Marc Jeancourt frappe fort nos esprits en programmant Un ennemi du peuple dans la mise en scène de Jean-François Sivadier que quelques-uns ont pu découvrir la saison dernière au Théâtre de l'Odéon.
Ecrite en 1882, la pièce d'Ibsen a une intensité criante d'actualité, peut-être en raison de la traduction (de Eloi Recoing) mais surtout de l'interprétation de comédiens très impliqués.
C'est l'histoire de deux frères, pas très amis, mais unis pour le bien de leur ville. Peter (Vincent Guédon) est comme on dit, aux affaires, il est préfet. Tomas (Nicolas Bouchaud) est médecin et dirige l'établissement thermal qu'ils ont tous les deux créé pour assurer la prospérité de la cité. Tout ce monde vit dans le confort d'un matérialisme bourgeois dont à première vue tout le monde tire profit sans qu'on perçoive de vraies valeurs humanistes chez l'homme politique dont leur opinion à l'égard des concitoyens est méprisante.
Le succès des thermes a permis que le fardeau de la pauvreté pèse de moins en moins sur les classes dirigeantes. La situation se corse lorsque le médecin découvre que les eaux sont infectées de bactéries et inutilisables en voie interne comme externe. Il pense d'abord que son frère sera raisonnable et que sa découverte va éviter une catastrophe et s'apprête en toute bonne foi à lancer l'alerte. Le journaliste compte tirer profit de l'information à des fins politiques. Le président de l'association des petits propriétaires y voit une occasion d'élargir son pouvoir.
Mais le préfet fait une toute autre analyse de la situation. Reconnaitre qu'on s'est trompé et chercher une solution, c'est peut-être une posture acceptable pour un scientifique, encore que ... mais elle ne l'est pas du tout pour un homme politique. Ils ne sont pas formés à cela. On les sait capables de nier jusqu'au bout, quitte à perdre leur poste comme de récents scandales l'ont démontré.
En effet, si les pouvoirs publics peuvent faire face à une catastrophe "naturelle" et alors se souder les coudes, il n'en va pas de même suite à une erreur humaine (chez Ibsen le circuit de canalisation prend l'eau en dessous d'une nappe polluée), laquelle met en lumière une responsabilité qui pourrait être interprétée comme une culpabilité (on se souvient de la ministre de la santé empêtrée dans l'affaire du sang contaminé, ayant inventé l'expression, "responsable mais pas coupable").
Le préfet refuse carrément d'entendre la vérité, parce qu'elle dessert ses intérêts et peut-être aussi parce qu'elle vient de son frère. Le scandale explose et la situation se retourne contre le lanceur d'alerte et son foyer. Le médecin sera lâché par tous ses soutiens. Des bombes à eau exploseront jusqu'à la fin sur le sol de la scène après que l'homme ait été stigmatisé "ennemi du peuple".
Il est évident que le public fera aisément le parallèle avec des scandales actuels et sur le drame écologique. La mise en scène est habile car la pièce demeure une comédie (on rit beaucoup) tout en mobilisant l'opinion par plusieurs adresses très habiles au public.
On assiste à une version moderne et adaptée de l'Évangile selon Saint-Luc en entendant : "Malheur à l'homme par qui le scandale arrive". Aujourd'hui on a conscience que les lanceurs d'alerte doivent être protégées car elles se mettent en danger pour le bien commun. La pièce en fait la démonstration. Rappelons-nous aussi la chanson de Guy Béart (La Vérité). C'était en 1967. Il dénonçait déjà le dopage dans le Tour de France, les médias, la politique.
Ce soir c'est sur la musique du groupe rock New Order que la pièce s'achève et Singularity fait grincer nos consciences.
On assiste à une version moderne et adaptée de l'Évangile selon Saint-Luc en entendant : "Malheur à l'homme par qui le scandale arrive". Aujourd'hui on a conscience que les lanceurs d'alerte doivent être protégées car elles se mettent en danger pour le bien commun. La pièce en fait la démonstration. Rappelons-nous aussi la chanson de Guy Béart (La Vérité). C'était en 1967. Il dénonçait déjà le dopage dans le Tour de France, les médias, la politique.
Ce soir c'est sur la musique du groupe rock New Order que la pièce s'achève et Singularity fait grincer nos consciences.
A voir absolument, au théâtre Firmin Gémier la Piscine (où l'eau n'est pas polluée ...) de Chatenay-Malabry jusqu'au dimanche 20 octobre. Puis en tournée du 5 au 10 novembre aux Célestins (Lyon) et ensuite à Dunkerque, Caen, Clermont-Ferrand, Perpignan, du 10 au 20 décembre au Théâtre National de Strasbourg, puis à Angers, au Luxembourg, à Marseille, avant un retour sur une scène parisienne les 30, 31 janvier et 1er février 2020 à Saint-Quentin-en-Yvelines, scène nationale.
Un ennemi du peuple mis en scène par Jean-François Sivadier
Traduction Eloi Recoing
Collaboration artistique Nicolas Bouchaud, Véronique Timsit
Scénographie Christian Tirole, Jean-François Sivadier
Lumière Philippe Berthomé
Costumes Virginie Gervaise
Avec Sharif Andoura, Cyril Bothorel, Nicolas Bouchaud, Stephen Butel, Cyprien Billing, Vincent Guédon, Jeanne Lepers et Agnès Sourdillon
La photo qui n'est pas logotypée A bride abattue est de Jean-Louis Fernandez
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