J'avais entendu parler de Roméo à la folie au Salon du Livre Paris au moment de la présentation de quelques-uns des romans retenus dans le cadre du troisième Prix Hors Concours. L'envie de lire davantage qu'un extrait était très forte.
C'est un roman qui s'est avéré à la fois facile et difficile à lire.
L'auteure traite deux sujets complexes, l'adoption d'un enfant qui se révèle différent de ce qu'on avait annoncé aux futurs parents et les troubles psychiatriques d'un adolescent.
On découvre au fil du récit combien les médecins sont arqueboutés dans la théorie avec conformisme sans considérer les parents, perçus comme des bourreaux, forcément, puisque ce sont les seuls à exprimer une angoisse. Comme il est commode de les désigner coupables, surtout la mère qui est l'os que les psys rongent quand ils n'ont rien d'autre à se mettre sous la dent. Elle est abusive, fusionnelle, castratrice ... trop ... toujours trop (p. 83).
Forcément ils vont se remettre en cause, s'interrogeant sur le moment où ils ont pu fauter (p. 57).
Le garçon porte un prénom de séducteur. Roméo est beau comme un ange, mais ses agissements sont diaboliques.
Que d'espoirs ruinés depuis ce jour où les adoptants ont croisé le regard de ce gosse originaire d'Abyssinie, de soit-disant 4 ans et demi. Premier mensonge : on le dit orphelin alors que sa maman biologique est toujours en vie. Seconde tromperie : le môme avait déjà au moins huit ans, et quand on sait qu'une psychanalyste de renom avait dit que tout se joue avant six ans ...
L'enfant a eu de formidables capacités d'adaptation (au climat européen, à la différence de mode de vie, à des codes culturels et éducatifs très différents ...). Il aura été très aimé. Très vite il révélera une tolérance zéro à la moindre frustration.
Christine Sagnier raconte le bad trip de Klara, une maman contrainte à supplier que son cher petit (devenu grand) monstre ait accès à des soins. Mais comment convaincre les psychiatres quand ceux-ci ne voient que le sourire qui charme tout le monde ?
Comme il leur est facile de ne voir qu'un conflit familial (alors que le garçon a tout de même cassé le poignet de son père) sermonner des parents qui ne peuvent qu'avoir tort, prônant qu'un enfant, il faut le prendre comme il est (p. 28), au mépris de la règle fondamentale que les adultes doivent être garants d'un cadre. Etre conciliant avec un tyran ne pourra conduire qu'au désastre ... à la folie pour tous, dans une sorte de mimétisme infernal.
Le lecteur découvre, médusé, les a priori négatifs des professionnels et leurs propos surréalistes, que l'auteure n'a pas eu besoin d'inventer. Ils sont très largement inspirés de la réalité. Dans un tel contexte, on peut facilement confondre les propos d'une patiente égarée avec la conversation d'un médecin psychiatre. La frontière est ténue.
Faire soigner son enfant, lorsqu'il est atteint de troubles psychiatriques, exige un maximum de disponibilité car les rendez-vous sont donnés sans tenir compte de leur emploi du temps professionnel. Tout ça pour entendre : Vous êtes forts, continuez ! (p. 34)
Leur force se nourrit d'un humour décapant et cette politesse, que l'on dit être du désespoir, ne fait pas recette en psychiatrie. Cette maman en a à revendre. Certaines scènes sont d'une immense drôlerie comme l'arrivée à l'hôpital de leur voiture repeinte de fientes d'oiseaux quasi indécollables (ayant connu un tel épisode j'imagine très bien la catastrophe).
Pleurer, boire (trop) et puis courir pour s'abrutir (p. 74) ... on ne peut leur jeter la pierre quand tout fout le camp.
On est heureux d'apprendre qu'aujourd'hui tout va désormais bien. L'écriture est décidément plus vertueuse qu'un anxiolytique.
Le roman s'adresse à tous les parents d'enfants qui ont, ont eu ou auront des ados.
Roméo à la folie de Christine Sagnier, éditions Zinedi, en librairie depuis le 15 juin 2017
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