mais cette fois grillé. Une idée à retenir : la crème posée sur le bord de l'assiette, parsemée d'éclats d'amande.
Pour suivre, un poisson et deux viandes, qui sont deux spécialités maison, dont une au menu, le quasi de veau cuit tout doucement. La viande est ultra fondante sous une croute légèrement épicée. Entre cuit à point et rosé. Avec son petit jus. Par contre, je ne mettrais pas une excellente note à la purée. Je fais largement meilleur chez moi, sauf que je ne la présente pas si joliment avec des chips de vitelotte.
Les couteaux ont une ligne épurée. Ils sont siglés et ont été dessinés spécialement pour Thoumieux par Robert David, coutelier à Thiers depuis 1919. Mais la viande est si tendre qu'on pourrait la sectionner à la fourchette.
On remarque encore la crème sur le bord de l'assiette, qui est décidément une signature esthétique. Le condiment de riquette, citron, parmesan est présenté avec des fleurs ... La riquette est une forme sauvage de roquette mais je m'interroge sur les fleurs qui ressemblent à l'ail des ours. Peu importe puisque c'est bon, n'en déplaise à la grande amie du chef, Valérie Expert, que la présence de fleurs dans les assiettes agace.
Le big burger maison, dont on nous avait dit du bien, a effectivement satisfait l'appétit de mon fils. Il était servi avec des frites moelleuses à souhait, joliment présentées dans une coupelle de cuivre martelé. La vaisselle est assez surprenante tant au plan des formes que des couleurs, souvent d'inspiration japonisante, à quelques exceptions étonnantes.
Déception par contre pour ma fille avec une erreur sur la prise de commande. On apporte un quasi (le même que le mien ... étonnant) alors qu'elle avait demandé un poisson. Insistance de la serveuse prétextant que nous aurions changé d'avis ... Que nenni ! Même que vous nous avez fait remarquer qu'on ne s'était pas exprimé correctement et qu'il fallait dire "une" barbue et pas "un". Cette évocation nous dédouane mais elle prévient sèchement (comme si nous étions coupables) qu'il faudra attendre 20 nouvelles minutes, le temps que cuise le poisson. Soit !
La barbue et les légumes de Joël (Thiébault) arrivent enfin. Légumes étonnants, en terme de couleur, de saveur et de fermeté, ce qui au final ne laissera cependant pas un souvenir impérissable. Un peu trop de balsamique il semblerait ?
Voici venu le temps du dessert. On nous débarrasse les assiettes et les couverts. Rien d'autre. Je ne veux pas faire ma chocotte mais on nous laisse les monticules de miettes de pain. Pouah ! Déjà que je devais faire gaffe de ne pas maculer les coudes de mon chemisier avec le beurre fondu qui avait coulé de la tartine (chaude) depuis le début du déjeuner ... S'il y avait foule et si nous étions dans un bistrot je comprendrais mais ici ... dans une salle presque vide, et chez quelqu'un pour qui la mise en scène des repas est essentielle c'est incompréhensible.
Ma fille a choisi les Churros n'rolls, encore une spécialité de la maison. On parie sur le nombre qui va arriver. Je penche pour un nombre impair. Trois dit-elle. Non, ce serait mesquin. Cinq ? Ce fut quatre. Mais elle n'en mangea que deux, m'en fit gouter un et même si c'était bon ce n'était pas transcendant. On a renoncé au dernier, ce qui n'est absolument pas dans nos habitudes quand on se régale.
Ils ont été servis avec de la sauce chocolat (dont elle ne voulut point), de la glace vanille (délicieuse). Peut-être aurait-elle apprécié le sucre peta zeta qui pétille en bouche et qui est annoncé ... en théorie sur la carte, mais qui fut absent aujourd'hui ... et sans justification.
Mon fils a jugé les Fraises au jus, Chantilly version 2013, arlettes caramélisées très bonnes et il s'y connait. C'est son fruit préféré. Avec un nuage de Chantilly (fortement allégée au blanc d'oeuf à mon avis) mais délicatement vanillée. Quant aux arlettes, c'est après vérification sur Internet de retour à la maison, que nous avons appris qu'il s'agissait de petits sablés.
Le Vacherin glacé banane citron vert, prévu au menu a été servi dans une coupe de la même taille... venant contredire la mise en garde du début de l'article. C'était davantage une évocation de vacherin qu'un dessert de ce nom. Trois pétales de meringue (d'où son appellation je suppose) posés sur une glace à la banane, elle même sur une écrasée de banane citronnée. Et la même Chantilly que celle des fraises mais cette fois en couronne. Le résultat est très bon, très rafraichissant.
Le café sera facturé 5 € tout de même, mais la tasse est siglée, faite tout exprès par Bernardaud, et à défaut de mignardises il y a un caramel pour accompagner.
Pas de déception en conclusion, avec une addition d'environ 140 € pour 3 personnes, en ayant consommé juste de l'eau en carafe mais pas un souvenir mémorable non plus. Si on ne savait pas qu'on se trouvait chez le grand jury de Top chef, celui qui vise constamment l'excellence, on n'aurait pas deviné. Parce qu'il n'y avait rien de véritablement exceptionnel.
L'homme qui répète qu'un plat doit raconter une histoire ... et qui collectionne les compliments tiendra-t-il longtemps sans remise en cause ? Nous étions une petite quinzaine ce midi là. Est-ce un début de réponse ?
Même mes enfants, qui sont moins exigeants que moi, ont été surpris de l'absence de geste, dit commercial, pour faire oublier les 40 minutes d'attente de la barbue. Ils s'imaginaient naïvement que le café serait offert. La serveuse avait sans nul doute déjà oublié (aussi) sa bévue.
Le positif est qu'on ressort du déjeuner l'estomac léger. Un bon point pour un été caniculaire. Un conseil à propos : prévoyez une petite laine car la clim est réglée, bas, … très bas. Par contre il est inutile de réserver et vous aurez le choix de la table, du moins tout l'été.
Côté décor, joli marbre, dorures en surcharge, mais on le savait. La brasserie est telle qu'elle apparait sur les photos. Thoumieux est toujours difficile à lire. Cela devient un jeu pour tromper l'attente. Comme de chercher à voir le trèfle, le haricot ou autre chose dans le logo. Beaucoup de miroirs, des glaces comme à Versailles, un service discret, pas trop appuyé, c'est le moins qu'on puisse dire, du pain toujours renouvelé et bon, de l'eau en carafe qui est tout à fait correcte.
Bon point aussi pour les toilettes avec le gel lavant Aesop à l'écorce de mandarine, au romarin, et au cèdre. Avec sa crème assortie. Un vrai soin pour les mains des convives. C'est rarissime et l'apanage des palaces. C'est le sens du détail de JFP. Il faut dire qu'on fait toilettes communes avec le restaurant à propos duquel je me demande (toujours) si la promesse d'y dîner de façon fabuleuse est un mythe ou une réalité. L'expérience de ce midi ne m'encourage pas à tenter celle de la règle du jeu.
Thoumieux, Jean-François Piège, 79, rue Saint-Dominique, Paris 7e. Tél. : 01-47-05-49-75.
1 commentaire:
Tres surprise par la condamnation de la bloggeuse apres avoir lu son article, je trouve le tiens pas diffamatoire (ni l'autre d'ailleurs) je pense que lorsque nous ne sommes pas satisfaits, il faut aussi le dire, bon vendredi
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