Je connaissais l'univers Mavrommatis. Mais je n'avais encore pas pénétré dans l'unique restaurant étoilé à célébrer la cuisine hellénique à Paris.
Depuis 40 ans cette famille, regroupée autour de trois frères, multiplie les établissements en parvenant à se diversifier tout en gardant l'âme de son terroir d'origine. Epicerie, corners, caves à vins, restaurants … l'éventail est large. Du plus abordable à l'élitisme mais sans jamais sacrifier la qualité et l'authenticité.
Le Michelin a couronné le travail de Dionysos et Andreas Mavrommatis en décernant une étoile à leur restaurant de la rue Daubenton en décembre 2018, soit onze ans après son ouverture. Peu de temps après, ils ont décidé de faire encore mieux en sollicitant le décorateur Régis Botta pour refaire le cadre.
Les courbes de la salle salle se sont arrondies. Les tonalités sont celles de la pierre et du bois, ponctuées de tableaux où l'or apporte une note colorée. Des étoiles ont été taillées dans la cloison isolant les cuisines, un peu à l'instar d'un moucharabieh.
La sobriété est de mise pour que l'excellence éclate dans les assiettes. Le service est tel qu'on l'attend dans ce type d'endroit : sans faute. On doit à Dionysos une carte des vins magnifique. Le menu Signature d'Andreas est irréprochable, à la fois créatif, aromatique, d'inspiration méditerranéenne et néanmoins adapté aux goûts français.
Les assiettes d’accueil sont posées à l’envers pour révéler immédiatement l’emblème du Mavrommatis, dessiné autrefois par un client fidèle, ami et célèbre, le chanteur Georges Moustaki. Il ajouta d'une écriture manuscrite une mention qui est une promesse de bonheur : J'ai réalisé ce dessin en hommage à Aphrodite et aux délices qu'elle nous dispense grâce aux frères Mavrommatis.
Suivant le conseil du chef la table entière a opté pour le menu Signature dont la promesse est de célébrer le meilleur de la cuisine hellénique, avec une sélection de crus distingués et primés aux cépages indigènes grecs et chypriotes. Il s'enquiert néanmoins de nos contraintes, allergies ou interdits alimentaires et proposera une adaptation lorsqu'un plat contient du fromage à la personne qui n'en consomme pas.
On découvre les premières bouchées combinées autour d'une tartelette filo à la féta, d'un cromesquis poivron-gambas et sa feuille de shizo, un chou à la poutargue.
Pour accompagner ces amuse-bouches il était préconisé d'accepter une coupe de champagne, mais nous avions commencé la soirée dans la cave, à quelques dizaines de mètres de là et nous avons préféré un verre de vin blanc et sec, IGP Lemesos, Domaine Tsiakkas, Promara 2020 aux effluves citronnées et muscatées que nous savourerons en toute modération, comme chacun des vins proposés ce soir-là.
Une bouchée divine de fleur de courgette farcie au homard arriva toute tiède. Bientôt suivie d'un Pagre en carpaccio, palourdes marinées, piment d'Espelette, boutargue de Messolonghi qui fut accordé avec un AOP Santorin, Domaine Argyros, Cuvée Nykteri 2018 dont le goût de mile en fin de bouche est très agréable.
L'assiette suivante était une Asperge verte de Provence grillée à l'huile, crémeux d'asperge verte au yaourt de brebis, olives de Kalamata, espadon fumé, sorbet basilic et agrume, lequel émoustilla nos papilles déjà inspirées par le curable d'olives.Asperge verte de Provence
De couleur presque dorée l'AOP Sitia, Domaine Oikonomoy, Domaine Economou 2015, situé en Crète orientale, accompagna idéalement l'assiette par sa minéralité et sa puissance de fruits jaunes confits. De jolies notes oxydatives provoquent une amertume légère en fin de bouche, avec une matière bien persistante.
Le chef nous avait fait choisir entre poulpe et aubergine. C'est elle que nous préférâmes. Elle était confite au thym sauvage, crevette Obsiblue, légumes crus et cuits, lardo di Colonnata, dans une savante association terre et mer.
Nous poursuivies avec un dos de Bar de ligne rôti, Kadaïf au sésame, risotto d’épeautre printanier à l’anguille fumée, jus émulsionné de coquillages au fenouil sauvage grec, condiment petits pois
Comme viande, un agneau de Lozère en deux cuissons, épaule confite, selle rôtie au halloumi, dolmades de blette, condiment aux olives de Volos. Et un Pigeon Imperial d’Angelin pour la personne qui ne supporte pas le fromage.
