Abigail's Party est une pièce surprenante qui nous plonge quasiment cinquante ans en arrière, dans la banlieue de Londres, à une époque où les codes sociaux étaient très clivés.
Il est alors de bon ton d'inviter ses voisins à faire connaissance autour d'un verre (façon de parler parce qu'on boira énormément au cours de la soirée). C'est ce à quoi s'emploie Beverly en quasi parfaite maitresse de maison alors que son mari Peter s'esquiverait volontiers.
La suite des évènements démontrera s'il s'agit d'un pur exercice de courtoisie.
La suite des évènements démontrera s'il s'agit d'un pur exercice de courtoisie.
Beverly a une qualité -ou un défaut- qui est de s'exprimer sans filtre alors qu'une de leurs invités, Susan, cherche à l'opposé toujours à arrondir les angles. Un jeune couple est aussi invité, Tony et Angela, nouveaux venus dans le quartier.
Abigail sera l'arlésienne de la soirée. La jeune adolescente affranchie est la fille de Susan et elle donne sa propre "party" dans un pavillon voisin, au domicile de sa mère, évincée de la fête, qui perdra son assurance au fil des heures.
On est surpris d'apprendre que c'est Mike Leigh, le grand cinéaste aux Palmes d’Or et autres Oscars (Secrets et mensonges, Naked, Turner) qui a écrit la pièce parce qu'on ne le connait pas comme auteur de théâtre. Il avait conçu le rôle de Beverly pour sa femme. L'adaptation en français est signée par Gérald Sibleyras (Un petit jeu sans conséquences, Les 39 marches, Des fleurs pour Algernon et co auteur de Silence on tourne, actuellement à l'affiche au théâtre Fontaine).
Mais c'est Lara Suyeux (Beverly) qui a donné à Thierry Hartcourt l'idée de monter cette pièce, culte en Angleterre, où elle est jouée depuis sa création en 1977. Le metteur en scène est d'ailleurs très actif puisqu'il signe aussi l'Amante anglaise actuellement à l'affiche au Lucernaire.
On célébrait la société matérialiste dans les années 70. On n'est guère différent aujourd'hui avec le culte du virtuel. L'enjeu demeure identique : faire croire qu'on existe, en cultivant le paraitre, sans soupçonner qu'on se brulera peut-être les ailes.
Les costumes sont incroyablement datés, fort réussis, allant jusqu'à être assortis au papier peint pour la tenue d'Angela. Plusieurs accessoires rappellent les années 70, par exemple un très kitsch téléphone de bakélite orange. Les codes sociaux de la réussite sont apparents comme la taille de l'appartement, la présence d'un très grand canapé, d'une reproduction de tableau de maitres, le célèbre Déjeuner des canotiers de Renoir, et La chaise et la pipe de Van Gogh, sans doute signes de snobisme puisqu'ils n'ont pas été peints par des artistes anglais. Mais ce n'est pas parce qu'on exhibe des chefs d'oeuvres ou des livres reliés que l'on prouve qu'on est cultivé.
Les sourires sont un peu forcés en début de soirée. Les confidences discrètes. It's now or never, susurre Elvis Presley, kiss me my darling, tomorrow will be too late.
Le ton change sous l'impulsion de la maitresse de maison : on n'est pas là pour discuter mais pour s'amuser. Plus tard Rain and tears de Demis Roussos et le Boogie Wonderland d'Earth Wind and Fire, signe le début du dérapage.
Le jeu devient dangereux. Le talent des comédiens est au service de personnages qui révèlent leur vraie personnalité. On dirait aujourd'hui de Beverly qu'elle est cash. Ce qui semblait être une soirée un peu fade change de ton, nous offrant un moment pimenté qui promet toutes les surprises.
Abigail's Party de Mike Leigh
Adaptation Gérald SibleyrasMise en scène Thierry Hartcourt
Avec Cédric Carlier (Antony), Dimitri Rataud (Peter), Alexie Ribes (Angela), Lara Suyeux (Beverly) et SéverineVincent (Susan)
Costumes Jean-Daniel Vuillermoz
Décor et accessoires Marius Strasser
Lumières Jacques Rouveyrollis
Son Camille Urvoy
Maquillages, perruque et coiffures Catherine Saint-Sever
Du mardi au samedi à 21h, dimanche à 15h
Relâches exceptionnelles les 8 et 9 juin 2017
Au Théâtre de Poche-Montparnasse depuis le 31 janvier 2017
75 Boulevard du Montparnasse, 75006 Paris
Téléphone : 01 45 44 50 21
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