Le Molière 2022 de la révélation masculine a récompensé la prestation de Benoit Cauden et le Molière du Meilleur Spectacle Musical a couronné le travail de toute l'équipe des Producteurs.
Personne dans la salle ce soir ne s'en étonnait et c'est une bruyante standing ovation que le public enthousiaste a offert aux artistes en fin de représentation.
Je dois dire que je n'aime guère le film de Mel Brooks qui ne me fait pas rire (peut-être parce que depuis 1967 notre oeil est habitué à un autre type de montage, même s'il fut récompensé en1969 par l’Oscar du meilleur scénario original) . Mais la version signé Michalik est une totale réussite. Chaque tableau frôle la perfection.
Tout est réuni pour qu'on passe une excellente soirée : des comédiens formidables, des belles voix, des costumes inventifs, des chorégraphies exécutées au millimètre, des numéros de claquettes impeccables, des décors qui descendent des cintres au bon moment. Que dire de plus ?
Vous restituer l'intrigue peut-être, en quelques mots : Un producteur proche de la ruine imagine une arnaque à l'assurance en montant la pire comédie musicale, sur un scénario indigent, dirigée par le pire metteur en scène, avec un casting improbable... pour être bien certain d'obtenir un four et récupérer l'argent qu'il a d'ailleurs extorqué à de nombreuses femmes crédules, mais rien ne se passera comme prévu. Le bide sera un succès.
On comprend le pari qu'Alexis Michalik s'est amusé à faire en renversant la proposition puisque pour lui c'est un triomphe. L'affaire était sans doute difficile car il s'agissait de restituer l’humour caustique, irrévérencieux et déjanté dont Mel Brooks avait fait preuve.
Le spectacle commence en musique avec des musiciens qui occupent la scène et les baignoires pendant que le public s'installe. On est dans l'ambiance en reconnaissant des airs célèbres comme Rhapsody in Blue composé par George Gershwin en 1924, et qui combine des éléments de musique classique et de jazz. Ou encore When the Saints Go Marching In, qui est un negro spiritual partiellement inspiré de la musique folk datant de 1927.
L'ambiance est installée. Outre les qualités que j'ai précédemment soulignées, j'ai beaucoup apprécié les touches d'humour qui ont été ajoutées dans cette version. Par exemple, en découvrant des reproches dans un journal, on nous dit (avec l'accent yiddish) que lorsque les journalistes partent à l'entracte les critiques sortent beaucoup plus vite. Evidemment !
Les dialogues sont savoureux :
- Déplacer quelques virgules, vous pouvez le faire, incite Max Bialystock (le producteur)
- Mais c'est de la fraude, proteste Leopold Bloom (le comptable)
- Non, de la charité, argumente Max
Plus tard il sera question de l'odeur nauséabonde de l'estime de soi, et (avec un clin d'oeil complice à la salle) : quand est-ce que Léo sera tout là-haut ? Encore plus tard, alors que leur spectacle est qualifié d'expérimental on souligne qu'il n'y a pas de parking et qu'on dirait Avignon.
Le spectacle sera d'un burlesque absolu, à l'image de la folie surréaliste de la pièce écrite en 1944 par Mary Chase, ce qui lui vaudra le surnom d'un tramway nommé Harvey. D'autant plus malin que le comédien interprète du rôle titre d'Harvey, Jacques Gamblin, vient de recevoir le Molière du meilleur comédien. La réception de la statuette pour la troupe est du coup sous-entendue en finesse.
Les allusions sont multiples et même s'ils s'adressent à des oreilles un peu initiées l'ensemble est si bien tricoté que tout passe crème, comme diraient les ados.
L'évocation du film de Chaplin Le dictateur est joliment amenée, prouvant qu'on peut faire rire avec toutr.
Point n'est besoin de crier merde chaque soir, pas plus que casse-toi une jambe, le succès leur est désormais acquis.
Les producteurs de Mel Brooks
Livret de Mel Brooks et Thomas Meehan
Mise en scène d'Alexis Michalik
Avec Serge Postigo (Max Bialystock), Benoit Cauden (Léopold Bloom), Régis Vallee (Franz Liebkind), David Eguren (Roger De Bris) Andy Cocq ()Carmen Ghia, Roxane Le Texier (Ulla Inga Hansen Bensen Yonsen Tallen-Hallen Svaden-Svanson), Alexandre Bernot (Le Soldat d’assaut, Bryan, Officier O’Riley), Véronique Hatat (Prends-moi-Touche-moi, Rachel, la Guichetière), Léo Maindron (L’Aveugle, Scott, le Pianiste, Ulrich) Marianne Orlowski (L’Ouvreuse, Brenda, Plote-moi-Pince-moi, La Juge), Loaï Rahman (Sabu, Donald Dinsmore), Carla Donc (La Nonne, Jackie, Berta, Adolf, la Greffiere), Hervé Lewandowski (Marks, Le régisseur, Jacques Pintade, Churchill, le Sergent), Mélissa Linton (Lola, Heidi, Wolfgang, une jurée), Sébastien Paulet (Michelle, Kevin, Jason Green), Eva Tesiorowski (L’autre ouvreuse, Jane, Shirley, Love-moi-Lèche-moi)
Et les musiciens Thierry Boulanger (Chef d’Orchestre, Piano) ainsi que à l'accordéon, la contrebasse, les percussions, la clarinette, la clarinette basse, le saxophone, la flûte et le trombone Benoit Urbain, Benoit Dunoyer, Franck Steckar, François Chambert, Jean-Pierre Solves, Jean-François Quellec
Au Théâtre de Paris, 15 rue Blanche - 75009 Paris
Programmé jusqu'au 1er janvier 2023
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire