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vendredi 10 août 2012

Le musée de plein air des Maisons comtoises de Nancray (1ère partie)

Il n'est pas unique en son genre. Ils sont au nombre de 4, ce qui n'est pas énorme. Et il faut rendre hommage à la ténacité de l'abbé Garneret dont l'énergie et l'amour de sa région a permis de rassembler une trentaine d'édifices représentatifs de la diversité architecturale de toute la Franche-Comté sur une quinzaine d'hectares.

Sa spécificité tient à son authenticité car très vite on oublie qu'on se trouve dans un musée tant il y a d'espace entre les bâtiments. Chacun a été déplacé pierre par pierre et a été restauré pour être ensuite remeublé. Les intérieurs semblent être restés "dans leur jus" tant les reconstitutions sont minutieuses et réussies grâce à des dons de particuliers. Beaucoup d'animateurs compétents font revivre l'artisanat local tout au long de la journée. Et tout autour, les plantes ont poussé, recréant l'environnement paysager dans lequel ces maisons se trouvaient au XVII°, XVIII et XIX° siècles.

Je vous emmène avec au choix, soit la lecture des photos commentées, soit directement le diaporama en cliquant sur le premier cliché pour faire défiler les autres. C'est parti pour sans doute le billet le plus abondamment illustré ... par une bonne dizaine de douzaines de clichés (qui finalement a été scindé en deux parties). Vous allez faire un bond en arrière d'au moins un siècle ! J'ai suivi le sens de visite préconisé par le plan qui regroupe les habitations en sept régions, mais on pourrait aussi déambuler en se laissant porter par le relief et les points de vue.
La borne de la ville porte d'un côté les armes d'Ornans (où je vous enmènerai lundi prochain, 13 août) et de l'autre la mention de la date, 1739 CH.
Voici un trio de fermes provenant du Sundgau belfortain où on reconnait l'influence de l'Alsace voisine.
La ferme de Boron a été habitée jusqu'en 1954, et il faut faire un effort d'imagination pour se rappeler que l'on y cuisinait dans une pièce dépourvue d'évier. On y voit par exemple un intéressant saloir, comparable à celui qu'utilisait ma grand-mère, et un drôle de hachoir au premier plan, qui servait à découper le chou pour la choucroute.
Les chambres sont ici dédiées à la jeune accouchée, ou au malade. Les béquilles sont assurément "d'époque", comme tout le reste.
La pièce dite "d'apparat" est réservée aux dimanches. Elle est munie d'un gros fourneau de fonte alimenté depuis la cuisine. On remarque, comme dans toutes les maisons, de multiples signes de piété. Devant la fenêtre, la machine à coudre témoigne de la fréquente double activité paysanne, aussi bien pour les femmes, qui faisaient souvent des bas, que pour les hommes qui fabriquaient des fourches et râteaux.
 Le matériel est rangé dans la grange attenante.
La seconde a été construite en 1770. Sa cuisine dallée de briques est dotée d'un four à pain (on verra souvent cependant que les fours sont construits à l'extérieur, là encore pour des raisons de sécurité par rapport au risque des incendies). On cuisait le pain tous les 10 jours, avec les gâteaux de pommes de terre et des pâtisseries comme les biscuits de Savoie.
La pièce principale fait office de salle à manger, de chambre et d'atelier. C'est du chanvre qui est au premier plan, attendri par un outil qui s'appelle "le braque". Un échantillon de brassières et vêtements d'enfants est exposé à coté de berceaux et de petits meubles de puériculture.
Le toit de la troisième demeure est dépourvu de cheminée extérieure. Le conduit débouchait dans le grenier où la fumée stagnait avant de s'échapper par les tuiles et les fenêtres latérales. La méthode isole du froid, détruit les insectes et autorise la conservation des fruits et des légumes, et bien entendu celle de la viande qui y est mise à sécher. 
Son ossature est en bois et torchis, sans chéneaux, si bien que l'eau de pluie ruisselle sur un premier toit, est amortie par le second, avant d'arroser directement les iris et les arums du jardinet.
On mange dans "le poêle", qu'on appelle encore "chambre" ou "Stube", selon le dialecte alsacien.
Remarquez comme le bébé était soigneusement "ficelé" dans son berceau. Aucune crainte d'accident avec un basculement intempestif.
Des volailles de Bresse picorent dans les allées et les jardins, comme autrefois. On remarquera régulièrement la présence d'animaux rares ou en voie d'extinction comme des vaches montbéliardes, des chevaux comtois, plusieurs ânes, des moutons noirs ...
Des jardins sont entretenus près de chaque maison pour témoigner des spécificités observées dans les régions. Des plantes teintoriales aux abords de l'atelier du tisserand, des jardins nourriciers ailleurs, sans oublier le jardin des simples, pour se soigner, ou avec des plantes redoutables pour qui veut pratiquer la sorcellerie.

