En général j'approuve celui qui me fait réfléchir, surtout s'il m'incite à bien agir, celui qui me distrait, surtout s'il me fait rire, celui qui m'emporte, surtout si le style est particulier.
Et s'il dégage en plus un supplément d'âme, il accède alors à la catégorie "coup de coeur" et sera blogué, facebooké, peut-être instagramé, quoique je fasse rarement les trois.
La chaleur ne rentre dans aucune de ces catégories et pourtant il m'apparait sans contestation possible comme "bon". C'est le premier roman de Victor Jestin.
Attention, je ne dis absolument pas que Victor Jestin ait pu s’inspirer de Françoise Sagan pour écrire son livre et j’ignore totalement si ma perception est unique ou partagée par d’autres lecteurs. Je n’ai rien lu de ce qui a pu être écrit à propos de ce livre mais il me fait extrêmement penser à Bonjour tristesse. Parce que les deux auteurs l’ont écrit dans leur jeunesse. Avec brièveté et intensité. Parce que ça se passe en été. Parce qu’il y a une mort accidentelle dans laquelle le personnage principal est impliqué. Parce que tous deux sont remarqués par la critique et annoncent de grands auteurs.
On vit avec Léonard et ses copains, qui ne sont pas vraiment ses amis. Dans un camping, loin du comique du film éponyme et loin d’Arcachon puisqu’on est prévenu que les baïnes peuvent vous emporter en un rien de temps, quelque part en bordure des Landes, sans doute Capbreton mais la plage n’est pas citée.
Léonard est un jeune homme perturbé par la chaleur et ses hormones. Il a un objectif, normal pour un garçon de son âge, faire l’amour avec une fille dont il serait (aussi) amoureux, intention qui se trouve être (aussi) l’idée de plusieurs autres de ses amis et l'idée-fixe de ses parents qui, à de nombreuses reprises, tentent de lui faire dire qu’il a une copine.
On vit avec Léonard et ses copains, qui ne sont pas vraiment ses amis. Dans un camping, loin du comique du film éponyme et loin d’Arcachon puisqu’on est prévenu que les baïnes peuvent vous emporter en un rien de temps, quelque part en bordure des Landes, sans doute Capbreton mais la plage n’est pas citée.
Léonard est un jeune homme perturbé par la chaleur et ses hormones. Il a un objectif, normal pour un garçon de son âge, faire l’amour avec une fille dont il serait (aussi) amoureux, intention qui se trouve être (aussi) l’idée de plusieurs autres de ses amis et l'idée-fixe de ses parents qui, à de nombreuses reprises, tentent de lui faire dire qu’il a une copine.
Il y a ce mec déguisé en lapin qui exhorte chacun à s'amuser. Il y a ces corps ivres de chaleur. Louis hurlant qu'il veut baiser, s'épuisant à faire défiler les profils sur Tinder. Il y a aussi Zoé, Luce, et ... le cadavre d’Oscar à la mort duquel Léonard a assisté sans porter assistance. C’était ça, la vraie bêtise. J’avais consacré ma nuit à enterrer un mort (page 30). Les phrases sont brèves, sèches, ... terribles.
Alors qu’il se trouve à coté de la mère d’Oscar : J’étais venu pour tout dire mais je ne savais pas comment commencer, rien qu’ouvrir la bouche m’était difficile (page 31). Cette femme, Claire, bienveillante, qui lui suggère : profitez-en, c’est vos meilleures années (page 32).
Il plaidera auprès du lecteur que son égarement l'a conduit à assister à cette scène de suicide sans qu'il puisse venir en aide à son camarade, ce qui est bien entendu inacceptable (tout autant que l'acte de Frank dans le film Ceux qui travaillent sorti au cinéma presque simultanément) et il est un peu facile de se débarrasser de la culpabilité en la déplaçant ainsi : C’était à cause de ça, je le savais, que rien allait pour moi. C’était en l’absence d’une fille qui m’aime que je m’étais égaré, cette nuit-là, dans les allées… (page 97).
Et puis il y aura cette fille dont la rencontre aurait pu être rédemptrice mais qui finalement précipitera Léonard un cran plus bas (page 80) : Elle (Luce) ne m'aime plus. J'ai mis l'éternité dans deux heures qui n'étaient rien pour elle, elle est partie laver son linge. (...) Il fallait l'admettre : j'étais une petite girouette dans son vent, mon coeur valdinguait au gré de ses regards. Pourquoi l'avoir choisie, elle, cette fille qui me trimballait comme un chien ?
Le livre est très dialogué, et pourtant on y est complètement, à tel point que le film se déroule sous nos yeux impuissants et on finit par estimer plausible d'être "empêché d'intervenir".
J'ai essayé de réfléchir à ce que j'avais faite de ressentir un peu les choses. Mais mes yeux se fermaient. Je vacillais vers la mer (page 16).
Nos sens sont constamment sollicités, Victor Jestin décrit parfaitement cette atmosphère étouffante, irrespirable, oppressante de la chaleur. Un chien, devenu fou, a mordu un type sur la plage. On apprendra d’ailleurs que l’action se situe ce fameux été responsable de centaines de morts.
Il sollicite aussi beaucoup notre sens olfactif. Et nos oreilles. Le jeune homme est passionné de musique. Ses camarades observent que lorsqu’il en parle ses yeux changent, on a l’impression que tout va mieux (page 88). De nombreuses références musicales ponctuent l’ouvrage. Je ne lui reprocherai que l’absence de playlist et de crédits musique. On devine les citations des chansons parce qu’elles figurent en italiques, en général en anglais.
