Stéphanie Jarroux commence dos au public, une pierre entre ses mains, se plaignant d'être alignée par Jupiter.
A peine retournée, elle part à la recherche d'un homme qui s'appellerait Pierre. Rassurez-vous elle en trouve toujours. Ce soir c'est même mieux puisque l'heureux élu se nomme Peter et qu'elle pourra tout au long de la soirée l'apostropher en néerlandais, qu'elle parle à la perfection.
Je crois que le jour où elle débusquera sur les gradins un québécois portant ce patronyme Stéphanie sera aux anges.
L'humoriste enchaine les sketchs avec énergie. Elle revendique une bio attitude parfois jusqueboutiste, n'hésitant pas à parler de coupe menstruelle, ce qui est, je pense, totalement inédit. Son propos est militant et drôle, impliquant le public, et même l'ingé-son qui ne parvient pas à retenir son rire.
Elle pratique l'art du détour pour transmettre un message. Sans se laisser arrêter par le moindre tabou. S'il n'en avait tenu qu'à elle c'est un spectacle entier qu'elle aurait pu écrire sur les règles.
L'écologie est un de ses chevaux de bataille et là aussi elle y va franchement. Sans craindre d'avouer que parfois c'est fatiguant d'être bio. Qu'on ne se régale pas vraiment à grignoter des galettes de riz qui ont une saveur de polystyrène.
Qu'il est difficile de mémoriser tous ces (excellents) produits au nom compliqué évoquant des Pokémon comme agar-agar, alfalfa (j'ai vérifié, on devrait dire luzerne mais ce serait moins chic), spiruline, tofu, kamut.
On peut lui faire confiance, le bio elle connait à fond. Elle a été pendant sept ans rédactrice en chef du magazine FemininBio.com. Et elle a déroulé quinze années professionnelles en agence et dans les medias dont elle connait tous les travers.
Stop à la fonte des neiges
Gros câlin à l’ours polaire
La formule revient régulièrement comme un mantra. Stéphanie aimerait que son spectacle fasse prendre conscience des conséquences de ce qu'on fait chacun au quotidien. Elle est persuadée que l'écologie commence par des petits gestes.
C'est une jeune femme qui irradie d'amour tout en se moquant gentiment de certaines catégories de personnes, en particulier le hipster qui n'est plus l'artiste bohème américain des années 40 mais le bobo barbu qui écoute de l'électro, le mec qui avant portait des dreads et un poncho et qui maintenant travaille à la Défense en rêvant de conduire un tracteur.
Elle donne sa définition en la martelant avec un accent québécois, pour plus de saveur. Parlez lui de Versailles -où elle observe ses concitoyens depuis dix ans- et vous conviendrez avec elle que c'est bien la ville du mocassin à gland.
Chaque sketch est ponctué d'un "namasté" assaisonné de beaucoup, ... de citron ou de menthe ... comme le thé.
La vie de famille en prend elle aussi pour son grade. Elle adore ses enfants, des filles qu'elle surnomme ses licornes, mais elle redoute les mercredis qu'elle prend comme une punition. Ces jours des 3 P obligatoires (piano-poterie-poney) se remplissent également de rendez-vous chez le dentiste ou dans une grande surface de bricolage pour satisfaire son mari, lequel semble avoir d'autres qualités (mais rien ne compense rien). Elle a pris l'habitude de balancer deux-trois phrases bien senties sur son site pour ravaler sans s'étrangler ces mercredis-t'es-punie.
Le contenu de chaque sketch est assez travaillé mais la mise en scène est barrée, Stéphanie le reconnait et s'en vante. Elle danse (la zumba), chante (très belle imitation de Maitre Gims), occupe la scène, prend le public à parti. Bref elle déménage. Et ça fonctionne. Les rires fusent dans les gradins.
Par contre lorsqu'elle décrète qu'est venu le temps du free hugs everybody (gros câlin tout le monde) elle fait un flop. On ne tiendra pas les huit secondes minimum de rigueur, incapables que nous sommes d'ouvrir les bras à notre voisin.
Seul Peter acceptera de la rejoindre régulièrement sur scène pour la déscotcher du mur. Il en sera récompensé, ... gagnant un tire-lait, le même appareil que celui qui était censé la soulager quand elle avait le téton au bord de l’asphyxie. L'allaitement devrait être une joie, et une fierté de nourrir sa progéniture de "pur made in moi bio local" (lait maternel) mais ce n'est pas toujours la fête. Quand je vous disais que cette B&B (bio et barge) GG (green girl) ne craint aucun sujet !
Révélée par la scène ouverte Kandidator de René-Marc Guedj en 2015, voici trois ans qu’elle est sur scène, d'abord dans le spectacle qu’elle a écrit On t’aime comme tu es, phrase que son grand-père signe à la fin de ses mails, une phrase aussi touchante que cinglante puis dans Bio et barge.
Venez la voir à la Comédie des Trois Bornes le mardi à 20 h 15 (précises) ou dans cette belle région du Calvados aux e.Days (evolution Days) qui sont des journées "enchantées" pour lesquelles Stéphanie a créé un spectacle où elle n'est pas limitée par le temps, Les Kalus Bio et Barge, plus expérimental.
De et avec Stéphanie Jarroux
Mise en scène de Nathaly Coualy
La Comédie des Trois Bornes
Comédie des 3 Bornes
32, rue des Trois Bornes, 75011 Paris
Les Kalus Bio et Barge
e.Days (evolution Days)
Du 25 mai à 19 h 30 au 27 mai à 18h 30
La Ferme des Noyers
200 rue du Tour de Ville, 14880 Hermanville-sur-Mer
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