Benoît Castel est breton. Il est arrivé ici pour un an et cela fait vingt-six ans qu'il régale la capitale. Sans jamais cesser d'innover et de remettre en cause les codes.
Il est maintenant installé au 150 rue de Ménilmontant dans une boulangerie qui pourrait être classée monument historique car c'est là que Bernard Ganachaud, inventa en 1960 la fameuse "flûte Gana". Anecdotique ? Pas vraiment quand on sait combien la flore d'un lieu a toute son importance dans le processus de fabrication.
Quand il a créé la boulangerie Liberté des Galeries Lafayette Haussmann, pendant plusieurs mois le pain était bon mais sans âme. Nos grand-mères le savaient bien. Je ne vais pas vous raconter la Soupe de la mamée de Jean-Pierre Chabrol concluant que si on veut manger une bonne soupe il faut venir chez elle au lieu de s'échiner à reproduire la recette. On a tous expérimenté la déception de la fadeur d'un plat reproduit à la maison et qui avait pourtant enchanté nos papilles dans un autre cadre ....
Benoît Castel est d'abord pâtissier alors l'établissement s'appelle "pâtisserie-boulangerie" dans cet ordre là.
Il a débuté à Rennes où il a fait son apprentissage chez Duchesse de Bretagne, une pâtisserie-confiserie-chocolaterie avant d'arriver dans ce même XX° arrondissement dans la pâtisserie de l'Eglise aux cotés de Jean-Claude Vergne. Il est passé ensuite par des maisons honorables, comme le salon de thé le Valentin, passage Jouffroy, où il dit avoir beaucoup appris. Il a eu la chance de travailler sous les ordres d'Hélène Darroze, à l'ouverture de son restaurant. En 2003 il intègre le groupe Costes et plus tard la grande Epicerie.
En 2012 il ouvre une pâtisserie d'un genre nouveau au 42 rue Jacob. Fan de Joséphine Baker il l'appellera Joséphine Bakery et le cheesecake sera son gâteau phare. Citronné, moelleux, à peine acide, superbement fondant, une bouchée suffit pour en comprendre le succès. difficile alors de lui reprocher le poudrage de sucre glace.
Depuis il a d'autres desserts signature sur sa planche. Comme le fondant au chocolat, qu'il réalise sans insert, et qui se déguste à la cuillère. Le secret est dans la cuisson.
Comme la madeleine qu'il fait depuis toujours en grand format dans un moule en forme de coquillage. C'est que la Bretagne est toujours dans son coeur.
Les sablés sont incontournables .Nature, au chocolat, garnis de confiture (maison, faut-il le préciser ?).
Vendus en sachet, ils sont minuscules pour "signer" chaque gâteau.
Le délicat Mont-Blanc mais aussi le chou, ci-dessous puissamment fort en café.
Je les remarque dentelés, comme le fond de tarte familiale, attendant d'être garnis.
Et bien sûr en individuel, "Complètement citron" biscuit sablé, crème onctueuse au citron, zestes de citron verts, ou version chocolat au choix.
De grandes tables anciennes se déploient comme ces tables d'hôtes que les groupes d'amis investissent en Alsace. Les chaises sont dépareillées. Les piles d'assiettes sont en acier galvanisé, cerclées de couleurs vives.
Hey June, Twist & Shout, Yesterday ... les Beatles enchantent l'espace inlassablement de leurs grands succès ou d'airs moins connus comme While my guitar gently weeps, L'ambiance pourrait être nostalgique malgré la modernité des gâteaux en vitrine.
Briques, bois, étagères métalliques, ambiance industrielle (et industrieuse), on pourrait se croire dans une enclave new-yorkaise ... La neige a commencé à couvrir le sol. Les clients sont installés pour un long moment avec leur portable ou leur livre. On se sent bien ici. C'est bien davantage qu'une pâtisserie boulangerie, un vrai lieu de vie. Le personnel s'affaire à la préparation du brunch qui rassasiera probablement ce week-end quelque 120 personnes. Mais pour le moment tout est calme et l'espace encourage à la flânerie studieuse.
