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jeudi 29 octobre 2009

Bretagne en autochromes au Musée Albert Kahn

Depuis le 20 octobre et jusqu'au 4 juillet 1910 on peut se livrer à un tourisme historique fort émouvant en visitant l'exposition que le Musée Albert Kahn de Boulogne-Billancourt (92) consacre cette année à la Bretagne.

Albert Kahn était banquier et idéaliste. Convaincu que la connaissance des cultures encourage le respect mutuel entre les peuples il a eu l'idée de créer une mémoire iconographique du monde. Entreprise insensée pour l'époque, il a envoyé, de 1909 à 1931, des équipes dans une soixantaine de pays pour réaliser des campagnes de prises de vues. Comme quoi Google earth n'a rien inventé ...

Sans le krach boursier de 1929 il aurait fait plus encore. Mais ce sont tout de même 72 000 plaques autochromes -premier fonds au monde- dont nous disposons grâce à lui, sous l'appellation d'Archives de la Planète. Ces petites plaques de verre de 9 x 12 cm sont conservées à Boulogne avec le soutien du Conseil général des Hauts-de-Seine dans un joli musée, serti dans des jardins extraordinaires, mais ce n'est pas le propos du billet d'aujourd'hui.

La société Lumière commercialise à partir de juin 1907 le premier procédé industriel de photographie couleur sous le nom de plaque autochrome. Imaginez la révolution que va représenter la possibilité de conserver des clichés de la réalité, même s'ils peuvent être assimilés à des œuvres d'art ! Car jusque là les seuls témoignages du passé qui étaient transmis en couleur étaient des peintures ou des gravures.

Ce qui est troublant c'est que le regard du photographe sur les paysages et les habitants est proche de celui d'un anthropologue. Nous ne sommes pas habitués à cela pour ce qui concerne nos proches ancêtres. Et c'est un voyage à travers notre propre temps auquel cette exposition nous invite.

Les groupes d'enfants, filles bien séparées des garçons ; les femmes en costume d'apparat, posant de face, puis de dos ; les maisons traditionnelles avec au premier plan les tas de bois et en arrière-plan d'autres demeures préfigurant les nouvelles normes d'habitat ; les bords de mer qui ne sont pas encore des plages ; les cuirassiers côtoyant les bateaux de pêche ; les pèlerinages ; le recueillement dans les églises ... autant de tranches de vie saisies sur le vif, épinglées comme d'éphémères papillons. Parce que tout ce monde et le mode de vie correspondant ont disparu ... ainsi que le pressentait le visionnaire Albert Kahn. Et puis aussi les premières affiches publicitaires pour les compagnies de chemin de fer, faisant fi de la réalité pour exalter le rêve.

La qualité des couleurs est absolument fantastique. Difficile de croire que les clichés ont près d'un siècle. Bien entendu je n'ai retouché aucune des photos que j'ai prises dans l'exposition. Je vous les livre telles que vous pourrez les voir sur place. J'aurais pu en prendre davantage mais je ne cherchais qu'à vous inciter à juger sur place. Si quelques photos de groupe sont légèrement floues c'est parce que le temps de pose était de plusieurs secondes, ce qui était difficile à supporter dans l'immobilité pour certains sujets. Mais c'est une raison supplémentaire de leur trouver du charme.

Prise par Georges Chevalier le 9 août 1920 : un groupe de petites filles à Lannion (Cotes d'Armor)

Prise par Georges Chevalier le 9 mars 1920 : une Bretonne lavant son linge sur les bords de l'Odet, à Quimper (Finistère)
Prise par Georges Chevalier le 23 avril 1924 : Madame Caudal en costume d'Auray, vue de dos, à Port Navalo (Morbihan)
Prise par Georges Chevalier le 6 avril 1920 : le départ pour la pêche de M. Masson fils avec son équipe de marins pêcheurs, à Roscoff (Finistère). Les filets font corps avec les hommes. L'équipage est nombreux, preuve que la main d'œuvre abonde. On remarquera que le groupe embarque sur une annexe pour aller rejoindre le bateau de pêche. Le jeune garçon (troisième à partir de la droite) porte un vêtement de travail moderne. La vareuse vient d'être inventée spécialement pour les pêcheurs, sans aucun bouton où s'accrocherait malencontreusement un filet (il est si lourd quand on le remonte plein de poissons qu'il pourrait faire basculer un homme à la mer), à enfiler par la tête.
Prise par Roger Dumas entre le 14 et le 21 juillet 1929 : le reposoir de St Telo à la Grande Troménie, à Locroman (Finistère). Un assemblage de végétaux christianisés dédiés au Saint côtoie statuette et reliquaire posés sur la table. Le religieux est en accord avec le civil dont la clochette rappellera aux pèlerins de donner de l'argent. La Grande Troménie avait lieu tous les six ans et elle était constituée d'une dizaine de reposoirs.

Le Musée comporte aussi une salle de recherche qui a le nom prometteur de FAKIR. Tout y est classé par pays. On peut y voir des clichés exotiques comme des vues parisiennes :
Prise par Stéphane Passet en 1914 : la Porte Saint-Denis à Paris
Prise par Georges Chevalier en 1926 : l'entrée de la Médina par la porte Bou Jloud à Fès (Maroc)

Musée et Jardins Albert Kahn - 10/14 rue du Port - 92100 Boulogne-Billancourt Tel : 01 55 19 28 00 http://www.albert-kahn.fr jusqu'au 4 juillet 2010

2 commentaires:

MMN a dit…

Bravo Marie-Claire... tu me donnes vraiment envie d'aller voir cette expo. Quel dommage de ne pas avoir pu le faire avec toi!

Marie-Claire Poirier a dit…

Comme je le répondais à une lectrice sur l'article d'avant-hier : les photos sont exposées en grand format, ce qui les rend encore plus surprenantes.
D'ici le 4 juillet tu auras bien une occasion d'y aller ... avec en prime la visite des jardins (car ils sont plusieurs) absolument formidables à ce qu'on appelle la belle saison.

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