On sait combien ce sont les vins blancs qui sont les plus nobles en Grèce mais avec la viande un rouge s'imposait comme les vins de Naoussa qui étaient considérés au XIX° siècle comme les meilleurs vins rouges de l'Empire Ottoman. Ce fut donc un AOP Naoussa, Domaine Diamantakos cuvée prestige 2015. Ce domaine est une petite propriété familiale située en Macédoine, planté à la fin des années 70 par le père et le grand-père du propriétaire actuel. L'essentiel du travail à la vigne est effectué manuellement pour garantir au cépage emblématique "Xinomavro" le développement d'arômes de fruits rouges, tomate et cacao avec une pointe de poivre et de cuir d'une grande élégance sur toutes les viandes rouges, y compris les gibiers.
Un rafraîchissement fut le bienvenu avec une alliance de Fraise et poivron : Fraise gariguette, crumble à l’huile d’olive et thym-citron sorbet fraise-poivron, chips de yaourt de brebis, accompagné de quelques gorgées d'un Vin doux naturel VDP Péloponnèse, Domaine Mercouri, Belvédère 2015 d'une transparence rosée
Suivi ensuite le dessert signature d'Andreas, un Chocolat olive-basilic composé d'une Ganache de Taïnori aux olives de Kalamata, crémeux chocolat basilic, glace à l'eau de fleur d’oranger, avec un AOP Mavrodaphne de Rio Patras, Domaine Parparoussis Réserve 2003. Il est puissant et gourmand, et néanmoins d'une grande rondeur avec des notes de café, de pruneau, de noix et de sirop de caroube. Il aurait pu accompagner un fromage à pâte persillé mais est idéal avec un dessert au chocolat.
Le café pouvait être servi … accompagné d'ultimes bouchées parmi lesquelles des mini macarons aux pistaches d’Egine AOP, produit-phare de cette île du golfe Saronique, au sud-ouest d’Athènes.
Ce menu Signature est servi à l'ensemble d'une table. Il peut sensiblement varier pour s'adapter à la saisonnalité mais de toute évidence le trio Aubergine confite /Agneau de lait de Lozère et le Chocolat-olive et basilic sont des invariants.
Comme je le précisais en début d'article, nous avions commencé la soirée dans la Cave Mavrommatis, 47 rue Censier, où nous nous étions donné rendez-vous pour démarrer en toute convivialité.
Bien qu'Andreas Mavrommatis ne soit pas "le" spécialiste des vins de la maison il connait évidement très bien le sujet. Il nous a appris qu'il existait 80 à 90 cépages spécifiques en Grèce et en Crète et qu'il n'en mettait aucun de côté.
Il a insisté pour que nous goutions ce fameux fromage halloumi, grillé et fondant, qui accompagne à merveille la plupart des blancs. Il est originaire de l'île de Chypre et la tradition veut qu'il soit fabriqué à partir d'un mélange de lait de chèvre et de lait de brebis. Il en fournit les plus grands hôtels parisiens.
Il nous a confié l'anecdote du succès d'une des bouteilles de la cave, qui doit sa popularité au nom du viticulteur, Mercouri, plus connu chez nous comme étant homonyme de la grande actrice, chanteuse et femme politique grecque Mélina Mercouri.
Devenue l'égérie puis l'épouse du réalisateur Jules Dassin elle recevra le prix d’interprétation féminine au festival de Cannes pour son rôle dans leur film Jamais le dimanche (1960) et est nommée aux Oscars. La chanson qu'elle y interprète : Les Enfants du Pirée obtiendra, l'année suivante, l'Oscar de la meilleure chanson originale.
On peut ici dans cette cave, qui est quasi une table d'hôtes, déguster tous les mezzés traditionnels. Et bien sûr des vins exceptionnels. A commencer par les Santorins, mais aussi les Retsinas dans lesquelles on ajoute de la résine de pin au cours de la fermentation.
La résine stabilise le vin, lui permettant de mieux résister à la chaleur mais qui doit malgré tout être consommé très frais. Elle lui donne aussi un goût particulier, âpre et franc, qui au premier contact désoriente le consommateur non averti.
La retsina du domaine Papagiannakos, issue du cépage Savatiano, est merveilleusement fruitée, aux arômes délicats d’agrume et de résine de pin. Son parfum a fait l'unanimité autour de la table.
Pour terminer il faut souligner qu'Andréas Mavrommàtis exprime aussi son talent à travers 12 boutiques, dont 3 en province, et dans un autre restaurant gourmet chez lui à Chypre, le Vivaldi, au cœur de l’un des plus beaux hôtels de l’île. Cette réussite exceptionnelle est le fruit de 40 années de travail.
Enfin, outre la cave et d'autres restaurants parisiens je signale Laurier qui est un compromis entre tous.
Mavrommatis 42, rue Daubenton - 75005 Paris
Au dîner du mardi au samedi, de 19h à 22h00
Fermé le dimanche et le lundi
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