Les sandwiches sont préparés avec des produits de qualité avec le même soin que le reste, pour les clients comme pour le patron, puisque c'est le repas que nous partageons sur des planches à pizza qui étaient là quand il a repris la boulangerie.
Et pour une fois la version végétarienne n'est pas pensée comme une punition :
Benoît Castel me raconte comment est né le pain du coin, d'un jeu de mots avec le fruit à partir duquel il a fait un levain sur une base de farine de tradition, de meule, et de seigle, avec un peu de miel des Alpilles. il me fait respirer le fameux sel de Salhish qu'il est le seul à savoir maîtriser, un sel fumé au bois d’aulne rouge qui vient de l’état de Washington et qui sert habituellement au salage des saumons.
Son goût fumé et son niveau de salinité permettent qu'on diminue la quantité de sel dans le pain. De 18 à 20 grammes de sel par kilo de farine on est passé à 14. La prouesse ne lui suffit pas. Il aimerait descendre encore plus bas.
La croute est épaisse, artistiquement croisillonné et la mie est dense. Le pain du coin est vendu à la coupe. Il s'accorde avec toutes les charcuteries ou fromages. La Tradition sera salée au sel de Camargue.
Il a fait le choix d’une gamme ultra-courte mais l'essentiel est de savoir que tous sont réalisés sur levain liquide, à base de farines sélectionnées. Benoît Castel accorde en effet une attention particulière au choix de ses farines, qu'il achète aux Moulins Bourgeois de Verdelot (Seine-et-Marne) de préférence des variétés de blés anciens parce qu'on a trop longtemps subi des grains qui n'avaient pas à grand goût et qui se caractérisaient par leur pouvoir collant. Si les boulangers travaillaient davantage avec des levains le pain serait plus digeste et n'obligerait pas notre estomac à faire la machine à laver.
Le pain Granola, un pain aux fruits secs : raisins, noisettes et noix est une autre de ses créations. Il conçoit ses recettes de pain comme il a appris à le faire en pâtisserie, avec rigueur.
Le laboratoire est ouvert. On travaille en transparence, voilà pourquoi il avait pensé au nom de Liberté comme enseigne. Il n'y a aucun mystère sur les approvisionnements : les caisses et les flacons sont à vue. Comme le font de plus en plus les restaurants. J'ai voulu théatraliser notre joli métier en montrant jusqu'à l'économat.
La cuisine est ouverte et on voit l'équipe à l'oeuvre. Gratins de pâtes, clafoutis, soupe maison, salade ananas-betterave-coriandre. Un alignement de cakes attend sur les échelles.
Que des choses simples. Il me faudra revenir un dimanche, non pas pour vérifier mais pour apprécier tout cela.
Benoît Castel pense que le pire de la malbouffe a été atteint dans les années 70, parce qu'on n'était pas encore informé de la nocivité des additifs. On mangerait mieux aujourd'hui me dit-il. Plus sainement et plus économiquement. il m'explique tout ce qu'il fait avec les épluchures des pommes, et notamment des glaçages brillants sur les gâteaux mais caloriquement pauvres.
Est-ce généralisable ? Je ne pense pas mais chez lui en tout cas c'est parole d'évangile. Nous descendons ensemble au sous-sol. Tout est nickel, vaste encore. Je suis surprise par la chambre froide. On m'avait dit que la viennoiserie poussait comme le pain trois jours tranquillement à 4 degrés et je constate que c'est une réalité.
Au bout du laboratoire, l'infusion pour le bobo au rhum (un savarin) exhale un doux parfum d'agrumes, de vanille et d'un poivre très spécial proche du poivre pamplemousse.
On pourrait croire que le rêve est complètement réalisé mais Benoît Castel a encore des projets. Il en aura toujours. Pour le moment c'est la refonte de l'identité du 150 rue de Ménilmontant qui va fièrement porter son nom. Liberté restera mais seul l'établissement de la rue des Vinaigriers affichera cette enseigne, avec une autre direction.
Le patron conserve du temps pour accompagner son équipe, être le plus possible présent à leurs côtés, développer une gamme (courte) de pains avec des farines biologiques (même sans l'appellation officielle bio), et continuer à créer des recettes. Il est encore disponible pour soutenir de jolis projets comme celui d'une jeune fille qu'il me recommande d'aller voir. Et d'en garder aussi pour ses amis pour cuisiner par exemple les fromages avec un MOF.
Pâtisserie Boulangerie Benoît CastelVendus en sachet, ils sont minuscules pour "signer" chaque gâteau.
Le délicat Mont-Blanc mais aussi le chou, ci-dessous puissamment fort en café.
Je les remarque dentelés, comme le fond de tarte familiale, attendant d'être garnis.
Et bien sûr en individuel, "Complètement citron" biscuit sablé, crème onctueuse au citron, zestes de citron verts, ou version chocolat au choix.
Il faut une mention spéciale pour la Tartelette à la Crème, alliance de crèmes pâtissière et Chantilly qui n'est pas "sur-collée" à la gélatine. Et qu'il faut impérativement gouter.
En semaine la vitrine n'est pleine que de gâteaux individuels mais dès le samedi plusieurs spécialités apparaîtront king size.
Benoît Castel travaille la farine de sarrasin dès que possible, fait son beurre lui même (au risque d'étonner ses employés) emploie la crème ... propose forcément un far breton, lequel a une consistance proche d'un flan et qui n'est ni collant ni trop sucré. Les pruneaux sont moelleux comme il se doit.
J'ai rendez-vous avec lui pour parler de ses passions et de ses projets. Je suis en avance alors j'ai le temps d'observer les lieux, aussi vastes qu'un restaurant. Deux énormes fours à pain subsistent au fond, en bordure de l'espace dédié au brunch le week-end. Le bois coupé est prêt à l'emploi. Celui de droite pourrait être remis en route mais il faudrait le surveiller pour que l'opération ne pose pas de souci de sécurité.Benoît Castel travaille la farine de sarrasin dès que possible, fait son beurre lui même (au risque d'étonner ses employés) emploie la crème ... propose forcément un far breton, lequel a une consistance proche d'un flan et qui n'est ni collant ni trop sucré. Les pruneaux sont moelleux comme il se doit.
De grandes tables anciennes se déploient comme ces tables d'hôtes que les groupes d'amis investissent en Alsace. Les chaises sont dépareillées. Les piles d'assiettes sont en acier galvanisé, cerclées de couleurs vives.
Hey June, Twist & Shout, Yesterday ... les Beatles enchantent l'espace inlassablement de leurs grands succès ou d'airs moins connus comme While my guitar gently weeps, L'ambiance pourrait être nostalgique malgré la modernité des gâteaux en vitrine.
Briques, bois, étagères métalliques, ambiance industrielle (et industrieuse), on pourrait se croire dans une enclave new-yorkaise ... La neige a commencé à couvrir le sol. Les clients sont installés pour un long moment avec leur portable ou leur livre. On se sent bien ici. C'est bien davantage qu'une pâtisserie boulangerie, un vrai lieu de vie. Le personnel s'affaire à la préparation du brunch qui rassasiera probablement ce week-end quelque 120 personnes. Mais pour le moment tout est calme et l'espace encourage à la flânerie studieuse.
Les sandwiches sont préparés avec des produits de qualité avec le même soin que le reste, pour les clients comme pour le patron, puisque c'est le repas que nous partageons sur des planches à pizza qui étaient là quand il a repris la boulangerie.
Et pour une fois la version végétarienne n'est pas pensée comme une punition :
Benoît Castel me raconte comment est né le pain du coin, d'un jeu de mots avec le fruit à partir duquel il a fait un levain sur une base de farine de tradition, de meule, et de seigle, avec un peu de miel des Alpilles. il me fait respirer le fameux sel de Salhish qu'il est le seul à savoir maîtriser, un sel fumé au bois d’aulne rouge qui vient de l’état de Washington et qui sert habituellement au salage des saumons.
