J'ignorais ce château de l'Islette et pourtant je croyais bien connaitre bien les châteaux de la Loire.
Le roman de Géraldine Jeffroy est bref (ce n'est pas un défaut), polyphonique et très agréable à lire.
La voix principale d'Eugénie, préceptrice de la pétillante Marguerite alterne avec les courriers (sont-ce de vrais échanges épistolaires ? Ils se sont vraisemblablement rencontrés en 1891, chez Mallarmé, ont été amis quelques années avant de se perdre de vue. Les pages de la correspondance entre Claude Debussy et Camille Claudel constituent un joli prétexte à raconter la genèse de L'après-midi d'un faune. Selon Boulez ce morceau ouvrit les portes de la musique moderne.
L'idée d'une correspondance entre eux est séduisante car il y a de nombreux points communs entre les deux artistes qui semblent complémentaires. On entreverra aussi Verlaine, Wagner, Mallarmé, Satie.
J'aurais peut-être placé au début, en guise d'avertissement, la très intéressante note qui se trouve à la fin. Car même si quelques indices suggèrent que le personnage principal est Camille Claudel je n'étais pas certaine d'avoir bien compris et j'ai relu le début après avoir terminé le roman.
S'il est attesté qu'Auguste Rodin et Camille Claudel sont venus plusieurs fois au château de l'Islette, leurs séjours n'ont pas toujours été concomitants. Il serait presque certain que Camille ait avorté. Le bruit a couru qu'elle aurait eu deux garçons de Rodin, dont elle se serait séparés. Et l'auteure s'interroge sur quels adultes ils sont devenus... même si son livre est un roman.
On apprend que toute l'histoire a été expédiée le 7 mars 1916 au soldat Camille Farnoux du 232 ème RI, alors basé en Lorraine. L'enseigne des parents d'Eugénie s'appelle Farnoux et il est donc facile de supputer qu'elle en est la mère. Le terme de "confession" m'a étonnée en dernière page d'abord car le geste d'Eugénie a été magnifique et ne mérite pas qu'elle sollicite quasiment un pardon. Je n'ai pas compris pourquoi il manquerait peut-être les derniers feuillets. Et bien entendu le fait que la lettre n'ait pas trouvé son destinataire signifie que celui ci est très probablement décédé pendant la guerre, alors qu'il n'avait que 24 ans, puisqu'il est né en 1892. Il n'y a donc aucune confession, mais plutôt la levée d'un secret. Et on aura remarqué qu'il porte le prénom de sa mère.
Rodin, dont Camille est consciente qu'il pourrait lui "voler son temps et son énergie" (p. 79) est présenté comme un ogre. L'auteure prend parti : Dès cette première rencontre je sus qu'il me serait difficile d'apprécier tout à fait cet homme. Quant à elle et ce qu'elle fut pour moi : un éblouissement (p.17). Le caractère impétueux de Rodin n'est pas une surprise. Il est de notoriété publique.
La voix principale d'Eugénie, préceptrice de la pétillante Marguerite alterne avec les courriers (sont-ce de vrais échanges épistolaires ? Ils se sont vraisemblablement rencontrés en 1891, chez Mallarmé, ont été amis quelques années avant de se perdre de vue. Les pages de la correspondance entre Claude Debussy et Camille Claudel constituent un joli prétexte à raconter la genèse de L'après-midi d'un faune. Selon Boulez ce morceau ouvrit les portes de la musique moderne.
L'idée d'une correspondance entre eux est séduisante car il y a de nombreux points communs entre les deux artistes qui semblent complémentaires. On entreverra aussi Verlaine, Wagner, Mallarmé, Satie.
J'aurais peut-être placé au début, en guise d'avertissement, la très intéressante note qui se trouve à la fin. Car même si quelques indices suggèrent que le personnage principal est Camille Claudel je n'étais pas certaine d'avoir bien compris et j'ai relu le début après avoir terminé le roman.
S'il est attesté qu'Auguste Rodin et Camille Claudel sont venus plusieurs fois au château de l'Islette, leurs séjours n'ont pas toujours été concomitants. Il serait presque certain que Camille ait avorté. Le bruit a couru qu'elle aurait eu deux garçons de Rodin, dont elle se serait séparés. Et l'auteure s'interroge sur quels adultes ils sont devenus... même si son livre est un roman.
On apprend que toute l'histoire a été expédiée le 7 mars 1916 au soldat Camille Farnoux du 232 ème RI, alors basé en Lorraine. L'enseigne des parents d'Eugénie s'appelle Farnoux et il est donc facile de supputer qu'elle en est la mère. Le terme de "confession" m'a étonnée en dernière page d'abord car le geste d'Eugénie a été magnifique et ne mérite pas qu'elle sollicite quasiment un pardon. Je n'ai pas compris pourquoi il manquerait peut-être les derniers feuillets. Et bien entendu le fait que la lettre n'ait pas trouvé son destinataire signifie que celui ci est très probablement décédé pendant la guerre, alors qu'il n'avait que 24 ans, puisqu'il est né en 1892. Il n'y a donc aucune confession, mais plutôt la levée d'un secret. Et on aura remarqué qu'il porte le prénom de sa mère.
Rodin, dont Camille est consciente qu'il pourrait lui "voler son temps et son énergie" (p. 79) est présenté comme un ogre. L'auteure prend parti : Dès cette première rencontre je sus qu'il me serait difficile d'apprécier tout à fait cet homme. Quant à elle et ce qu'elle fut pour moi : un éblouissement (p.17). Le caractère impétueux de Rodin n'est pas une surprise. Il est de notoriété publique.
On apprend qu'il avait une écriture déplorable, une orthographe calamiteuse, justifiant qu'Eugénie endosse le rôle de la secrétaire, et relançant le débat sur la langue française qui est si passionnant au théâtre Tristan Bernard dans le spectacle La convivialité (chronique prochaine).
On nous dit que Rodin s'est attelé à la sculpture monumentale de l'écrivain tourangeau Balzac qui ornera plus tard l'angle du boulevard Raspail. Il ne l'achèvera que 6 ans plus tard. Il travaille à l'Islette avec un sosie et Camille qui, comme lui, a besoin de modèles vivants, sculptera La petite châtelaine dans ce même château, à partir de septembre 1892 au cours de 62 séances de pose, ce buste dont il existe plusieurs versions. C'est un portrait d'enfant particulièrement fort et émouvant. Hasard du calendrier j'ai pu admirer de près cette oeuvre au musée de Roubaix le jour-même où je lisais ce roman.
On nous dit que Rodin s'est attelé à la sculpture monumentale de l'écrivain tourangeau Balzac qui ornera plus tard l'angle du boulevard Raspail. Il ne l'achèvera que 6 ans plus tard. Il travaille à l'Islette avec un sosie et Camille qui, comme lui, a besoin de modèles vivants, sculptera La petite châtelaine dans ce même château, à partir de septembre 1892 au cours de 62 séances de pose, ce buste dont il existe plusieurs versions. C'est un portrait d'enfant particulièrement fort et émouvant. Hasard du calendrier j'ai pu admirer de près cette oeuvre au musée de Roubaix le jour-même où je lisais ce roman.
Malgré la profondeur du sujet (un enfant caché de Camille Claudel) Un été à l'Islette est écrit avec fraicheur, humour et légèreté. Sans occulter les tourments de la grande artiste, malade de jalousie, et on sait qu'il y avait de quoi. Géraldine Jeffroy a eu bien raison d'accorder une place importante à cette petite fille, Marguerite, dont les commentaires sur le sculpteur pourraient passer pour impertinence s'ils n'émanaient pas d'un enfant, et qui permettent de dire tout haut ce que le lecteur ressent.
La gamine a aussi un point de vue pertinent sur la sculpteuse : mademoiselle Camille est bien malheureuse. Dans sa tête il y a des monstres (p. 88). Elle sombrera dans la folie en 1905.
Née à Chinon, il ne fait pas de doute que Géraldine Jeffroy connaît bien la région dont elle cite d'ailleurs une des spécialités, les rillons. Son écriture repose sans doute sur une documentation très sérieuse. Elle ne peut pas avoir inventé la passion de Rodin pour le potage à l'artichaut dont l'odeur est cependant épouvantable (page 94).
Je ne sais pas si on peut considérer l'auteure comme une primo-romancière. Elle publie ici son 5ème ouvrage. Véritablement émouvant : Je pris réellement conscience de ma solitude; j'avais eu à l'Islette l'illusion d'avoir une famille, ou du moins une place non négligeable. Mais peut-être est-il plus juste de dire que j'avais fait de telles rencontres durant cet été 92 que je voulais en garder "quelque chose" en vertu de l'accord tacite passé avec Camille (page 117).
Surtout ne manquez pas Camille contre Claudel pour en apprendre davantage sur cette femme exceptionnelle lorsque le spectacle sera repris dans un théâtre, ce qui est m'a-t-on dit imminent.
Un été à l'Islette de Géraldine Jeffroy aux Editions Arléa
Photo de couverture Richard Ernest, Studio Window, 1963
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