On croit connaitre les chansons de Georges Brassens mais il me semble que jamais toutes les couleurs de son écriture n'ont si bien éclaté qu'à travers le tour de chant A l'ombre des maris qui est à l'affiche à l'Archipel, malheureusement uniquement les week-ends. Les quatre musiciens qui ont conçu le spectacle rendent hommage au regard si particulier que le poète a posé sur les femmes et les choses de l’amour.
Il faut aller les écouter, ... et les regarder parce que c'est aussi un spectacle né de la rencontre entre Jean-Louis Cassarino, chanteur, et Louis Francois Bertin-Hugault, pianiste, et enrichi des talents de Georges Gilbert-Cazeneuve aux percussions et de Giovanni Licata à la contrebasse. Le quartet propose par ses arrangements originaux et surprenants qui rappellent la diversité de tons du poète, capable d’une chanson à l’autre, de passer de la tendresse à l’ironie et à la provocation.
Voix, piano, guitare, contrebasse, batterie, ukulélé, xylophone, mélodica se conjuguent dans une émotion et parfois une drôlerie fidèle à l’esprit et au cœur de Brassens.
Je ne sais pas ce qu'il aurait pensé de la soirée, lui qui disait Je ne veux pas faire rire aux éclats, je veux faire sourire. Je suis un ennemi du "langage à signes" je préfère suggérer les choses que les dire. Si j’avais dû en dire plus, je l’aurais fait. Mais j’estime qu’il faut en dire peu et permettre à celui qui vous écoute de continuer à se faire sa fête tout seul.
La fête éclate vraiment entre la scène et la salle. En commençant avec humour, chacun portant une moustache postiche pour interpréter J’ai rendez-vous avec vous.
Ce sera ensuite A l’ombre des maris, qui a donné le titre au spectacle, et qui dénonce les dragons de vertu à bord du Titanic. Il n'y a pas à tergiverser, Brassens avait le sens de la formule.
Le refrain de Quatre-vingt quinze pour cent sera repris par les spectateurs qui ne craignent pas de chanter comme Brassens combien les femmes s'enmerdent en baisant en souffrant de nymphomanie chronique.
Suivent Les sabots d’Hélène, en voix parlée pour commencer, ce qui ajoute de l'émotion. Puis Le bistrot. Jean-Louis Cassarino expliquera à qui était dédié Je me suis fait tout petit (dont les arrangements sont très jolis), à une belle passante qu'il croisait occasionnellement lors de flâneries dans son quartier, sans oser l'aborder.
J'ajoute qu'elle s'appelait Joha Heiman, était originaire d'Estonie et avait fui une enfance malheureuse avant d'épouser un mari jaloux et possessif qui n'acceptait pas l'attention et l'amour qu'elle portait à leur fils.
Georges Brassens fut privé de la voir pendant les quatre années que durèrent la seconde Guerre mondiale parce qu'il était dangereux de se promener. Mais le hasard fera de nouveau croiser leurs routes dans le métro pour qu'il ose enfin lui parler. Püppchen allait divorcer et devenir sa muse éternelle. Pendant leur 35 ans de sereine complicité, ils n'ont jamais habité ensemble. Et pourtant c'est pour l'éternité qu'ils sont côte à côte dans le cimetière dit des pauvres dans sa ville natale de Sète.
La non-demande en mariage est donc parfaitement autobiographique. En amitié comme en amour il ne faut pas peser. J'aime mais je ne cohabite pas dira Brassens.
Quelques notes de transition à la contrebasse et je reconnais aussitôt l'introduction de la magnifique Supplique pour être enterré à la plage de Sète. Puis ce seront Dans l’eau de la claire fontaine, Les passantes et Les amoureux des bancs publics, qui est sans doute une de ses chansons les plus connues, y compris par les jeunes.
Le temps de fait rien à l’affaire, puis Au bois de mon coeur, bel hommage à l'amitié, avant Le gorille, presque rock and roll. Jean-Louis Cassarino a une large palette de nuances allant parfois jusqu'à évoquer Brel.
En 1953 Brassens emprunte les paroles de Louis Aragon qu'il met en musique. Ce sera la si belle et émouvante chanson : Il n’y a pas d’amour heureux.
Après Embrasse-les-tous, et Le parapluie, nous serons surpris par une Chasse aux papillons en créole, très réussie même si ce n'est pas complètement nouveau. Je me souviens de L’amitié solid chantée par Sam Alpha il y a quelques années. Je me rappelle aussi des reprises par Maxime Leforestier, ou Sinsemilia qui chantaient La mauvaise réputation version reggae-pop ou du Roi des cons par Noir Désir.
La soirée se terminera avec L’orage et Une jolie fleur.
En sortant personne ne doutait plus du talent du grand Georges, tant comme auteur que comme compositeur et n'oserait invoquer une pseudo monotonie. On a remarqué au contraire ce qu'il doit au jazz et combien il avait le sens du swing.
Quant aux musiciens, leur talent est sans aucun doute pour beaucoup dans la qualité du spectacle qui a beaucoup tourné avant de se poser à l'Archipel. Ils ont travaillé chacun sur de longues tournées avec des artistes célèbres et exigeants avant de se réunir. la salle est petite mais elle assure précisément une forte proximité avec le public, ce qui est très appréciable.
Georges Brassens "A l’ombre des Maris"Chanteur : Jean-Louis Cassarino
Pianiste : Louis-François Bertin-Hugault
Contrebasse : Giovanni Licata
Percussions : Georges Gilbert-Cazeneuve
A partir du mercredi 8 Février 2017, tous les mercredis et jeudis à 19h00 (Jusqu’au jeudi 9 Mars)
Théâtre de l’Archipel
37 boulevard de Strasbourg
75010 Paris
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