Publications prochaines :

La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

lundi 24 juin 2019

Bernard Dimey père et fille

Je connais le père ; je sais qu'il fut un grand parolier. Les hasards de la vie m'ont d'ailleurs amenée à programmer Syracuse dont il a écrit les paroles sur une musique composée par Henri Salvador pour illustrer sur Needradio l'émission Une journée à ... consacrée à la Haute-Marne dont Bernard Dimey était originaire.

Je connais la fille, Dominique Dimey dont la voix, si particulière autant qu'elle est mélodieuse, enchante les enfants avec son Roi du silence, sa Mère Noëlle, Charango et Siku. Elle s'est pleinement engagée dans le combat pour l'écologie et sensibilise les petits à la protection de notre planète.

J'ignorais qu'ils étaient père et fille. Ne riez pas. Dominique avait plus de vingt ans quand elle fit la connaissance de Bernard, totalement par hasard, et avec grande surprise puisqu'alors elle ne portait pas son nom. C'est un scénario qu'on n'oserait pas écrire.

Il était logique qu'un jour ces deux là se retrouvent sur une scène même si la présence de Bernard est désormais symbolique, avec ce portrait grandeur nature qui lui ressemble tant. Elle dira plusieurs poèmes de son père. Elle en chantera plusieurs chansons.

L'hommage est vibrant mais réaliste. La fille ne cache rien des souffrances endurées. Et elle chante avec sa voix naturelle, sans amplification micro. Magnifique !

La soirée commence par une traversée de Paris par coeur (paroles de Bernard Dimey, musique de Jean Ferrat) dont la symétrie avec Il est cinq heures de Jacques Dutronc m'a frappée. Dominique raconte son arrivée à la capitale, précisément dans ce Montmartre où nous sommes ce soir. Le quartier était alors essentiellement peuplé de travestis, de peintres et artistes. Elle décrit, en se livrant presque à une scénette de théâtre d'objets, l'activité des bars, en particulier le Lux Bar (toujours au 12 rue Lepic) où les hommes racontaient leur vie en séchant un coup de blanc.

Ce qui est formidable dans leur histoire c'est combien la fille a marché dans les pas de son père alors qu'elle en ignorait l'existence. Elle a suivi l'enseignement de Jean-Laurent Cochet, a écrit très jeune ses premières chansons, qu'elle chantait dans le métro, place de Clichy, Ses premiers cachets lui permettent de se sentir libre et vivante.

Quel beau moment que ce poème des Enfants de Louxor, dit par Richard Borhinger, en voix off, avec un tel naturel que j'ai pensé à un enregistrement original de l'auteur. Quelle belle idée aussi que Dominique le termine.

Si je mourais demain, j’aurais dans la mémoire
L’impeccable dessin d’un sarcophage d’or
Et pour m’accompagner au long des rives noires
Le sourire éclatant des enfants de Louxor

Je m'insurge par contre sur les paroles du second poème. Il est inexact que quand on n'a rien a dire on parle du Mexique ... Vous savez ô lecteurs combien j'aime ce pays et combien j'en parle, précisément. Mais je ne le pointe que pour vous dire combien j'ai été attentive aux paroles des Dimey.

Elle chante L'enfant maquillé sur un air de tango (musique de Charles Aznavour). La chanson L’auguste décrit un clown qui ressemble à son ami Michel Simon : quand j’étais clown dans le temps je vendais du paradis. La nostalgie et le surréalisme s'infiltre dans les paroles du Bestiaire d’autre part.

Dominique raconte avec pudeur mais sincérité ses diners avec son père, la découverte du cabaret de Michou, la spécificité de cet homme si célèbre et pourtant si peu élégant, portant toujours le même chandail taché. A peine surgi dans sa vie, ce gros bonhomme brisait ses rêves mais il lui aura fait découvrir l’acrostiche.

On devine sa fierté de la présenter à tous les musiciens et chanteurs pour lesquels il compose et de l'introduire dans le monde de la chanson de variété. Elle fait aussi la connaissance d’Yvette, une jeune peintre de talent qui est la compagne de son père. Dominique hérite d’une famille et va essayer en quelques années de rattraper le temps perdu.

Dominique évoque la soif d'absolu d'un poète visionnaire, épris de liberté et de justice, génie de l'écriture : il écrivait d’un jet et sans rature. Mais l’homme se révèle tyrannique au cours de leurs rendez-vous devenus des rituels. On apprend la fragilité comme la démesure de cet ogre et son addiction à l’alcool. Un refuge qui lui sera fatal et qui l'emportera à la cinquantaine.

Dominique quittera ce quartier de Montmartre. Son premier spectacle s'intitulera Moi j’aime pas les papas … Qui sait ? Y-a-t-il une relation de cause à effet :  elle aime à la folie les enfants auxquels elle apporte tant de plaisir à travers ses chansons ?

Elle a écrit à ce papa -qu'elle doit malgré tout beaucoup aimer- une (superbe) Chanson pour Bernard qui figurera dans un CD en préparation et où elle réinterprètera douze chansons, sur de très beaux arrangements de Pierre Bluteau, pour porter avec émotion et sincérité quelques-uns des textes qui ont fait le succès de nombreux artistes.

Dis où est-il ce grand chemin qui mène à toi ?
Tu as filé trop vite
Je ne retrouve plus la trace de tes pas
Tu es parti là-bas

Elle termine cette soirée interprétant le titre le plus connu du répertoire composé par son papa, Syracuse, en nous disant combien elle est aujourd’hui heureuse et fière d’en être la fille. Comme elle a raison.
Bernard Dimey père et fille, une incroyable rencontre
Avec Dominique Dimey, Richard Borhinger (Voix off) et Charles Tois (piano)
Théâtre Lepic - anciennement Ciné 13 Théâtre, Paris
Lundi 24 Juin 2019 à 21h00
Au théâtre le Cabestan
11, rue du Collège de la Croix - 84000 Avignon à 12 h 10
Du 5 au 28 Juillet, relâche les 11, 18 et 25 

Aucun commentaire:

Articles les plus consultés (au cours des 7 derniers jours)