Publications prochaines :

La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

mardi 16 juin 2015

The Art of the Brick à Paris Expo, du 14 mai au 30 août

Voici une exposition qui se trouve juste à coté de Lascaux 4 où je vous emmenais hier. Elle est très différente mais tout autant susceptible d'intéresser une famille par ses aspects récréatif, ludique, pédagogique et son ouverture sur l'art contemporain.

L'art ne suit pas les règles, prévient l'artiste d'emblée. Il est inspiré par tout partout. Et surtout par ce tout petit élément qui s'appelle judicieusement "brique" et qui révèle un énorme potentiel créatif qui fascinera autant petits et grands visiteurs.

C'est à l'âge de cinq ans que Nathan Sawaya a ouvert un matin de Noël son premier baril en comprenant tout de suite qu'il n'y avait aucune obligation à faire le modèle photographié sur la boîte.

A 10 ans, Nathan se vit refuser l’adoption d’un animal de compagnie par ses parents. Il réalisa alors un chien en briques LEGO, grandeur nature.

Ce n'est que beaucoup plus tard, à l'âge adulte et après un début de carrière prometteur comme avocat qu'il revient à sa passion, la construction de figures en LEGO®.
Son atelier de Los Angeles est riche de 4 millions de pièces, toutes rangées par forme et par couleur. Il a donné naissance à un processus créatif ancré dans le ludique, que beaucoup considèrent comme une révolution dans le domaine des arts.

Ses oeuvres sont en ce moment à Paris et la visite de l'exposition est plutôt fascinante, même si on peut ne pas apprécier tout avec la même admiration.
On peut penser que c'est une question de diplomatie. L'artiste met un point d'honneur à entreprendre une œuvre spécifique pour honorer chaque ville accueillant l'exposition. Paris reçoit donc son blason  et sa devise Fluctuat nec mergitur qui ouvre le parcours proposé sur 1500 m².

C'est au Baron Haussmann que l'on doit l'ajout de cette devise, "Il flotte mais ne sombre pas" sur les armoiries de la capitale, en référence au bateau figurant sur le blason, évoquant l'époque où le commerce et les échanges maritimes avaient lieu sur la Seine. Pour ma part je ne peux m'empêcher d'associer le choix de Nathan Sawaya (qui aurait pu tout aussi bien exécuter une Tour Eiffel) au Mayflower qui fut le bateau avec lequel arrivèrent les premiers émigrants dans son pays.

Les armoiries remontent à 1190 et à Philippe Auguste, roi capétien de France et elles sont restées le symbole de Paris jusqu'à la Révolution Française avant d'être rétablies par Louis XVIII.
Le public prend connaissance avec des oeuvres qui ne sont pas à proprement parler très originales, et sans doute choisies pour leur proximité avec les originaux. Ici Pencil Yes, haute de 61 cm qui a demandé 9800 pièces.
Une girafe tigrée réalisée avec 1650 pièces.
Des pommes, dont une à l'échelle 1/1, avec 1292 autres.

On peut aussi admirer un violoncelle (non photographié) en taille réelle, faite après une rencontre avec le maître Yo-Yo Ma, avec pas moins de 7 695 briques. 
Une main, une autre main ... une composition intitulée "la foule" ... 
Il a recomposé des sculptures célèbres comme la Vénus de Milo, la Victoire de Samothrace ou le Penseur de Rodin. Une seconde évocation de ce dernier est installée dans un fauteuil et le visiteur est invité à se photographier en miroir.
Il ne coupe jamais une pièce, étant attentionné à ce qu'un enfant puisse refaire la même chose sans outil particulier. On notera dans les petits films qui sont présentés qu'il colle cependant les pièces pour assurer la solidité de l'ensemble.
On remarque aussi qu'il peut utiliser la peinture pour appuyer le regard d'un buste, comme ici le Blue Facemask de 10770 pièces qu'il reconnaît comme un autoportrait.
Le visage jaune est quand à lui censé représenter ce que l'on veut être.

