La bande-annonce du film de Marc Fitoussi, Les Apparences, semblait révéler l'essentiel mais ne vous y fiez pas, vous aurez d'autres fortes surprises jusqu'à la dernière image.
C'est un thriller digne d'un polar qu'aurait pu écrire une auteure de la trempe de Patricia Highsmith. Il est l'adaptation d'un livre de Karin Alvtegen, une suédoise que la productrice Christine Gozlan a fait découvrir au réalisateur.
Le titre du roman, Trahie, était focalisée sur Eve (Karin Viard) alors que le film démontre qu'ils sont plusieurs à cacher un passé ... ou un présent. Marc Fitoussi a pris certaines libertés avec l'intrigue originale et on pourra donc lire le roman et éprouver de la surprise après avoir vu le film.
Henri est chef d’orchestre, Ève travaille à l’Institut français. Elle découvre qu’Henri la trompe avec Tina, l’institutrice de leur fils. Malheureuse, elle se console dans les bras de Jonas, rencontré dans un bar. Pour Ève, c’est la rencontre d’une nuit. Elle l'exprime clairement : "Parlons-nous mais ne parlons pas de nous". Mais Jonas n’entend pas la laisser partir...
Marc Fitoussi a déplacé l'action dans le milieu (relativement fermé) des expatriés vivant à Vienne (alors que le livre se situait à Stockholm) et le nom de code du projet fut longtemps "Valses de Vienne", caractérisant parfaitement la ronde des rapports entre tous les protagonistes. Chacun passe son temps à suivre les autres ou à être suivi. Les apparences, en effet, s’appliquent à chaque personnage, y compris les secondaires. Cet intitulé faisait aussi référence aux conséquences des actes des uns et des autres et montrait combien la trahison est plurielle mais qui aurait pu laisser supposer un film en costumes sur Johan Strauss et qui donc a été abandonné.
Il en subsiste néanmoins une trace à travers la scène de rue où l'on voit des musiciens habillés comme au XVIII°, un peu à l'instar du Rondò Veneziano sur lequel la belle-mère d'Henri, le chef d'orchestre brillamment interprété par Benjamin Biolay, suggère de prendre modèle pour égayer son anniversaire.
Dans cette communauté vivant en vase clos et où l'on est fier d'être soudés, Eve ne craint pas de dire qu'avec son mari Henri on est en quelque sorte leur boussole. L'affirmation fera vite sourire car s'ils parviennent à garder le cap et à faire longtemps illusion le spectateur voit vite combien ils perdent le Nord. Mais avant cela ils ont l'un et l'autre, chacun à leur manière, vécu sous un masque, Eve pour cacher sa détresse, Henri pour occulter son désamour.
Quand Eve découvre la tromperie elle préfère user de stratégie pour tenter de le récupérer que d'affronter la réalité. Très vite, c'est l'engrenage, une chose en entrainant une autre. Dans le roman, il y a déjà les envois de mails dénonciateurs mais la psychologie du personnage féminin était moins fouillée.
Internet est presque un personnage (comme l'est ce milieu d'expatriés et la ville de Vienne par ses cotés artificiels). C'est un outil familier qui permet de discuter par Skype en famille avec la grand-mère. C'est la messagerie de l'iPhone par laquelle Eve apprend la trahison. C'est l'ordinateur qui est le moyen d'assouvir sa vengeance. Ah comme la découverte du mot de passe de sa rivale est bien tournée !
Sont-ils coupables, ou du moins responsables, de tenir à ce point à maintenir les apparences, qu'elles soient conjugales, familiales, sociales, morales… ? On a le sentiment qu'il s'agit d'un ciment qui fédère toutes les pièces, même la vieille Madame Belin (collante mais délicieuse Evelyne Buyle) qui gentiment soutiendra Eve : Ne gâchez pas votre vie pour des imbéciles !
Karin Viard interprète à la perfection la douleur de la preuve quand aucun doute n’est possible. Le scénario pousse le spectateur à prendre son parti, en raison de sa position de femme trompée, même si elle n'est pas exempte de reproche à avoir un instant songé à séduire un jeune homme, Jonas, le seul Autrichien avec qui cette femme entre vraiment en contact dans un café qui a le drôle nom de Why not et qui, pour son malheur, est un fou furieux. On pourra penser qu'il incarne les aspects sombres de l’Autriche qui elle aussi vit sur des apparences. Vienne renvoie à de multiples univers, de Sissi à Lubitsch en passant par Haneke. C'est une ville d’apparat, célèbre pour sa musique, les valses et ses pâtisseries très riches. On voit d'ailleurs Eve commander régulièrement des gâteaux.
Plusieurs hommages sont perceptibles pour les cinéphiles, les inférences avec des films chabroliens comme le reconnait le réalisateur, à des classiques hitchcockiens (oh le regard noir d'Henri suivant Eve en voiture ...), à Buñuel qui filma la bourgeoisie, ou encore la robe couleur de lune que porte Eve dont le fils regarde en boucle Peau d'âne de Jacques Demy.
Sans comparer les rôles, puisque dans Les Apparences elle aime sincèrement et sans pathos son fils adoptif, Karin Viard démontre une fois de plus, après Les Chatouilles et surtout Chanson douce combien elle a sa place dans les rôles tragiques.
