Le spectateur n'en a pas la perception (les costumes sont peu datés) mais la première scène se passe il y a une vingtaine d'années, un soir d’été 98, alors que la France entière agite des milliers de drapeaux tricolores, et que des millions de pauvres regardent quelques individus courir après un ballon.
Quatre enfants en protestation se font une promesse : "Un jour on vivra toutes et tous ensemble dans une Yourte !". Quitter la ville, troquer mille supermarchés pour un potager, larguer patrons, voitures, ordinateurs, smartphones, argent, et ne viser plus qu’un seul but ensemble : la cohérence. Vingt ans plus tard, ces enfants ont grandi, leurs rêves aussi… Résisteront-ils ? Le pacte est-il toujours sacré et irrévocable ? Est-il encore temps de réaliser leur promesse ?
Yourte raconte l’histoire de ces enfants du XXIème siècle qui ont grandi sous l’ère de la mondialisation et du capitalisme et qui, face aux menaces écologiques et les enjeux politiques qu'elles sous-tendent, décident de tout plaquer pour se réinventer. Ils et elles imaginent, inventent et construisent un nouveau monde, une manière de vivre qui leur ressemble et qui les rassemble.
Vivre ensemble en redécouvrant les saveurs de l'entraide, du partage, de l'égalité au sein d'un espace vert où béton, consommation, carriérisme et individualisme n'ont plus leur place.
C’est pour rendre compte de leurs rapports au temps, à l’espace, au travail, à la beauté, aux autres et à eu -mêmes que la compagnie Les mille Printemps cherche à analyser les étapes et les enjeux humains de cette migration utopique. À quel point peuvent-ils se libérer du monde qui les a construits ? Est-il réellement possible de se réinventer ?
Narrer leur histoire c’est aussi parler de celles et ceux qui ne rêvent pas, qui ne rêvent plus, ou qui rêvent de tout l’inverse. C'est confronter les utopistes aux fatalistes, les optimistes aux sceptiques.
Voir ce spectacle alors qu'on a été privé de théâtre (à quelques rares exceptions) et que l'on a réfléchi sur un monde que l'on espère meilleur rend l'attente du public plus forte. Et je me suis interrogée sur ce point puisqu'il a été créé avant la crise sanitaire.
En tout cas, la manière dont les comédiens accueillent individuellement chaque spectateur nous place dans des conditions spécifiques de réception. J'ai entendu autour de moi chacun dire "on est content d'être au théâtre". De fait, et dans le respect des nouvelles contraintes on peut considérer que la jauge était totalement atteinte.
Présenté comme une "comédie engagée" Yourte est en constant aller-retour entre ces deux pôles que sont la dérision et le sérieux. J'ai regretté de ne pas avoir pensé à demander le texte de la pièce, car il mérite sans nul doute qu'on s'y attarde. D'autant qu'il me semble qu'assister à un spectacle masqué réduit un peu la capacité du spectateur à se concentrer pleinement sur tout ce qui se passe. Surtout quand la représentation prend des allures de spectacle immersif et participatif.
La vitalité de la troupe et un texte écrit avec vivacité selon un processus créatif qui a déjà fait ses preuves nous démontre que l'humanité n'est pas foutue. Et cela parce que l'altermondialisme n'est pas une utopie en revendiquant des valeurs de démocratie, de justice économique, de sauvegarde d l'environnement et des droits humains. La mondialisation n'est pas bannie mais on la veut maitrisée et surtout solidaire.
Le décor est modulable, composé d'assemblages, ce qui occasionne des manipulations invitant le public à assister en direct à son élaboration, parfois en mettant lui-même la main aux bambous. La diversité est un point important qui se traduit en sons et en lumières.
Cette évolution constante du décor est métaphorique des changements que notre monde connait (subit...) de façon incessante. Gabrielle Chalmont et Marie-Pierre Nalbandian qui ont écrit le texte, dans une langue claire et accessible, bien ancrée dans le monde d'aujourd'hui, nous posent donc la question de savoir si changer s'accompagne de trahison.
En tout cas des décisions devront être prises et comme chacun le sait, choisir c'est aussi renoncer.
Un spectacle à voir en ce moment à Paris au Théâtre 13 puis en tournée.
Yourte, comédie engagée
Texte Gabrielle Chalmont et Marie-Pierre Nalbandian
Mise en scène Gabrielle Chalmont
Compagnie Les mille Printemps (Nouvelle Aquitaine)
Avec Claire Bouanich (Gloria), Bastien Chevrot (Jonathan), Sarah Coulaud (Juliette), Louise Fafa (Hélène), Maud Martel (Sybille), Jeanne Ruff (Camille), Hugo Tejero (Maxime) et Benjamin Zana (Isaac)
Scénographie Lise Mazeaud, Création lumière Agathe Geffroy, Création musicale Balthazar Ruff
Du mardi 1er septembre au dimanche 27 septembre 2020
Du mardi au samedi à 20h - le dimanche à 16h
1h30 sans entracte - conseillé à partir de 10 ans
Rencontre avec Gabrielle Chalmont et Marie-Pierre Nalbandian et l'ensemble de l'équipe artistique le dimanche 13 septembre 2020 à l'issue de la représentation de 16h.
Théâtre 13 / Seine -30, rue du Chevaleret - 75013 Paris - 01 45 88 62 22
Photos (c) Chloé Guilhem
Tournée : 16 oct : Théâtre Raymond Devos, St-Rémy-les-Chevreuses | 18 nov : Le champ de foire à St-André de Cubezac |19 nov : Parthenay, association Ah | 20 nov : La Caravelle, Marchprime | 21 nov : Espace Simone Signoret, Canejean | 3 déc : Théâtre de Meaux | 19 mars : Le Cube, Douvres-la-Délivrande | 20 mars : Théâtre Charles Dullin, Grand Quevilly | 30 avril : Espace Treulon, Bruges | 19 juin : Parc des épis de vents, Théâtre de Fontenay-sous-Bois
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