(Initialement publié le 1er mars le contenu du billet a été supprimé suite à un malentendu. Les hasards de la vie m'ont conduite à rencontrer la responsable de la communication de l'Ecpad. Elle n'a rien vu de choquant dans ce billet, bien au contraire. C'est avec son plein accord que je le remets donc en ligne)
Guerre et Vie, ruines et légèreté, est une exposition photographique de clichés faits par des reporters militaires et qui est proposée par la Maison des Arts d'Antony (92). Le choix qui a été opéré dans le fonds de l'ecpad, l'Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense, est réellement sensationnel d'un point de vue pictural.
On retrouve un plaisir identique à plonger dans le passé à celui que nous avait procuré Sabine Weiss il y a deux ans. Et ceux qui ont admiré les autochromes bretons au musée Albert Kahn seront surpris par la qualité de ceux qui sont exposés à Antony. A n'en pas douter, le Service des Armées a eu des moyens techniques très importants ...
Représenter la guerre n'est pas l'apanage du XX° siècle. La peinture d'histoire a toujours joué un rôle fondamental pour exalter la bravoure. La valeur esthétique l'emportait sur la fonction informative en raison du media et du geste du peintre. Mais avec l'arrivée des tanks sur les champs de bataille, les explosions d'obus et autres nouveautés il n'était plus possible de représenter les scènes de la même façon. La photographie venait d'être inventée (1839) et l'outil semble adéquat pour enregistrer instantanément des moments historiques.
Le choix qui a été fait se concentre sur des scènes qui se sont déroulées avant ou après l'acte guerrier sans aucune référence à la violence et au feu de l'action. La volonté est de signaler que la photo, de par son cadrage, la lumière, véhicule des émotions et manipule la réalité. Elle a pleinement participé à la propagande.
Les auteurs sont exclusivement des reporters militaires appartenant à la section photographique ou cinématographique des armées créée en 1915 pour contrecarrer l'endoctrinement allemand intensif. Il s'agissait de montrer ce que la vie militaire quotidienne avait de paisible aussi bien dans les casernes que dans les hôpitaux.
C'est particulièrement frappant avec les photos noir et blanc faites au cours de la seconde guerre mondiale. Le photographe établit des cadres serrés, avec ici un gros plan sur des billets de banque, là sur un chasseur alpin murmurant à l'oreille de sa mule. Le format carré renforce le sentiment de complicité et d'intimité entre l'homme et l'animal. Et quand on fixe une patrouille elle est en contrejour derrière un tissu qui flotte au vent comme si c'était par jeu qu'elle se trouve là.
Tous les clichés relativisent la situation et montre la ténacité de l'armée. On va jusqu'à immortaliser des moments joyeux, festifs, avec ces "soldats déguisés en danseuses lors d'une représentation théâtrale" (cliché pris le 15 octobre 1939 à Mercy-le-Haut), cet autre en Père Noël, celui-là avec son chien dans la posture de la publicité pour la Voix de son maitre. On se croirait en vacances, bien loin des souvenirs que nous ont racontés nos familles.
Si le noir et blanc a été retenu pour la seconde guerre mondiale, c'est en couleur qu'on nous met la première sous les yeux. Quatre grands photoreporters (Jean-Baptiste Tournassoud, Fernand Cuville, Pierre-Joseph-Paul Castelnau et Albert Samama-Chikli) offrent aux lecteurs de l’époque une vision humaniste et un autre regard sur le monde.
Les tirages ont été obtenus à partir d'autochromes d'époque, une technique industrielle qui est en fait l'ancêtre de la diapositive. Le procédé a été breveté le 17 décembre 1903 par les frères Auguste et Louis Lumière. Ce sont des millions de grains de fécule de pomme de terre teints en rouge (orange), vert et bleu (violet), fixés par de la résine. Les interstices entre les grains sont comblés par de la poudre de carbone très fine (noir de fumée). Ce filtre est scellé par une laque qui le protège pendant les opérations de développement de la surface sensible qui a été déposée sur le tout.
Les tirages ont intentionnellement été pratiqués en grand format. Regardés de près ils laissent apparaitre distinctement les séries de points, un peu à la manière d'un tableau de Seurat ou de Signac. Il est émouvant de constater combien le rouge garance des pantalons de nos soldats étaient des cibles faciles pour l'ennemi. Ils étaient moins repérables quand leurs tenues sont passées au bleu horizon.
Guerre et Vie, ruines et légèreté, est une exposition photographique de clichés faits par des reporters militaires et qui est proposée par la Maison des Arts d'Antony (92). Le choix qui a été opéré dans le fonds de l'ecpad, l'Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense, est réellement sensationnel d'un point de vue pictural.
