Voilà bien un titre particulier, Les Déraisons, (vous remarquerez d'ailleurs le D majuscule) et une couverture déroutante, évoquant l'art pictural des années 50-60.
L'histoire est surréaliste. Pourquoi pas, ce n'est pas cela qui m'a dérangée. L'ennui est qu'elle fait immédiatement penser à L'écume des jours de Boris Vian. Trop pour moi. Cela a gâché ma lecture.
La folie du premier roman d'Olivier Bourdeaut, En attendant Bojangles, m'avait enthousiasmée, lequel avait déjà quelque chose de "vianesque". Mais il était écrit à la première personne, et en adoptant le point de vue d'un enfant. Je m'étais laissée porter par la musique.
Cette fois non. L'artifice ne prit pas malgré d'évidentes qualités stylistiques. L'idée (un homme déserte son travail pour s'occuper de sa femme, gravement malade) n'est pas assez neuve pour me séduire.
Béatrice Giraud avait traité une situation semblable dans Pas d'inquiétude où un père bénéficiait des journées de RTT de ses collègues pour soigner son fils.
Appeler un chien Le-Chat ne m'amuse pas longtemps. Ce que Boris Vian a réussi à la perfection (même si son roman ne rencontra le succès qu'après sa mort) n'est pas réitérable. Chloé et Colin sont uniques. Les réflexions de l'écrivain sur le monde du travail étaient déjà profondes. Il n'était aps indispensable de recommencer et il ne suffit pas de transformer un nénuphar en honey pops pour ébaudir le lecteur. Le cancer est un sujet trop grave pour qu'on puisse le situer en Absurdie (p. 104) comme le fait Odile d’Oultremont.
J'allais employer le pluriel en désignant "les" auteurs, influencée sans doute de l'avoir vue à la télévision défendre son oeuvre avec l'aide de son mari, Stéphane de Groodt qui, curieusement sort un livre au même moment, sur ce même registre de l'absurde. Ils ont tant l'habitude d'écrire ensemble que j'ai du mal à distinguer l'un de l'autre. Il est certain que s'ils l'avaient co-signé (je ne dis pas pour autant que le roman a été co-écrit) l'auteure n'aurait pas pu concourir pour le Prix de la Closerie des Lilas puisqu'il n'est décerné qu'à des femmes.
Beaucoup de romans auront été publiés cette année par des personnes qui sont déjà célèbres. Cela nuit, de mon point de vue, à la fraicheur de la révélation. Mon opinion peut choquer mais on est d'autant plus exigeant que l'intéressé est depuis longtemps sous les feux des projecteurs. Et le second roman sera forcément attendu avec une grande attention.
Revenons au livre. La progression de la lecture est hachée parce que le présent s'intercale dans le passé. On sait très vite que Louise Olinger succombera. On veut bien croire un temps qu'être catapulté en Sibérie professionnelle (p. 112) par un plan social au bout d’un couloir peut constituer une chance pour quelqu'un qui a besoin de disponibilité car personne ne viendra réclamer un certificat médical pour justifier des absences.
On connait le monde du travail et on se doute qu'on demandera des comptes à Adrien un jour ou l'autre. Le procès intenté par l'employeur ne fait pas de doute. Son issue n'est cependant pas un vrai suspense. La seule surprise provient de la langue et jamais de l'histoire, ce qui émousse l'intérêt. Dommage parce que l'amour fou est un thème inépuisable.
Le personnage de Louise est très cerné. On a vite compris que son objectif est de ne pas en avoir (p. 105). Par contre Adrien aurait mérité davantage de psychologie qu'un regret sur ce qu'il allait devoir apprendre à "ne plus" des tas de choses, à peu près tout (p. 191).
Ceux qui n'ont pas lu L'écume des jours ni En attendant Bojangles pourront éprouver un grand plaisir à la lecture de cette plume virevoltant dans la fantaisie ... même si on est toujours triste que la mort soit inéluctable. Je ne suis donc pas étonnée que Les Déraisons soient un coup de coeur pour beaucoup.
Pour ma part j'attends le second pour me prononcer définitivement.
Les Déraisons, d'Odile d’Oultremont, aux éditions de l'Observatoire, en librairie depuis le 10 janvier 2018
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