Nathan Sawaya s'est attelé à des pièces majeures de notre histoire artistique pour mettre l’art à la portée de tous et toutes. Il a reconstitué la grande vague de Kanazawa d'Hokusai, Saint Georges Majeur de Venise au crépuscule de Monet, le plafond de la chapelle Sixtine, la nuit étoilée de Saint Rémy de Provence de Van Gogh, ou encore La Jeune Fille à la perle de Vermeer (non photographiée).
Il a eu l'idée originale de représenter le personnage du cri de Munch s'échappant du tableau. De la même façon il transforme le Baiser de Klimt en une sculpture en 3 D.
Il a réussi à rendre le jeu de lumières de la rosace Nord de la cathédrale de Chartres au moyen de 17 842 pièces, dont une majeures partie translucides, et ses 165 cm de diamètre laissent passer un rayon, imprimant sur le sol des motifs colorés.
Aucun défi ne semble hors de portée pour cet artiste qui n'est pas toujours strictement dans la copie. On découvre en effet avec stupéfaction La Joconde, sur 77 sur 53 cm, qui sont les dimensions exactes du tableau de Léonard de Vinci, parfaitement nette des lors qu'on recule de quelques pas et qu'on plisse les yeux.
Il a fallu 4573 pièces pour restituer le tableau le plus célèbre de l'art occidental, avec des pièces plus larges que celles qu'il emploie habituellement pour un rendu volontairement flou, hautement pixellisé. Le regard de Mona Lisa ne quitte pas les yeux de qui la contemple. On reconnaitrait entre mille son sourire énigmatique, le coté des lèvres relevé, l'absence de sourcils, suivant la mode italienne du XV° siècle qui était de les raser.
Plus loin Andy Wharol et la compagne de Nathan Sawaya, Courtney, qu'il annonce comme sa muse, seront tout aussi surprenants. L'appareil photo semble être abusé plus que l'œil humain. Vous en jugerez en comparant plan large et plan rapproché.
L'artiste aborde parfois des sujets plus personnels. Son travail sur la représentation dans l'espace est aussi surprenant. 
On en a un aperçu avec cette nageuse toute bleue devant un fond vidéo énigmatique.
Hanging on the Edge, un homme accroché à une colonne et Ascension, une figure suspendue, sont parfaits de grâce et de légèreté. Yellow (choisie pour illustrer l'affiche de l'exposition, non photographiée ici) est sa réalisation la plus emblématique.
Ce buste déchiré a nécessité 3 semaines de travail. Il est censé représenter l'ouverture au monde. Avec Nathan la sculpture est parfois performance, parfois émotion. On remarque plusieurs œuvres témoignant d'un tempérament dépressif, en particulier un buste bleu, nommé l'Homme fissuré, qui est censé le représenter chaque matin dit-il lui-même dans l'audio-guide.
Il intitule un de ses autoportraits frustration.  Et il y a quelque chose de Sisyphe qui s'exprime dans ce personnage semblant prisonnier d'une spirale.
La toute dernière partie intitulée "In Pieces", est le fruit d'une collaboration très originale avec le photographe australien Dean West né en 83, qui intègre les créations de Nathan Sawaya dans des prises de vues réelles. Il en ressort un choc visuel subtil et léger, qui pointe avec surréalisme la façon dont la culture et les identités sont fabriquées.
Des objets construits par Nathan (des rails de chemin de fer, une serviette de toilette et une paire de tongs, un parapluie, un arbre…un nuage, un chien ...) sortent des tableaux pour mieux s'affirmer.
On peut y voir des références à la peinture nord américaine, en particulier Hopper, mais également au cinéma et à la comédie musicale avec Umbrella qui évoque Chantons sous la pluie comme Breakfast at Tiffany.
A ce titre Dress est une oeuvre prodigieuse de 63000 briques rouges.
En 2008, Dean a été inclus dans la collection Saatchi & Saatchi des 100 photographes émergents de la planète. Avec le succès dans la publicité et une liste croissante de collectors Dean a décidé de consacrer plus de son temps dans le monde de l'art. Son travail est couronné de nombreux prix.

L'exposition s'achève sur un squelette d’un tyrannosaure grandeur nature de 6 mètres de long constitué de 80 020 briques. L'artiste a voulu créer quelque chose spécialement pour tous les enfants en y consacrant un été entier. Il avait acheté une maquette miniature de T-Rex qu'il posa sur son bureau pour le guider.

Les câbles suspendus au-dessus de lui servent à maintenir le squelette. Celui-ci est tellement grand qu'il a fallu le concevoir en 14 tronçons différents qui se démontent séparément.
Conscient d'avoir semé la graine de la création, les concepteurs de l'exposition mettent plusieurs bacs à disposition des visiteurs pour qu'ils se lancent eux aussi dans des réalisations. Les plus réussies sont exposées à côté. En voici deux.
Les tout-petits ne sont pas oubliés. Une aire est en accès libre et sécurisé.

The Art of the Brick
L’incroyable art du Lego de Nathan Sawaya
Du 14 mai au 30 août 2015
Ouvert tous les jours de 10H à 18H en mai et juin
De 10H à 19H en juillet et août
Fermeture exceptionnelle les mardis, en mai et juin
Paris Expo / Porte de Versailles / Pavillon 8/A
1 Place de la Porte de Versailles – 75015 PARIS
Site officiel, que je vous donne en français évidemment
Accès gratuit pour les moins de cinq ans

Aucun commentaire:

Articles les plus consultés (au cours des 7 derniers jours)