On retrouve un plaisir identique à plonger dans le passé à celui que nous avait procuré Sabine Weiss il y a deux ans. Et ceux qui ont admiré les autochromes bretons au musée Albert Kahn seront surpris par la qualité de ceux qui sont exposés à Antony. A n'en pas douter, le Service des Armées a eu des moyens techniques très importants ...
Représenter la guerre n'est pas l'apanage du XX° siècle. La peinture d'histoire a toujours joué un rôle fondamental pour exalter la bravoure. La valeur esthétique l'emportait sur la fonction informative en raison du media et du geste du peintre. Mais avec l'arrivée des tanks sur les champs de bataille, les explosions d'obus et autres nouveautés il n'était plus possible de représenter les scènes de la même façon. La photographie venait d'être inventée (1839) et l'outil semble adéquat pour enregistrer instantanément des moments historiques.
Le choix qui a été fait se concentre sur des scènes qui se sont déroulées avant ou après l'acte guerrier sans aucune référence à la violence et au feu de l'action. La volonté est de signaler que la photo, de par son cadrage, la lumière, véhicule des émotions et manipule la réalité. Elle a pleinement participé à la propagande.
Les auteurs sont exclusivement des reporters militaires appartenant à la section photographique ou cinématographique des armées créée en 1915 pour contrecarrer l'endoctrinement allemand intensif. Il s'agissait de montrer ce que la vie militaire quotidienne avait de paisible aussi bien dans les casernes que dans les hôpitaux.
C'est particulièrement frappant avec les photos noir et blanc faites au cours de la seconde guerre mondiale. Le photographe établit des cadres serrés, avec ici un gros plan sur des billets de banque, là sur un chasseur alpin murmurant à l'oreille de sa mule. Le format carré renforce le sentiment de complicité et d'intimité entre l'homme et l'animal. Et quand on fixe une patrouille elle est en contrejour derrière un tissu qui flotte au vent comme si c'était par jeu qu'elle se trouve là.
Tous les clichés relativisent la situation et montre la ténacité de l'armée. On va jusqu'à immortaliser des moments joyeux, festifs, avec ces "soldats déguisés en danseuses lors d'une représentation théâtrale" (cliché pris le 15 octobre 1939 à Mercy-le-Haut), cet autre en Père Noël, celui-là avec son chien dans la posture de la publicité pour la Voix de son maitre. On se croirait en vacances, bien loin des souvenirs que nous ont racontés nos familles.
Si le noir et blanc a été retenu pour la seconde guerre mondiale, c'est en couleur qu'on nous met la première sous les yeux. Quatre grands photoreporters (Jean-Baptiste Tournassoud, Fernand Cuville, Pierre-Joseph-Paul Castelnau et Albert Samama-Chikli) offrent aux lecteurs de l’époque une vision humaniste et un autre regard sur le monde.
Les tirages ont été obtenus à partir d'autochromes d'époque, une technique industrielle qui est en fait l'ancêtre de la diapositive. Le procédé a été breveté le 17 décembre 1903 par les frères Auguste et Louis Lumière. Ce sont des millions de grains de fécule de pomme de terre teints en rouge (orange), vert et bleu (violet), fixés par de la résine. Les interstices entre les grains sont comblés par de la poudre de carbone très fine (noir de fumée). Ce filtre est scellé par une laque qui le protège pendant les opérations de développement de la surface sensible qui a été déposée sur le tout.
Les tirages ont intentionnellement été pratiqués en grand format. Regardés de près ils laissent apparaitre distinctement les séries de points, un peu à la manière d'un tableau de Seurat ou de Signac. Il est émouvant de constater combien le rouge garance des pantalons de nos soldats étaient des cibles faciles pour l'ennemi. Ils étaient moins repérables quand leurs tenues sont passées au bleu horizon.
Le pointillisme n'est pas la seule références à la peinture. On ressent une parenté avec le déjeuner sur l'herbe de Manet au second plan de cette photo (Débarbouillage des soldats du 152° Régiment d'Infanterie près d'un point d'eau, date indéterminée), ce qui témoigne qu'il existait une certaine rivalité à l'époque entre la peinture et la photographie.
Tous ces documents sont en parfait état de conservation et d'une qualité technique irréprochable quand on songe qu'il fallait un long temps de pose. Rien d'étonnant à ce que certains personnages soient moins nets que d'autres. L'image n'est cependant pas figée. La longueur était relative: une à quelques secondes seulement. Le seul regret réside dans le fait qu'on ne pouvait pas faire d'instantané surtout parce que le matériel était très lourd et que par voie de conséquence tout est mis en scène. Sur de nombreux clichés on devine l'ombre portée du trépied et du photographe, comme sur celle-ci, faite en 1917, après l'effondrement du pont de Pasly, près de Soissons, dans l'Aisne.