Le spectateur en sort abasourdi par tout ce qu'on peut faire pour ne pas perdre la face.
Les apparences de Marc Fitoussi
Scénario de Marc Fitoussi d'après Trahie de Karin Alvtegen, traduit par Maurice Étienne, Paris, Plon, 2005
Avec Karin Viard, Benjamin Bioley, Evelyne Buyle, Pascale Arbillot, Laetitia Dosch et Lucas Englander
Henri est chef d’orchestre, Ève travaille à l’Institut français. Elle découvre qu’Henri la trompe avec Tina, l’institutrice de leur fils. Malheureuse, elle se console dans les bras de Jonas, rencontré dans un bar. Pour Ève, c’est la rencontre d’une nuit. Elle l'exprime clairement : "Parlons-nous mais ne parlons pas de nous". Mais Jonas n’entend pas la laisser partir...
Marc Fitoussi a déplacé l'action dans le milieu (relativement fermé) des expatriés vivant à Vienne (alors que le livre se situait à Stockholm) et le nom de code du projet fut longtemps "Valses de Vienne", caractérisant parfaitement la ronde des rapports entre tous les protagonistes. Chacun passe son temps à suivre les autres ou à être suivi. Les apparences, en effet, s’appliquent à chaque personnage, y compris les secondaires. Cet intitulé faisait aussi référence aux conséquences des actes des uns et des autres et montrait combien la trahison est plurielle mais qui aurait pu laisser supposer un film en costumes sur Johan Strauss et qui donc a été abandonné.
Il en subsiste néanmoins une trace à travers la scène de rue où l'on voit des musiciens habillés comme au XVIII°, un peu à l'instar du Rondò Veneziano sur lequel la belle-mère d'Henri, le chef d'orchestre brillamment interprété par Benjamin Biolay, suggère de prendre modèle pour égayer son anniversaire.
Dans cette communauté vivant en vase clos et où l'on est fier d'être soudés, Eve ne craint pas de dire qu'avec son mari Henri on est en quelque sorte leur boussole. L'affirmation fera vite sourire car s'ils parviennent à garder le cap et à faire longtemps illusion le spectateur voit vite combien ils perdent le Nord. Mais avant cela ils ont l'un et l'autre, chacun à leur manière, vécu sous un masque, Eve pour cacher sa détresse, Henri pour occulter son désamour.
Quand Eve découvre la tromperie elle préfère user de stratégie pour tenter de le récupérer que d'affronter la réalité. Très vite, c'est l'engrenage, une chose en entrainant une autre. Dans le roman, il y a déjà les envois de mails dénonciateurs mais la psychologie du personnage féminin était moins fouillée.
Internet est presque un personnage (comme l'est ce milieu d'expatriés et la ville de Vienne par ses cotés artificiels). C'est un outil familier qui permet de discuter par Skype en famille avec la grand-mère. C'est la messagerie de l'iPhone par laquelle Eve apprend la trahison. C'est l'ordinateur qui est le moyen d'assouvir sa vengeance. Ah comme la découverte du mot de passe de sa rivale est bien tournée !
Sont-ils coupables, ou du moins responsables, de tenir à ce point à maintenir les apparences, qu'elles soient conjugales, familiales, sociales, morales… ? On a le sentiment qu'il s'agit d'un ciment qui fédère toutes les pièces, même la vieille Madame Belin (collante mais délicieuse Evelyne Buyle) qui gentiment soutiendra Eve : Ne gâchez pas votre vie pour des imbéciles !
Karin Viard interprète à la perfection la douleur de la preuve quand aucun doute n’est possible. Le scénario pousse le spectateur à prendre son parti, en raison de sa position de femme trompée, même si elle n'est pas exempte de reproche à avoir un instant songé à séduire un jeune homme, Jonas, le seul Autrichien avec qui cette femme entre vraiment en contact dans un café qui a le drôle nom de Why not et qui, pour son malheur, est un fou furieux. On pourra penser qu'il incarne les aspects sombres de l’Autriche qui elle aussi vit sur des apparences. Vienne renvoie à de multiples univers, de Sissi à Lubitsch en passant par Haneke. C'est une ville d’apparat, célèbre pour sa musique, les valses et ses pâtisseries très riches. On voit d'ailleurs Eve commander régulièrement des gâteaux.
Plusieurs hommages sont perceptibles pour les cinéphiles, les inférences avec des films chabroliens comme le reconnait le réalisateur, à des classiques hitchcockiens (oh le regard noir d'Henri suivant Eve en voiture ...), à Buñuel qui filma la bourgeoisie, ou encore la robe couleur de lune que porte Eve dont le fils regarde en boucle Peau d'âne de Jacques Demy.
Sans comparer les rôles, puisque dans Les Apparences elle aime sincèrement et sans pathos son fils adoptif, Karin Viard démontre une fois de plus, après Les Chatouilles et surtout Chanson douce combien elle a sa place dans les rôles tragiques.
Le spectateur en sort abasourdi par tout ce qu'on peut faire pour ne pas perdre la face.
Les apparences de Marc Fitoussi
Scénario de Marc Fitoussi d'après Trahie de Karin Alvtegen, traduit par Maurice Étienne, Paris, Plon, 2005
Avec Karin Viard, Benjamin Bioley, Evelyne Buyle, Pascale Arbillot, Laetitia Dosch et Lucas Englander
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire