Alexandra Alévêque n'en est pas à son premier livre puisqu'elle dit elle-même en interview que Emmanuel Carrère en a écrit la préface, en février 2017, chez Robert Laffont Les gens normaux n’existent pas.
Je ne l'ai pas lu mais le titre me laisse supposer qu'il est aussi personnel que le second.
L'auteure a grandement l'expérience de la communication. Elle a débuté dans le journalisme en 1996 auprès d'Emmanuel Chain, pour l'émission Capital, sur M6, tout en suivant un cursus de formation de deux ans au CFPJ (Centre de formation et de perfectionnement des journalistes). Elle a ensuite collaboré à différents magazines de M6 où elle a, entre autres, participé à la création de 66 Minutes, signant des sujets culturels et sociétaux.
Elle a assuré des postes de rédactrice en chef pour Arte (Global Mag), Paris Première (Petites confidences entre amis), France 3 ou France 4, pour le magazine de reportages Off, dont elle a également assuré la présentation.
De 2012 à 2015, elle a été l’auteure et l’incarnation de la collection de documentaires 21 Jours, pour France 2 (Infrarouge). De 2013 à 2018, elle a été chroniqueuse dans l'émission culturelle Ça balance à Paris, sur Paris Première.
Elle a également suivi une formation de trois mois au Conservatoire européen d’écriture audiovisuelle (Écrire une comédie, sous la direction de Marc Fitoussi). Durant ce cursus, elle a débuté l’écriture du scénario Du vent dans les voiles. Depuis l’été 2018, elle incarne la collection documentaire Drôles de villes pour une rencontre, diffusée sur France 5.
Avec toute cette expérience je m'attendais à ce que son roman soit une oeuvre de fiction, quand bien même elle aurait puisé dans un matériau autobiographique. Il semble que ce ne soit pas le cas. Sa maman avait effectivement une parfumerie et la famille vivait au-dessus de la boutique. Il est fort probable que rien n'ait été inventé dans ce "roman", rendant impossible toute critique sur sa construction. D'autant que le sujet (la mort du père en octobre 1982) a de toute évidence été vécue dans la douleur, ce qui force le respect.
Je regrette aussi qu'elle n'ait pas creusé le sillon de la culpabilité, celle que chaque membre d'une famille développe quand l'un des membres s'en va prématurément, et qui provoque des réactions en chaine. C'aurait été une piste explicative du fait qu'on lui ait caché la gravité de la santé de son père et qu'on l'ait écartée ensuite des obsèques. De là à se sentir elle-même coupable en retour semble une évidence, même si bien entendu elle n'a aucune responsabilité dans l'histoire : c'est la mort d’un homme éternellement jeune qui occupe mon esprit (p. 86).
Cette culpabilité apparait en filigrane et de manière fugitive (p. 98) : Violette n’avait rien vu, rien su (elle parle d’elle à la troisième personne) des événements des jours précédents. Paul était mort loin d’elle, sans la prévenir, sans la moindre attention à son égard.
J'ai eu le sentiment (mais c'est peut-être une erreur d'interprétation) qu'elle mettait en cause le monde médical et qu'elle était ironique en écrivant qu'on l'a soigné "avec de l'aspirine comme si c'était un bonbon" alors qu'en cas d'AVC ce traitement, qui peut sembler sommaire, demeure le meilleur.
On devine à la fin que l'auteure a suivi une psychothérapie ... le point de vue de l'analyste par contre est occulté alors que là encore il aurait pu apporter un autre éclairage.
Le texte tient du récit et pourtant la jeune héroïne ne porte pas le prénom d'Alexandra mais celui de Violette, bien commode pour justifier le titre emprunté (p. 99) à la chanson J'arrive de Jacques Brel (cela semble décidément une vraie tendance littéraire que d'user de ce procédé comme le firent notamment Murielle Magellan ou Delphine de Vigan) :
De chrysanthèmes en chrysanthèmes
Les autres fleurs font ce qu’elles peuvent.
J'ai également été dérangée par le passage brutal du "tu" au "vous", et qu’elle parle de sa mère et de son père à la troisième personne.
Et pourtant il y a dans ce petit ouvrage des moments d'une parfaite justesse. Par exemple (p. 50) lorsqu'Alexandra Alévêque évoque ces moments où l'on a des pensées "incorrectes" à propos d'un proche : Je m’emmerde à 100 sous de l’heure à tes côtés, le timbre de ta voix m’irrite chaque jour davantage, ta mère est une engeance, tes amis sont de sombres crétins, je vais donc te quitter car la vie auprès de toi est un supplice. On n’a pas le droit de dire de telles horreurs, ce serait pourtant tellement pratique.
Il est amusant qu'elle justifie de cette manière de rompre par SMS, comme si c'était en fin de compte plus convenable que de dire les choses en face. Elle rend compte de moments où l'on divague avec beaucoup de sincérité et on se surprend à convenir qu'on a tous vécu des moments pareils.
Au final comment lui reprocher la dispersion des idées ... puisqu'elle nous a prévenus en plaçant en exergue cette réplique d'Étienne (Jean Rochefort) dans le film Nous irons tous au paradis (faut-il y voir un trait d'humour ?) écrite par Jean Loup Dabadie Vous qui pénétrez dans mon cœur, ne faites pas attention au désordre ....
Les autres fleurs font ce qu’elles peuvent de Alexandra Alévêque, aux Editions Sable Polaire, en librairie depuis août 2019
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire