C'est le genre de livres indispensables pour provoquer des prises de conscience dont on aimerait que ce soient les décideurs qui les lisent plutôt que nous, pauvres otages d'une politique de santé qui est plus politique que sanitaire, et plus mercantile qu'économique, au sens strict du terme.
Les lobbys, les gâchis, les erreurs ... on connait et on subit ... de loin, sans trop s'alarmer. Mais il suffit qu'un de nos proches soit pris la tourmente de la saturation d'un service d'urgence, que l'on ne soigne plus un parent sous prétexte qu'il ne servirait à rien de prescrire (alors qu'il ne se trouve pas du tout dans un contexte d'acharnement thérapeutique) pour qu'on se dise que franchement il faudrait prendre le problème à bras-le-corps, avec l'énergie des auxiliaires médicaux "balançant" le patient impotent de son fauteuil roulant sur son lit médicalisé.
Vous avez deviné juste, il y aura du vécu dans ce billet.
Clémence Thévenot est journaliste indépendante, ancienne rédactrice en chef du magazine Culture Droit. Véronique Vasseur est médecin à l'hôpital Saint-Antoine à Paris. Elle a déjà dénoncé sans langue de bois les dysfonctionnements du milieu hospitalier dans L'Hôpital en danger. Ancien Médecin-chef à la prison de la Santé, elle avait publié un livre éponyme et été à l'origine d'un reportage télévisé que j'avais vu et qui m'avait fait froid dans le dos. Je n'imaginais pas qu'une prison pouvait être cela sur le plan sanitaire.
C'est une femme courageuse et compétente. On peut lui faire confiance sur les chiffres qui témoignent du grand fiasco.
A elles deux elles ont mené une enquête qui décortique le pourquoi du comment des failles d'un système voulu au départ égalitaire et qui aujourd'hui ne l'est pas du tout et qui, pire encore, court à la faillite. Ce qui fait que nous serons bientôt tous perdants. Un peu à l'instar des questions écologiques.
En progressant dans la lecture j'ai eu envie de faire l'addition des économies que l'on pourrait faire sans nuire à notre bien-être, voire même en l'augmentant, par exemple en arrêtant de consommer des médicaments qui font plus de mal que de bien, ou en jetant des boites non utilisées et dont le contenu pollue la planète. Le sous-total devient vite astronomique.
Je fais partie des personnes attentives qui ne surconsomment pas. Avoir un gros chagrin au décès d'un proche me semble légitime et je ne le cache pas à coup de Prozac. Etre stressée juste avant une démonstration culinaire (vous savez, fidèles lecteurs que j'en commets) me semble logique et je n'avale pas un Lexomil. Avoir mal au dos après une chute sur le verglas ne m'étonne pas et je ne prends pas d'anti-inflammatoires à tout va, ce qui au passage ne perturbera pas mes intestins. Etc ...
Parfaite ? non ! En excellente santé ? Je ne sais pas. Mais j'ai évité une lourde intervention au niveau de l'épaule par quelques séances de kiné qui ont fait reculé une tendinite calcifiante hyper douloureuse. Faut dire que j'ai un bon kiné.
Je ne dis pas qu'il ne faut jamais prendre de médicaments et se contenter d'une pomme par jour pour régler le trou de la sécurité sociale. L'équilibre entre le trop et le pas assez est difficile à établir. C'est le rôle d'un "bon" praticien.
Si ma propre mère n'avait pas arrêté ses hypertenseurs elle n'aurait peut-être pas fait l'AVC qui aujourd'hui la condamne à survivre au rabais. Et si mon père n'avait pas bénéficié de l'implantation d'un défibrillateur il aurait perdu dix ans de vie. Si une de mes amies (médecin au demeurant) avait écouté les alertes elle ne serait pas décédée en trois mois d'un cancer généralisé. Nous avons tous nos "si" à l'esprit.
Ce qui est intéressant dans ce livre c'est de combiner ce qui peut être imputé à tout un chacun, patient ou soignant, et ce qui relève de la responsabilité des pouvoirs publics. Dans le même esprit on peut recommander l'ouvrage écrit par les professeurs Debré et Even qui avec leur Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux, publié au Cherche Midi en septembre dernier, préviennent qu'un médicament sur deux est inutile, 20% mal tolérés, 5% potentiellement très dangereux et surtout 75% remboursés (p. 72), ce qui laisse une ardoise de 15 milliards (oui milliards) d'euros à la Sécu, c'est-à-dire à vous et moi.
J'ai adoré l'humour du personnage de Thierry Lhermitte dans Quai d'Orsay qui juge un livre au nombre de lignes qu'on a envie de stabiloter. Si j'applique ce principe celui de Véronique et Clémence sera très coloré.
Parmi les recco faciles à appliquer (de mon point de vue) la prescription des médicaments les moins onéreux en première intention comme le font les allemands (et hop moins 150 millions d'euros). Ensuite ne plus rembourser les médocs sans intérêt thérapeutique (moins 15 Milliards), augmenter la proportion des génériques qui tombent à 23% en France contre 70 aux US, favoriser les conditionnement à quelques unités pour certains, et a contrario à 90 (pour 3 mois) pour ceux qui combattent diabète et hypertension.
Et surtout changer nos modes de consommation, soigner, le mot n'est pas abusif, notre hygiène de vie et notre alimentation.
Je serais taxée de politiquement incorrecte si je lançais le sujet ultra tabou de l'AME mais je copierais quand même quelques mots : un clandestin capable de justifier de sa présence sur le territoire depuis trois mois est pris en charge à 100% alors que le bénéficiaire de la Sécurité Sociale n'est pris en charge qu'à 70% pour ses consultations (à supposer que le médecin n'applique pas de dépassement sinon c'est encore moins) et entre 15 et 65% pour les médicaments (p. 104).
Le système est ubuesque. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut lâcher prise. Considérons que nous sommes tous responsables. Et poursuivons la réflexion sur le sujet avec un ouvrage moins perturbant peut-être mais passionnant dès qu'on s'intéresse au monde médical et à la prise de décision avec Dr House, l'esprit du shaman que j'ai présenté il y a quelques jours.
Santé, le grand fiasco de Clémence Thévenot et Véronique Vasseur chez Flammarion, septembre 2009, ISBN 9782081286252
1 commentaire:
intéressant post, bonjour belge
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