Quel plaisir de lire la biographie d’une personne ordinaire. Fabienne Baron, hôtesse à Air France depuis 30 ans, et toujours en activité, n’est en effet ni une célébrité, ni une héroïne. Et pourtant, elle retrace avec vivacité et pétillance une vie (je n’ose écrire une carrière) passée en altitude, à exercer avec passion un métier qui n’a rien de folichon mais qu’elle qualifie de formidable (page 36). Elle s’est fait aider par le journaliste Serge Herbin pour mettre en forme ses souvenirs et le dit franchement.
Son Carnet de vol d'une hôtesse de l'air, annoncé comme un témoignage, commence très prosaïquement par l’aveu de deux traumatismes, un crash et une prise d'otages, qui ont bien failli lui gâcher définitivement le plaisir de voler.
C'est un peu curieux de démarrer par ces épisodes qu'elle n'a pas vécus en vol. Pas davantage que des retours d’expériences insolites de collègues comme les évacuations d'urgence ou une prise d'otages qu'elle n'a heureusement pas subies (p. 80 et 82). Ni les attentats des tours jumelles (le 11 septembre 2001) qui l'ont également marquée ... même si nous avons tous été sous le choc. On a le sentiment que la profession, malgré le maintien de l'uniforme, et des destinations qui font rêver, encore aujourd’hui, avec leurs escales découvertes souvent festives (même si le Covid a sans doute bien freiné leur nature), est un peu moins tentante après cet événement "qui a rendu envisageable, voire plausible, le risque de mourir dans un attentat (page 21) même si la sécurité a été considérablement renforcée depuis". Quitte à modifier le code d'entrée dans le cockpit quand un humoriste le révèle à la télévision, ce que fit Jean-Philippe Janssens dans une émission de Laurent Ruquier (p. 98).
Elle raconte avec honnêteté les à côtés de son métier et ses confidences, souvent insolites, suscitent la sympathie. Elle connaît le sujet sur le bout des ongles puisque, en parcourant plus de 12 millions de kilomètres, elle a fait plus de 300 fois le tour de la terre, à 10 000 mètres d’altitude. C’est donc une experte et elle mentionne aussi ce qui a changé au fil du temps, par exemple la préoccupation écologique en terme de pilotage.
Bien entendu on apprend plein de détails plus ou moins utiles à connaître et on se régale d’anecdotes accumulées en dix ans. On est étonné par tout ce qui peut se dérouler en plein vol, un accouchement comme un concert improvisé, un transfert policier sous escorte, ou encore un coup de foudre (p. 111). Des moments heureux comme des instants tragiques ou comiques.
Les chiffres sont impressionnants pour la néophyte que je suis : Air France compte 11 843 hôtesses ou stewards et il peut y avoir dans le "tube" (surnom de l'appareil) jusqu’à 22 employés sur l’Airbus A 380. Cet appareil compte 516 sièges sur 2 niveaux avec 5 niveaux de classe : première classe, business, la première économie et l’économie. Je n'en imaginais pas tant. Et pourtant j'ai voyagé à bord de cet avion pour me rendre au Mexique. C'est une anecdote personnelle mais étant considéré qu'il faut faire de l'exercice pour éviter le risque de thrombose, le plus grave en altitude (p. 199) j'aime particulièrement cet avion qui permet de longues déambulations et même de grimper un escalier.
Question santé, elle recommande en conséquence de boire un litre d’eau par tranche de 3 heures, ce qui est énorme pour un long courrier d’une douzaine d’heures. Elle rappelle que consommer de l’alcool n’est pas une bonne idée puisqu’il déshydrate, ce qui est d’autant plus gênant en vol que le sécheresse est un des inconvénients contre lequel il faut lutter, par exemple en usant (aussi) d’une crème hydratante. Le taux d'humidité en cabine est de 20% contre au moins 70% au sol (p. 120).
A l'atterrissage il est possible de lutter contre les douleurs des tympans en pratiquant la manoeuvre de Valsava, une méthode inventée par un médecin italien au XVII° siècle pour équilibrer la pression à l'intérieur des oreilles en soufflant très fort par le nez, bouche fermée et narines pincées (p. 213). Elle lui préfère la mastication de pâtes à mâcher tout en distribuant le rituel bonbon dur dont la succion fera déglutir abondamment.
J'ai été surprise qu'elle ne mentionne pas la technique des "écouteurs" qui m'a été enseignée par une de ses collègues et qui me sauve la mise à chaque fois, surtout sur les vols courts qui sollicitent davantage la membrane de mes tympans. Elle consiste à appliquer sur chaque oreille un gobelet contenant au fond deux serviettes en papier imbibées d'eau bouillante (on peut par sécurité emboiter un second gobelet pour préserver le conduit auditif d'une fausse manoeuvre et éviter tout risque de brûlure). La chaleur détend le tympan qui supporte les variations de pression et la douleur cesse par magie.