J'ai découvert aussi des musiques que je ne connaissais pas du tout comme La danse de la corde à sauter (page 53) de Moussier Tombola (Album : Le retour du dernier de la classe - 2012).
On croit que l'histoire s'achève quand chacun dit Au–revoir–les–Landes ! ( page 136) mais le roman n’est pas fini. L’histoire bifurque dix kilomètres plus loin et se fracasse dans la musique assourdissante de Rhythm Of the Night de Corona.
J'ai refermé le livre en me disant que le petit frère s'en tirait mieux que le grand.
Enfin j'ajouterai que Victor Jestin a été récompensé par la Fondation Marcel Bleustein-Blanchet le 24 septembre dernier, ainsi que Flora Souchier pour Sortie de route, un recueil qui sera prochainement édité au Cheyne puisque depuis 2002, cet éditeur publie le lauréat du Prix de poésie de la Vocation. La remise du Prix a eu lieu sur les terrasses de Publicis.
Victor Jestin est diplômé du Conservatoire européen d'écriture audiovisuelle (Ceea) depuis 2017. Il a passé son enfance à Nantes où il est né en 1994 et vit aujourd’hui à Paris. Son roman reste en lice pour le Renaudot et le Médicis.
Alors qu’il se trouve à coté de la mère d’Oscar : J’étais venu pour tout dire mais je ne savais pas comment commencer, rien qu’ouvrir la bouche m’était difficile (page 31). Cette femme, Claire, bienveillante, qui lui suggère : profitez-en, c’est vos meilleures années (page 32).
Il plaidera auprès du lecteur que son égarement l'a conduit à assister à cette scène de suicide sans qu'il puisse venir en aide à son camarade, ce qui est bien entendu inacceptable (tout autant que l'acte de Frank dans le film Ceux qui travaillent sorti au cinéma presque simultanément) et il est un peu facile de se débarrasser de la culpabilité en la déplaçant ainsi : C’était à cause de ça, je le savais, que rien allait pour moi. C’était en l’absence d’une fille qui m’aime que je m’étais égaré, cette nuit-là, dans les allées… (page 97).
Et puis il y aura cette fille dont la rencontre aurait pu être rédemptrice mais qui finalement précipitera Léonard un cran plus bas (page 80) : Elle (Luce) ne m'aime plus. J'ai mis l'éternité dans deux heures qui n'étaient rien pour elle, elle est partie laver son linge. (...) Il fallait l'admettre : j'étais une petite girouette dans son vent, mon coeur valdinguait au gré de ses regards. Pourquoi l'avoir choisie, elle, cette fille qui me trimballait comme un chien ?
Le livre est très dialogué, et pourtant on y est complètement, à tel point que le film se déroule sous nos yeux impuissants et on finit par estimer plausible d'être "empêché d'intervenir".
J'ai essayé de réfléchir à ce que j'avais faite de ressentir un peu les choses. Mais mes yeux se fermaient. Je vacillais vers la mer (page 16).
Nos sens sont constamment sollicités, Victor Jestin décrit parfaitement cette atmosphère étouffante, irrespirable, oppressante de la chaleur. Un chien, devenu fou, a mordu un type sur la plage. On apprendra d’ailleurs que l’action se situe ce fameux été responsable de centaines de morts.
Il sollicite aussi beaucoup notre sens olfactif. Et nos oreilles. Le jeune homme est passionné de musique. Ses camarades observent que lorsqu’il en parle ses yeux changent, on a l’impression que tout va mieux (page 88). De nombreuses références musicales ponctuent l’ouvrage. Je ne lui reprocherai que l’absence de playlist et de crédits musique. On devine les citations des chansons parce qu’elles figurent en italiques, en général en anglais.
Léonard a repéré (page 27) "vingt-cinq chansons qui tournaient en boucle, comme au supermarché". Et je me suis surprise à écouter beaucoup de titres dont j'avais oublié combien ils avaient marqué notre époque. Comme le si célèbre Despacito de Luis Fonsi (Page 61) repris plus tard par Shakira, et qui évidemment lance la partie de "hot colin-maillard". Il suffit de traduire les paroles pour approuver : Des-pa-cito (Doucement) : Quiero desnudarte a besos despacito (Je veux lentement te déshabiller de mes baisers).
J'ai découvert aussi des musiques que je ne connaissais pas du tout comme La danse de la corde à sauter (page 53) de Moussier Tombola (Album : Le retour du dernier de la classe - 2012).
On croit que l'histoire s'achève quand chacun dit Au–revoir–les–Landes ! ( page 136) mais le roman n’est pas fini. L’histoire bifurque dix kilomètres plus loin et se fracasse dans la musique assourdissante de Rhythm Of the Night de Corona.
J'ai refermé le livre en me disant que le petit frère s'en tirait mieux que le grand.
Enfin j'ajouterai que Victor Jestin a été récompensé par la Fondation Marcel Bleustein-Blanchet le 24 septembre dernier, ainsi que Flora Souchier pour Sortie de route, un recueil qui sera prochainement édité au Cheyne puisque depuis 2002, cet éditeur publie le lauréat du Prix de poésie de la Vocation. La remise du Prix a eu lieu sur les terrasses de Publicis.
Victor Jestin est diplômé du Conservatoire européen d'écriture audiovisuelle (Ceea) depuis 2017. Il a passé son enfance à Nantes où il est né en 1994 et vit aujourd’hui à Paris. Son roman reste en lice pour le Renaudot et le Médicis.
La chaleur de Victor Jestin, Flammarion, en librairie depuis le 28 août 2019
Prix littéraire de la Vocation, Sélection des 68 premières fois
Prix Fémina des Lycéens 2019
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