On aperçoit au lointain la ferme de la Proiselière très représentative de l'architecture des Vosges saônoises. Mais nous nous y rendrons plus tard, au début de la seconde partie du reportage.
Une croix de mission annonce le territoire de la montagne et du Haut Doubs. Elle se trouvait à 600 mètres d'altitude dans une campagne où l'on oeuvrait toujours pour renforcer la pratique religieuse.
Nous dépassons un grenier, situé comme il se doit à distance des maisons, pour se trouver  en cas de besoin à l'abri des flammes ou des infiltrations d'eau. En général en bois, naturellement ventilé, on y conservait les semences, les grains, les confitures, les eaux de vie, le lard salé, les pains de sucre, la balance, les cloches ... la garde-robe familiale, et les papiers importants, eux-mêmes dans un meuble avec serrure. Quatre greniers ponctuent les différents espaces du musée.
Majestueuse, la ferme des Arces-de-Morteau, initialement implantée à 980 mètres d'altitude, avec son tuyé pyramidal qui crève la charpente a une base en pierres, enterrée coté nord, ce qui fait que la partie grenier est accessible en charrette. Il est consacré aux activités de détente sur la neige, ou de transports. Il renferme d'imposants traîneaux. le toit est à faible pente pour que la neige s'accumule et joue son rôle d'isolant thermique. l'eau du toit est récupérée dans des futs d'épicéa.
Les "tuiles" sont des tavaillons posés de manière à assurer une épaisseur de quatre couches. les parois de la grange sont en planches de sapin épaisses de 2 cm, larges de 25-30, dispoées en lambréchure, de manière à laisser passer l'air pour garantir une bonne ventilation au fourrage.

Le tuyé était à la fois un moyen de chauffage et un fumoir à viande. 
La chambre en alcôve est douillette, avec un sommier en planches, un matelas en paillettes d'avoine ou d'orge avec tête surélevée, draps de lin, édredon de plumes.
Une importante activité de fixé sous verre permettait de produire des images pieuses en série, alors que la photocopieuse n'était pas inventée, pas davantage que la photographie d'ailleurs.
 Repartons en face ...

Le rucher de Vaufrey a été utilisé jusqu'en 1965. Composé de 20 ruches de type suisse, il était "habité" par l'abeille noire, qui est une espèce locale.

Le fort enneigement du Haut Doubs était propice à l'artisanat comme l'horlogerie et le travail lapidaire. On y a par ailleurs développé un système d'entraide coopérative avec les fruitières qui, probablement dès le XIII° siècle ont été conçues comme leur nom l'indique signifie la mise en commun du "fruit" du travail, et en particulier des récoltes de lait pour produire des fromages de garde, de grande taille, à pâte pressée. Ce sont des fromagers suisses, quittant leur pays vers 1650, qui ont transmis leur "secret" à nos paysans, à savoir l'emploi de la caillette de veau pour emprésurer le lait. Actuellement les producteurs ne connaissent pas la crise. La demande de comté est supérieure aux possibilités. Mais dans les années 1880 l'économie locale a souffert de la concurrence des fromages suisses, alors moins chers.
C'est la fruitière de la Chaux de Gilley qui a été rebâtie ici. 
Tout le nécessaire est reconstitué et même si l'affinage se pratique à petite échelle (sans comparaison avec le Fort Saint-Antoine que je vous ai fait visiter hier) on comprend parfaitement le processus de fabrication.
A l'étage la chambre du fromager rappelle les qualités nécessaires à l'exercice de la profession.
Il fallait une maison forestière. C'est celle de Villeneuve d'Amont, habitée de 1838 à 1973 qui a été remontée un peu plus loin et dont le jardin est planté de myrtilliers d'une taille qui n'a rien à envier à des cassissiers.
Plus tard on traversera le jardin des simples, dernière étape caractéristique du Haut Doubs, qui entoure la Buvette de Montbenoit. On y reconnait la reine des prés, la tanaisie, le bouillon blanc, l'absinthe ... comme aussi la nigelle et la bourrache.
On poursuit dans la montagne du Haut-Jura avec la ferme des Bouchoux, rebâtie avec son fournil, un peu à l'écart comme de coutume.
La date de construction est apparente au-desus de la porte, presque cachée par la toiture qui peut descendre jusqu'au sol sur les façades exposées au vent.
L'arrière de la maison est munie d'un puits à balancier, ou goya, assez étonnant. Il faut savoir qu'elle était installée à près de 1000 mètres d'altitude. 
Ici on fabriquait des fromages de type Bleu de Gex. Et dans la chambre on a travaillé le rubis à la fin du XIX° siècle comme en atteste le matériel installé dans l'habitation.

Car dans ce Haut Jura où le climat est encore plus rude, les paysans partaient l'hiver louer leurs bras ailleurs. Ils allaient peigner le chanvre en Alsace de septembre à Noël. Ils travaillaient dans la lunetterie, la clouterie ou les pierres, précieuses ... ou moins.
Sur un des lits une "tête de moine" pour chauffer l'intérieur du couchage et se glisser sur un matelas confortable.

On a une petite trotte pour atteindre cette ferme ... (suite dans le billet suivant car cet article a atteint la limite de stockage autorisé)
Il faut savoir aussi que de multiples activités et journées à thème sont organisées dans ce lieu qui est toujours très vivant. Pour consulter le programme, aller visiter le site.

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