S'agissant des conseils, elle nous apprend qu’on ressent moins les turbulences à proximité des ailes, que l’achat d’un billet est moins onéreux un mardi ou un mercredi, que pour gagner du temps au moment de récupérer son bagage il vaut mieux avoir été parmi les derniers à enregistrer, sans parler de l’intérêt de se faire apposer une étiquette fragile sur notre valise.
Elle insiste sur quelques précautions comme surtout de ne pas mentionner son adresse sur l’étiquette extérieure de son bagage (qui donnerait une information précieuse à un potentiel cambrioleur). Qu'il est préférable de conserver ses papiers et CB sur soi car les larcins sont possibles la nuit dans les sacs entreposés dans les compartiments-bagages en cabine. Il sera judicieux de prévoir quelques vêtements de rechange au cas où sa valise serait égarée (car on ne la récupère jamais avant 48 heures) ou pour pallier un incident tel que le renversement d'un jus de tomate. Il est plus agréable de porter des vêtements souples pendant le vol. Et bien sûr on aura fait attention à la température probable à l’arrivée pour éviter toute surprise désagréable. Ma technique, dite de l’oignon, consiste à enfiler plusieurs couches de vêtements.
Pour ceux qui sont effrayés, elle décrit le déroulement d’un stage anti-peur qui peut s’avérer constituer un bon investissement (p. 207).
J'ai compris que l’équipage s’apparente à une grande famille dont le patriarche est le Commandant de bord, exerçant le pouvoir d’un maître et d’un dieu. Mais j'ignorais que le numéro 2 était le Chef de Cabine principal. Le secteur connait lui aussi une évolution favorable en terme de féminisation de l'encadrement. J'ai malgré tout envie de souligner que le vocabulaire distinguant l'hôtesse du steward reste discriminant puisque a traduction du terme anglais (intendant) est plus flatteuse. Leurs tâches à bord sont cependant totalement identiques, enfin me semble-t-il. Tous ont appris l’art d’afficher avec naturel un sourire inaltérable, et de saluer bras dans le dos, elle dit pourquoi (p. 39) et bien des professions gagneraient à faire de même.
Le briefing d’avant-vol, deux heures avant le décollage, permet d'envisager le vol dans de bonnes conditions. Il ne s'agirait pas de découvrir au dernier moment l'arrivée de voyageurs inhabituels comme (p. 89 et 90) Gérard Depardieu, Roselyne Bachelot, Manu Payet, Jean Lassalle, dont elle dit le plus grand bien. Elle relate par contre les grossièretés de Samy Naceri, prévenu par le Commandant qu'il serait débarqué dans l'aéroport le plus proche s'il ne cessait pas et de Jean-Luc Delarue qui finira le voyage menotté. Il seront tous les deux condamnés au tribunal correctionnel pour violences et injures (p. 98). L'accueil à bord est un moment crucial et rien n'échappe à l'oeil averti du PNC (personnel navigant commercial) et surtout pas ce qui sort de l'ordinaire.
Coté anecdotes, elle leur consacre un chapitre entier (le dixième) mais le texte en est évidemment émaillé. On comprend que tout peut se produire en vol, et elle déplore la montée des incivilités (p. 116) qu’il ne faudrait pas confondre avec le sifflement des africains (p. 179) pour héler l'hôtesse et qui est culturel. Les facéties des enfants-rois l’agacent (p.182) et la gestion des groupes d’enfants n'a plus de secret pour elle qui est aussi capable d’aller au secours d'un enfant humilié par ses camarades (p. 42). Elle démontre qu'elle est une femme au tempérament bien trempé. Une main de fer dans un gant de velours.
Cet article est susceptible d’être complété après l’entretien que je souhaite faire avec l’auteure.
Bien entendu on apprend plein de détails plus ou moins utiles à connaître et on se régale d’anecdotes accumulées en dix ans. On est étonné par tout ce qui peut se dérouler en plein vol, un accouchement comme un concert improvisé, un transfert policier sous escorte, ou encore un coup de foudre (p. 111). Des moments heureux comme des instants tragiques ou comiques.
Les chiffres sont impressionnants pour la néophyte que je suis : Air France compte 11 843 hôtesses ou stewards et il peut y avoir dans le "tube" (surnom de l'appareil) jusqu’à 22 employés sur l’Airbus A 380. Cet appareil compte 516 sièges sur 2 niveaux avec 5 niveaux de classe : première classe, business, la première économie et l’économie. Je n'en imaginais pas tant. Et pourtant j'ai voyagé à bord de cet avion pour me rendre au Mexique. C'est une anecdote personnelle mais étant considéré qu'il faut faire de l'exercice pour éviter le risque de thrombose, le plus grave en altitude (p. 199) j'aime particulièrement cet avion qui permet de longues déambulations et même de grimper un escalier.
Question santé, elle recommande en conséquence de boire un litre d’eau par tranche de 3 heures, ce qui est énorme pour un long courrier d’une douzaine d’heures. Elle rappelle que consommer de l’alcool n’est pas une bonne idée puisqu’il déshydrate, ce qui est d’autant plus gênant en vol que le sécheresse est un des inconvénients contre lequel il faut lutter, par exemple en usant (aussi) d’une crème hydratante. Le taux d'humidité en cabine est de 20% contre au moins 70% au sol (p. 120).