Son goût fumé et son niveau de salinité permettent qu'on diminue la quantité de sel dans le pain. De 18 à 20 grammes de sel par kilo de farine on est passé à 14. La prouesse ne lui suffit pas. Il aimerait descendre encore plus bas.
La croute est épaisse, artistiquement croisillonné et la mie est dense. Le pain du coin est vendu à la coupe. Il s'accorde avec toutes les charcuteries ou fromages. La Tradition sera salée au sel de Camargue.
Il a fait le choix d’une gamme ultra-courte mais l'essentiel est de savoir que tous sont réalisés sur levain liquide, à base de farines sélectionnées. Benoît Castel accorde en effet une attention particulière au choix de ses farines, qu'il achète aux Moulins Bourgeois de Verdelot (Seine-et-Marne) de préférence des variétés de blés anciens parce qu'on a trop longtemps subi des grains qui n'avaient pas à grand goût et qui se caractérisaient par leur pouvoir collant. Si les boulangers travaillaient davantage avec des levains le pain serait plus digeste et n'obligerait pas notre estomac à faire la machine à laver.
Le pain Granola, un pain aux fruits secs : raisins, noisettes et noix est une autre de ses créations. Il conçoit ses recettes de pain comme il a appris à le faire en pâtisserie, avec rigueur.
Le laboratoire est ouvert. On travaille en transparence, voilà pourquoi il avait pensé au nom de Liberté comme enseigne. Il n'y a aucun mystère sur les approvisionnements : les caisses et les flacons sont à vue. Comme le font de plus en plus les restaurants. J'ai voulu théatraliser notre joli métier en montrant jusqu'à l'économat.
La cuisine est ouverte et on voit l'équipe à l'oeuvre. Gratins de pâtes, clafoutis, soupe maison, salade ananas-betterave-coriandre. Un alignement de cakes attend sur les échelles.
Que des choses simples. Il me faudra revenir un dimanche, non pas pour vérifier mais pour apprécier tout cela.
Benoît Castel pense que le pire de la malbouffe a été atteint dans les années 70, parce qu'on n'était pas encore informé de la nocivité des additifs. On mangerait mieux aujourd'hui me dit-il. Plus sainement et plus économiquement. il m'explique tout ce qu'il fait avec les épluchures des pommes, et notamment des glaçages brillants sur les gâteaux mais caloriquement pauvres.
Est-ce généralisable ? Je ne pense pas mais chez lui en tout cas c'est parole d'évangile. Nous descendons ensemble au sous-sol. Tout est nickel, vaste encore. Je suis surprise par la chambre froide. On m'avait dit que la viennoiserie poussait comme le pain trois jours tranquillement à 4 degrés et je constate que c'est une réalité.
Au bout du laboratoire, l'infusion pour le bobo au rhum (un savarin) exhale un doux parfum d'agrumes, de vanille et d'un poivre très spécial proche du poivre pamplemousse.
On pourrait croire que le rêve est complètement réalisé mais Benoît Castel a encore des projets. Il en aura toujours. Pour le moment c'est la refonte de l'identité du 150 rue de Ménilmontant qui va fièrement porter son nom. Liberté restera mais seul l'établissement de la rue des Vinaigriers affichera cette enseigne, avec une autre direction.
Le patron conserve du temps pour accompagner son équipe, être le plus possible présent à leurs côtés, développer une gamme (courte) de pains avec des farines biologiques (même sans l'appellation officielle bio), et continuer à créer des recettes. Il est encore disponible pour soutenir de jolis projets comme celui d'une jeune fille qu'il me recommande d'aller voir. Et d'en garder aussi pour ses amis pour cuisiner par exemple les fromages avec un MOF.
150 rue de Ménilmontant, 75020 Paris.
Métro Pelleport.
Ouverte du mardi au samedi de 7h30 à 20h30 et le dimanche de 7h30 à 15h00.
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