Les phrases sont courtes. Elles se suivent comme les images qu’on faisait autrefois défiler sur une musique de Grieg devant des amis réunis autour d’un projecteur de diapos. J’ai comme perçu le clac-clac régulier du bras de l’appareil.
Un jeune peintre voit apparaître sur ses toiles un visage étrangement familier. Ailleurs, une femme écrit une ultime lettre à son amour perdu. Ils ont en commun l’absence qui hante le quotidien, la compagnie tenace des fantômes du passé. Leurs quêtes vont se rejoindre au fil d’un jeu de miroirs subtil.
Les chapitres instaurent entre lui et elle un dialogue dont le lecteur est invité à renouer le fil alors qu’Ariane, la rédactrice d’une revue d’art, composera le sien, qui ne sera pas moins essentiel.
Poser des mots sur le papier, c’est interroger. Dessiner c’est rêver. Ecrire c’est donner. Peindre c’est voler.
Ce premier roman est une alternance d’absence et de présence. Lucie Paye décrit admirablement le phénomène d’emprise qui s’est abattu sur une femme, telle la cloche de verre dont parle si bien Sylvia Plath et que l’auteure cite avec honnêteté (p. 68).
Elle emprunte quelques vers à Jacques Prévert (p. 79) et plusieurs éléments à Hitchcock pour échafauder une intrigue qui a des allures d’enquête et dont le lecteur est le spectateur actif. Certains auront deviné la fin, mais là n’est pas la question. L’essentiel se tient dans cette perte de dignité, reconquise de justesse avant la fin d’une vie, faisant mentir l’adage, loin des yeux, loin du coeur.
Une seule chose m’est restée mystérieuse, le choix du titre, mais ce n’est pas bien grave.
Les cœurs inquiets de Lucie Paye, Collection Blanche, Gallimard, en librairie depuis le 5 mars 2020
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