Tous ces documents sont en parfait état de conservation et d'une qualité technique irréprochable quand on songe qu'il fallait un long temps de pose. Rien d'étonnant à ce que certains personnages soient moins nets que d'autres. L'image n'est cependant pas figée. La longueur était relative: une à quelques secondes seulement. Le seul regret réside dans le fait qu'on ne pouvait pas faire d'instantané surtout parce que le matériel était très lourd et que par voie de conséquence tout est mis en scène. Sur de nombreux clichés on devine l'ombre portée du trépied et du photographe, comme sur celle-ci, faite en 1917, après l'effondrement du pont de Pasly, près de Soissons, dans l'Aisne.
Il se dégage aussi un certain romantisme, du fait des couleurs un peu fanées et du contraste des couleurs, comme parfois avec des coquelicots sur le bord de la tranchée.
Les colonies ne sont pas oubliées. Le zouave est méritant comme l'attestent ses médailles. On voit aussi les spahis algériens, ce qui confère à la collection une fonction également documentaire.
On célèbre le patriotisme qui doit avoir une valeur d'exemple pour les enfants. On représente un attroupement de petits assistant à une remise de médailles. Le message est clair : la vie continue, les civils supportent bien la situation, la pénurie n'existe pas, les occupations s'enchainent avec sérénité. Aujourd'hui nous ne sommes pas abusés par ces étalages de produits de luxe.
L'enseigne Au paradis des ménagères est un argument publicitaire. Les réclames sont partout placardées. On remarque que ce sont des femmes et des vieillards qui exercent les métiers des rues et assurent le quotidien. Forcément : les hommes jeunes sont au front. Et on note l'impact des tirs sur les façades des habitations.
L'essentiel du choix établi pour cette exposition montre des vues de Reims, de la Lorraine et de la région de l'Aisne. Quand les photos témoignent clairement des dégâts des bombardements c'est toujours avec un cadrage artistique qui transcende en quelque sorte la violence subie. Les berges de la Meuse, photographiées à Verdun en 1917 (on reconnait la cathédrale toujours debout sur le second cliché) exposent des ruines d'habitations et des boutiques de nettoyage et de teinture détruites par les bombes dans une mise en scène quasi-surréaliste :
Même lorsque ce sont des ruines qui sont montrées, la composition obéit à un jeu de lignes qui sublime la destruction. Le paysage peut aller jusqu'à suggérer un tableau abstrait ou une estampe. L'organisation de la photo d'une ferme détruite (1917) rappelle les peintures romantiques de Caspar David Friedrich, le chef de file de ce mouvement, alors que les couleurs font penser à Courbet.
Il faut que l'œil s'attarde pour percevoir la signature de la guerre sur la gauche de la photo qui n'est pas un paysage hollandais mais la ville lorraine de Pont-à-Mousson.
Étonnante aussi cette photographie de la gare de Tergnier dans l'Aisne, faite le 17 décembre 1917, dévastée, alors que les quais et la voie ferrée semblent intacts.
Sur d'autres la disposition des colonnes et des voutes d'une église effondrée rappelle les paysages de ruines d'Hubert Robert à la mode au XIX° siècle comme la Vue imaginaire de la Grande galerie du Louvre en ruines (1796) ou l'Église de la Sorbonne en ruines peinte en 1800. Le fonds clair met le second plan en relief, invitant à projeter le regard au loin.
Vision romantique encore sur un soldat cheminant avec son âne sur un chemin enneigé bordé de sapins d'une vallée vosgienne.
La démonstration est flagrante : la photographie peut être aussi picturale qu'une peinture mais elle aiguise davantage le regard. Les sentiments s'en trouvent enrichis. Ingres avait bien raison : la photographie c'est mieux qu'un dessin mais il ne faut pas le dire ...
Guerre et Vie, Ruines et Légèreté, jusqu'au 30 avril 2011 à la Maison des Arts, 20 rue Velpeau, 92160 Antony, Entrée face au RER, 01 40 96 31 50. Ouverte les mardi, jeudi et vendredi de 12 h à 19 h, le mercredi de 10h à 19 h, le samedi de 11h à 19 h et le dimanche de 14h à 19 h. Elle est fermée le lundi.
Les photos que j'ai faites le soir du vernissage ont rarement pu être faites de face parce que le verre protecteur réfléchissait la lumière ou se comportait comme un miroir. Mon souhait est de vous inciter à aller sur place voir les clichés dans leur configuration réelle.
J'ajoute que mes clichés sont publiés avec l'accord de la responsable de la communication de l'Ecpad que je remercie de sa confiance.
Les colonies ne sont pas oubliées. Le zouave est méritant comme l'attestent ses médailles. On voit aussi les spahis algériens, ce qui confère à la collection une fonction également documentaire.
On célèbre le patriotisme qui doit avoir une valeur d'exemple pour les enfants. On représente un attroupement de petits assistant à une remise de médailles. Le message est clair : la vie continue, les civils supportent bien la situation, la pénurie n'existe pas, les occupations s'enchainent avec sérénité. Aujourd'hui nous ne sommes pas abusés par ces étalages de produits de luxe.
L'enseigne Au paradis des ménagères est un argument publicitaire. Les réclames sont partout placardées. On remarque que ce sont des femmes et des vieillards qui exercent les métiers des rues et assurent le quotidien. Forcément : les hommes jeunes sont au front. Et on note l'impact des tirs sur les façades des habitations.
L'essentiel du choix établi pour cette exposition montre des vues de Reims, de la Lorraine et de la région de l'Aisne. Quand les photos témoignent clairement des dégâts des bombardements c'est toujours avec un cadrage artistique qui transcende en quelque sorte la violence subie. Les berges de la Meuse, photographiées à Verdun en 1917 (on reconnait la cathédrale toujours debout sur le second cliché) exposent des ruines d'habitations et des boutiques de nettoyage et de teinture détruites par les bombes dans une mise en scène quasi-surréaliste :
Même lorsque ce sont des ruines qui sont montrées, la composition obéit à un jeu de lignes qui sublime la destruction. Le paysage peut aller jusqu'à suggérer un tableau abstrait ou une estampe. L'organisation de la photo d'une ferme détruite (1917) rappelle les peintures romantiques de Caspar David Friedrich, le chef de file de ce mouvement, alors que les couleurs font penser à Courbet.
Il faut que l'œil s'attarde pour percevoir la signature de la guerre sur la gauche de la photo qui n'est pas un paysage hollandais mais la ville lorraine de Pont-à-Mousson.
Étonnante aussi cette photographie de la gare de Tergnier dans l'Aisne, faite le 17 décembre 1917, dévastée, alors que les quais et la voie ferrée semblent intacts.
Sur d'autres la disposition des colonnes et des voutes d'une église effondrée rappelle les paysages de ruines d'Hubert Robert à la mode au XIX° siècle comme la Vue imaginaire de la Grande galerie du Louvre en ruines (1796) ou l'Église de la Sorbonne en ruines peinte en 1800. Le fonds clair met le second plan en relief, invitant à projeter le regard au loin.
Vision romantique encore sur un soldat cheminant avec son âne sur un chemin enneigé bordé de sapins d'une vallée vosgienne.
La démonstration est flagrante : la photographie peut être aussi picturale qu'une peinture mais elle aiguise davantage le regard. Les sentiments s'en trouvent enrichis. Ingres avait bien raison : la photographie c'est mieux qu'un dessin mais il ne faut pas le dire ...
Guerre et Vie, Ruines et Légèreté, jusqu'au 30 avril 2011 à la Maison des Arts, 20 rue Velpeau, 92160 Antony, Entrée face au RER, 01 40 96 31 50. Ouverte les mardi, jeudi et vendredi de 12 h à 19 h, le mercredi de 10h à 19 h, le samedi de 11h à 19 h et le dimanche de 14h à 19 h. Elle est fermée le lundi.
Les photos que j'ai faites le soir du vernissage ont rarement pu être faites de face parce que le verre protecteur réfléchissait la lumière ou se comportait comme un miroir. Mon souhait est de vous inciter à aller sur place voir les clichés dans leur configuration réelle.
J'ajoute que mes clichés sont publiés avec l'accord de la responsable de la communication de l'Ecpad que je remercie de sa confiance.
2 commentaires:
Cette exposition est effectivement très intéressante et vos commentaires apportent des éléments à sa lecture. Je n'avais pas remarqué l'ombre des pieds du photographe et la couleurs rouges des premiers costumes militaires frappent, pas très discrets. La guerre de 14-18 est dans l'histoire familiale de beaucoup d'entre nous, c'est touchant de la voir par ces photos qui retracent, même de façon ciblée (c'est destiné à de la communication des armées) cette période.
Il s'agit d'une très belle exposition photographique mettant en lumière l'un des fonds les plus prestigieux de l'ECPAD, la photothèque de la Défense: le fonds Tournassoud. Missionné par le Service Photographique de Armées (SPA) pour couvrir le début de la guerre, Jean-Baptiste Tournassoud utilise la technique inventé par les Frères Lumières: l'autochrome. Procédé que j'ai pu apprécier lors de mes recherches iconographiques pour un beau livre illustré "Nord-Est Frontières d'empire" édition La Découverte, 20008.
C.H.
DOCPIX Images Recherches Archivage
www.docpix.fr
Enregistrer un commentaire