A l'atterrissage il est possible de lutter contre les douleurs des tympans en pratiquant la manoeuvre de Valsava, une méthode inventée par un médecin italien au XVII° siècle pour équilibrer la pression à l'intérieur des oreilles en soufflant très fort par le nez, bouche fermée et narines pincées (p. 213). Elle lui préfère la mastication de pâtes à mâcher tout en distribuant le rituel bonbon dur dont la succion fera déglutir abondamment.
J'ai été surprise qu'elle ne mentionne pas la technique des "écouteurs" qui m'a été enseignée par une de ses collègues et qui me sauve la mise à chaque fois, surtout sur les vols courts qui sollicitent davantage la membrane de mes tympans. Elle consiste à appliquer sur chaque oreille un gobelet contenant au fond deux serviettes en papier imbibées d'eau bouillante (on peut par sécurité emboiter un second gobelet pour préserver le conduit auditif d'une fausse manoeuvre et éviter tout risque de brûlure). La chaleur détend le tympan qui supporte les variations de pression et la douleur cesse par magie.
S'agissant des conseils, elle nous apprend qu’on ressent moins les turbulences à proximité des ailes, que l’achat d’un billet est moins onéreux un mardi ou un mercredi, que pour gagner du temps au moment de récupérer son bagage il vaut mieux avoir été parmi les derniers à enregistrer, sans parler de l’intérêt de se faire apposer une étiquette fragile sur notre valise.
Elle insiste sur quelques précautions comme surtout de ne pas mentionner son adresse sur l’étiquette extérieure de son bagage (qui donnerait une information précieuse à un potentiel cambrioleur). Qu'il est préférable de conserver ses papiers et CB sur soi car les larcins sont possibles la nuit dans les sacs entreposés dans les compartiments-bagages en cabine. Il sera judicieux de prévoir quelques vêtements de rechange au cas où sa valise serait égarée (car on ne la récupère jamais avant 48 heures) ou pour pallier un incident tel que le renversement d'un jus de tomate. Il est plus agréable de porter des vêtements souples pendant le vol. Et bien sûr on aura fait attention à la température probable à l’arrivée pour éviter toute surprise désagréable. Ma technique, dite de l’oignon, consiste à enfiler plusieurs couches de vêtements.
Pour ceux qui sont effrayés, elle décrit le déroulement d’un stage anti-peur qui peut s’avérer constituer un bon investissement (p. 207).
J'ai compris que l’équipage s’apparente à une grande famille dont le patriarche est le Commandant de bord, exerçant le pouvoir d’un maître et d’un dieu. Mais j'ignorais que le numéro 2 était le Chef de Cabine principal. Le secteur connait lui aussi une évolution favorable en terme de féminisation de l'encadrement. J'ai malgré tout envie de souligner que le vocabulaire distinguant l'hôtesse du steward reste discriminant puisque a traduction du terme anglais (intendant) est plus flatteuse. Leurs tâches à bord sont cependant totalement identiques, enfin me semble-t-il. Tous ont appris l’art d’afficher avec naturel un sourire inaltérable, et de saluer bras dans le dos, elle dit pourquoi (p. 39) et bien des professions gagneraient à faire de même.
Le briefing d’avant-vol, deux heures avant le décollage, permet d'envisager le vol dans de bonnes conditions. Il ne s'agirait pas de découvrir au dernier moment l'arrivée de voyageurs inhabituels comme (p. 89 et 90) Gérard Depardieu, Roselyne Bachelot, Manu Payet, Jean Lassalle, dont elle dit le plus grand bien. Elle relate par contre les grossièretés de Samy Naceri, prévenu par le Commandant qu'il serait débarqué dans l'aéroport le plus proche s'il ne cessait pas et de Jean-Luc Delarue qui finira le voyage menotté. Il seront tous les deux condamnés au tribunal correctionnel pour violences et injures (p. 98). L'accueil à bord est un moment crucial et rien n'échappe à l'oeil averti du PNC (personnel navigant commercial) et surtout pas ce qui sort de l'ordinaire.
Coté anecdotes, elle leur consacre un chapitre entier (le dixième) mais le texte en est évidemment émaillé. On comprend que tout peut se produire en vol, et elle déplore la montée des incivilités (p. 116) qu’il ne faudrait pas confondre avec le sifflement des africains (p. 179) pour héler l'hôtesse et qui est culturel. Les facéties des enfants-rois l’agacent (p.182) et la gestion des groupes d’enfants n'a plus de secret pour elle qui est aussi capable d’aller au secours d'un enfant humilié par ses camarades (p. 42). Elle démontre qu'elle est une femme au tempérament bien trempé. Une main de fer dans un gant de velours.
Cet article est susceptible d’être complété après l’entretien que je souhaite faire avec l’auteure.
Carnet de vol d'une hôtesse de l'air, de Fabienne Baron, avec Serge Herbin, chez City éditions, en librairie le 19 août 2020
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