L'atmosphère est immédiatement électrique entre l'Homme et la Femme. Parle moi d'amour a beau avoir été écrite en 2008, il y a eu quelques ajustements puisque dans sa rage l'Homme fait allusion au tout récent Brexit et que plus tard elle évoquera le jeu de Pokemon Go puis la campagne électorale de François Fillon.
Nous étions prévenus. On nous annonçait que leur trente ans de vie commune se déverseraient avec une cruauté hilarante et une brillante provocation au rythme soutenu des emportements et des bons mots qui fusent. Et pour fuser, ça fuse :
- Humain, toi ? Tu te moques ?
- Mon manège ? Quel manège ?
Ils dégainent à tour de rôle. Pourtant on devine que le jeu n'amuse pas (ou plus) la Femme qui annonce qu'elle va se coucher. Mais il la rattrape : c'est trop facile de fuir, c'est presque un aveu. Alors elle monte en puissance et avoue ... que ça fait 30 ans qu'il l'enmerde !
Pour sa première pièce Philippe Claudel a su alterner les invectives et les jeux de mots avec une parfaite maitrise de la rhétorique. Catherine Silhol interprète les dialogues avec virtuosité. Il faut dire qu'elle avait créé le personnage à la Comédie des Champs-Élysées, en 2008, quand son partenaire était alors Michel Leeb.
Le rôle est repris aujourd'hui par Philippe Magnan qui a sans doute le même art de la mauvaise foi.
Ces deux là se disputent d'une telle manière que l'on se demande si ce n'est pas parfois une forme d'amour ... Le doute est permis : les grossièretés ne seraient-elles pas leurs mots d'amour ? Le ton monte néanmoins et après les insultes, ce sont les gestes qui parlent. La vaisselle volera en éclats tandis que le décor deviendra oppressant en réduisant l'espace.
A ce titre la scénographie conçue par Marie Hervé est plutôt bien sentie. Nous sommes dans un appartement bourgeois où la présence d'objets d'art prime sur le confort comme en témoigne le fauteuil (à jardin) en forme de cristal, strictement décoratif, ou le canapé modulable (et inconfortable) qui monopolise le centre du salon. On devine, au lointain, une verrière qui pourrait être un atelier d'artistes où deux silhouettes se tournent le dos.
Chacun de nous peut se reconnaitre sur une ou deux salves. Qui n'a jamais accusé l'autre de passer d'accusé à accusateur en niant systématiquement sa responsabilité ? Pour finalement conclure sur la question fondamentale : je me demande ce que nous faisons encore ensemble ?
La réponse nous sera donnée à la fin et la leçon de vie mérite qu'on l'entende, qu'on ait ou pas l'habitude des scènes de ménage.
Parle moi d'amourDe Philippe Claudel
Mise en scène de Morgan Perez
Avec Caroline Silhol et Philippe Magnan
A la Pépinière
7 Rue Louis Le Grand
75002 Paris
Réservations 01 42 61 44 16
A partir du 07 février 2017
Du mardi au samedi à 21h
Matinée les samedis à 16h
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Christophe Vootz
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire