Née en 1985, Maylis Adhémar vit à Toulouse où elle travaille en tant que journaliste indépendante.
Bénie soit Sixtine est un premier roman très réussi, un peu long peut-être mais il y a tant à dire sur le sujet qu’on pardonne les quelques pages de trop sur cet intégrisme religieux peu souvent traité avec autant de précision. Et puis, surtout, il contient de superbes paragraphes sur la maternité.
Sixtine, jeune femme très pieuse, rencontre Pierre-Louis, en qui elle voit un époux idéal, partageant les mêmes valeurs qu’elle. Très vite, ils se marient dans le rite catholique traditionnel et emménagent à Nantes. Mais leur nuit de noces se révèle un calvaire, et l’arrivée prochaine d’un héritier, qui devrait être une bénédiction, s’annonce pour elle comme un chemin de croix. Jusqu’à ce qu’un événement tragique la pousse à ouvrir les yeux et à entrevoir une autre vérité.
La jeune femme a été élevée selon des principes éducatifs ultra-stricts qui l’ont formatée au respect de nombreuses règles exigeantes. Mais elle n’est pas stupide, juste un peu plus lente que le lecteur à comprendre que les valeurs auxquelles elle croit (et qui ne sont pas condamnables) masquent des agissements intolérables et précisément contraires à ce qu’elle a reçu comme enseignement.
J’avais été estomaquée, je ne trouve pas meilleur mot, par le témoignage du film Les éblouis et j’ai cru avoir entre les mains une autre autobiographie. Cette pensée m’a rendue indulgente et j’ai supporté patiemment toutes les descriptions de ce milieu catholique que je connais de loin. Je le savais clos sur lui-même mais je pensais que les préceptes de bonté et de bienveillance agissaient comme pare-feu de pensées violentes. J’ai été horrifiée de lire les compte-rendus des soirées punitives que les chers anges infligent à ceux qui ne pensent pas comme eux, en s’aidant d’une matraque dissimulée sous leur chemise blanche impeccablement repassée.
Sixtine est une bonne personne, naïve certes, mais si positive qu’on ne peut rien lui reprocher de sa candeur. Elle est douce comme une sucrerie. D’un caractère toujours égal alors que d’autres à sa place, auraient tout envoyé valdinguer avant de devenir agressive. Elle non. Du coup ça fait un bien fou de la voir évoluer par petites touches et devenir elle-même, en s’éloignant fermement des mauvaises influences.
Ce livre démontre à la fois l’emprise malsaine de parents (et particulièrement des mères) sur leurs enfants tout autant que la puissance des sentiments. Érika la grand-mère est admirable même si elle ne parvient pas, de son vivant, à détourner sa fille du sectarisme. Quelle leçon de tolérance en ne renonçant pas à s’interroger sur la vérité (p. 183) ! L’auteure rétablit l’équilibre dans un admirable mouvement de balancier qui clôture ce premier roman sur une fin néanmoins ouverte. Je ne suis pas surprise que Vanessa Springora ait eu à coeur de le défendre.
Maylis Adhémar a dit en entretien s’être inspirée de faits réels et je suis heureuse pour elle qu’elle ne les ait pas traversés elle-même. Je la crois néanmoins totalement. Son roman est très documenté et il fait froid dans le dos. Mais il est tellement lumineux par ailleurs et même traversé parfois de touches d’humour (comme en témoigne la couverture) que ce fut un réel plaisir de le lire à quelques jours de la fête des mères. Voilà une idée de cadeau tout à fait pertinente.
Bénie soit Sixtine de Maylis Adhémar, Editions Julliard, en librairie depuis le 20 août 2020
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