LUI mais ç’aurait pu être MOI car enfin parler de soi à la troisième personne dénote un égocentrisme patent, pour ne pas dire pathologique. De plus le réalisateur étant aussi l’acteur principal il se filme en se voyant. De quoi perdre la raison …
C’est d’ailleurs ce qui arrive au personnage qui multiplie les hallucinations. Bizarrement, il est angoissé dans la "vraie" vie alors qu’il semble serein lorsqu’il est entouré de personnages imaginaires. Du coup, le film est bipolarisé entre des scènes à la Hitchcock et d’autres à la Blier, deux références que le réalisateur assume totalement en interview.
Un compositeur en panne d'inspiration, marié et père, part s'isoler dans une vieille maison, a priori déserte, perchée sur la falaise d'une île bretonne, pour terminer la commande d'une musique de film. Hélas il constate que le vieux piano est désaccordé. Des visiteurs surgissent sans répit : sa femme, sa maîtresse, son meilleur ami, ses parents et même son médecin …
Guillaume Canet sait composer une situation de tension. Il en a fait la magistrale démonstration dans Ne le dis à personne, qui est un des meilleurs films que j’ai vus. Mais cette fois, peut-être parce qu’il a travaillé très vite, aussi bien à l’écriture du scénario, qu’il a faite pendant le confinement (puisqu’il ne pouvait plus travailler sur la préparation de son Astérix), que dans le tournage qui ne dépassa pas un mois en septembre 2020 et avec une équipe réduite, on n’a pas le sentiment de voir un résultat totalement abouti.
Et pourtant il y a des pépites, et surtout une juxtaposition de scènes angoissantes et de purs délires qui se répondent bien. Les acteurs sont bien dirigés. Particulièrement Virginie Efira (l'épouse) et Laetitia Casta (la maîtresse) qui sont d’un naturel et d’une drôlerie bigrement efficaces.
Quelques détails situent indubitablement l'action en Bretagne, comme la présence d'une assiette en faïence de Quimper accrochée au mur, le nom de la maison du loueur (Ker Emilienne) et plusieurs éléments d'architecture. Ça aurait pu être divers endroits mais je connais Belle-Ile et je n'ai pas eu de mal à reconnaitre les sites de Sauzon, Locmaria et du Palais.
L'affiche illustre le sujet en semant le doute : s'agit-il d'un masque ou d'un dédoublement de personnalité, et nous serions alors dans le registre de la maladie mentale ? En tout cas les références psychanalytiques sont multiples : le jeu de mots entre il et île, l'allusion implicite à Barbe-Bleue avec l'interdiction de monter dans la chambre du haut, le piano désaccordé à l'instar de sa vie, le besoin de réparation (le volet) et de faire du concret qui se voit pour ne plus tourner en rond, la crainte de sombrer (de la falaise).
La mort est constamment présente. Notamment celle du père et de la culpabilité d'un enfant face à la crise cardiaque d'un de ses parents (que Guillaume Canet a vécue réellement quand il avait dix ans). La crainte de disparaitre soi-même est symbolisée par la plaque funéraire gravée LUI dans le cimetière. Tout en étant un film sans nul doute très personnel il n'est cependant pas totalement autobiographique.
La tension est palpable à plus d'un titre. Chaque plan est filmé comme un thriller. Le spectateur est interrogé à propos des causes et conséquences de la culpabilité, celle d'agir et le cas échéant de se tromper comme celle de ne pas pouvoir prendre de décision. C'est finalement Virginie Efira qui indique la voie : Accepte d’être égocentrique jusqu’au bout.
Le personnage n'est jamais tranquille, même loin, puisqu’il se retrouve sans cesse entre deux femmes, et entre deux hommes, composant presque un quatuor. La musique tient d'ailleurs une place importante.
Il y a peu de personnages, mais beaucoup de dialogues, s'exprimant avec un humour décalé et grinçant. Il y avait de quoi faire un grand film. Ce qui est dommage c'est qu'on se perd un peu perdu entre lui et son double. C’est malsain et je regrette surtout que la fin soit si conventionnelle.
Sans doute a-t-il préparé malgré tout sans en avoir conscience le terrain de son prochain film Astérix et Obélix-l’empire du milieu. Réponse dans quelques mois …
LUI, un film de et réalisé par Guillaume Canet
Avec Guillaume Canet (Lui), Virginie Efira (l‘épouse), Mathieu Kassovitz (l’ami), Laetitia Casta (la maîtresse), Nathalie Baye (la mère), Patrick Chesnais (le père) et Gilles Cohen (le médecin) …
Sortie le 27 octobre 2021
Sélectionné et présenté en compétition officielle le 6 octobre 2021 au Festival international du film francophone de Namur, en Belgique
Photos Christophe Brachet
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