J'ai aujourd'hui passé une journée dans un lieu étonnant, à bien des titres. Avec les responsables d'une association innovante, dynamique et à l’écoute... dont certains sont photographiés ci-dessous, mais il faut avoir à l'esprit qu'ils sont 19 salariés, 20 prestataires et 70 partenaires à oeuvrer dans le même sens.
L’association le Moulin de Pont Rû est installée depuis 2018 dans un ancien moulin du XVIII°, qui fut aussi une briqueterie et un bureau d'architectes, au cœur du Vexin, à une heure de bus de la gare RER de Cergy-le-Haut, sur un territoire francilien aux enjeux multiples pour une cause noble et riche en engagement dans l’accompagnement temporaire des femmes victimes de violences et de leurs enfants.
Il ne faut pas oublier que les chiffres sont épouvantables, ce qui justifie, comme le rappelait Xavier Delarue, Préfet à l’Egalité des Chances, que la lutte contre ce fléau soit une des priorités du quinquennat. Une Journée Internationale de lutte contre les violences faites aux femmes a lieu pour mettre en lumière des actions comme celles de cette association.f
Si plusieurs femmes acceptaient de témoigner en nous offrant des sourires radieux, j'ai préféré, pour des raisons évidentes de sécurité, flouter le visage de la seule qui apparait sur le cliché qui se trouve en tête de l'article.
Le travail est immense et ardu. Les résultats semblent très encourageants. Même si ce ne sont pas moins de 50 000 places qu'il faudrait pour accueillir toutes les femmes concernées par ce fléau. Les statistiques le disent : environ 4 femmes victimes de violences sur 10 ne se voient proposer aucune solution quand elles demandent un hébergement ;
S.eules 12% environ des demandes d'hébergement effectuées par des femmes victimes de violences aboutissent à une orientation sur une place adaptée à leur parcours spécifique. Entre 20 000 et 30 000 femmes auraient aujourd'hui besoin d'un logement pour sortir des violences. Et il faut avoir à l'esprit que si la mise à l'abri est essentielle il ne faut pas oublier la reconstruction.
Comme rien ne serait possible sans l'investissement de personnes, je citerai d'abord les fondateurs Alan Caillaud et Nathalie Guillaume (portant un grand foulard à motifs), ainsi que Garance Couturier (veste rouge) qui est la responsable des séjours de ressourcement.
Sans oublier Guila Clara Kessous, artiste de l'UNESCO pour la paix et aujourd'hui Maîtresse de cérémonie (veste noire). Mais encore une fois chaque intervenant mériterait d'être cité, bien que je pense qu'il préfère rester dans une certaine pénombre.
Le domaine a été acheté en 1984 par la fondatrice avec le père de ses enfants et ils ont ensemble accompli un gros travail de rénovation. Les enfants ont grandi. Des évènements heureux et graves se sont succédés. Des années plus tard, cet endroit se transforme et rassemble une équipe bienveillante et formée pour accueillir des femmes victimes de violences afin que leurs difficultés ne soient plus une entrave mais une force.
500 bénévoles sont passés ici depuis 2018 en chantier d'insertion. Chaque salarié a été bénévole avant de devenir permanent. Garance n'échappe pas à ce qui pourrait être une règle. Elle nous a expliqué que l'emploi du temps des femmes dont elle s'occupe s'organise en plusieurs temps. Les matins sont consacrés à l'apprentissage de la gestion des émotions par la relaxation, et des activités de bien-être.
Les après-midis à des ateliers artistiques ou sportifs et au retour à une alimentation saine. L'environnement est propice au ressourcement et à l’expérimentation d’activités hors-normes : boxe, équithérapie, canoë, sauna et bien d’autres encore.
Les soirées s'organisent autour d'un thème. Il y en a notamment une consacrée à un spectacle où les artistes sont les femmes elles-mêmes. Elle conduira en 2023 8 séjours de femmes seules et deux avec enfants.
Cela peut sembler peu et c'est déjà beaucoup car l'association mène beaucoup d'autres actions. Cependant, comme l'a souligné Alan Caillaud, il existe des rencontres providentielles. Une maison voisine sera prochainement mise à disposition à titre gracieux pour une durée de 15 ans. Le projet est en cours de finalisation (avec le concours de multiples associations, fondations, mécènes et partenaires publics et privés) et permettra bientôt une cinquantaine d'accueil supplémentaires qui pourront s'étaler sur 6 mois.
Nous sommes au coeur du Vexin, entre arbres et rivières, dans un endroit propice au calme, avant de nouvelles batailles. Car il ne faut pas se leurrer, la reconstruction prend du temps.
L'association a conscience des enjeux écologiques. Un des bénévoles, devenu permanent, a la responsabilité d'un jardin suivant les principes de la permaculture. Pour être moi-même investie dans ce type d'engagement je peux témoigner du bien-être qu'on retire à plonger les mains dans la terre, à devoir aussi se soumettre au rythme des saisons, et à se réjouir des résultats, même des plus inattendus.
Ce ne sont pas les idées qui manquent. Il y aura bientôt un verger communal. On peut envisager des formations aux métiers du maraichage ou de la restauration avec, qui sait, l'ouverture d'un restaurant d'application.
Et puis, il y a aussi une "tiny house" déjà implantée sur le terrain destinée à accueillir un(e) migrant(e).
Alan Caillaud est pleinement engagé dans une mission qui prend racine dans son histoire personnelle. Mais il n'a rien d'un gourou. Il fédère tout en s'appuyant sur des principes aussi généreux que réalistes : on propose un accompagnement mais on n'impose rien. Il a raison d'estimer que le problème est l'affaire de tous et que chacun de nous peut, à sa manière, contribuer à aider. C'est à la société civile de prendre le relai.
Il ne prétend pas avoir la capacité (et ne le souhaiterait pas) de répondre à toutes les demandes. Par contre il est prêt à essaimer les pratiques et à aider, en faisant profiter d'autres structures du savoir-faire du moulin. Voilà d'ailleurs pourquoi je ne vous inciterai pas à signaler une situation difficile en téléphonant au moulin mais en composant le 3919.
Le moulin ne peut pas tout effacer mais il peut devenir un tremplin en permettant aux victimes de poser un regard différent sur ce qui s'est passé en s'éloignant de l'affect. Enfin Alan n'oublie pas que les hommes violents sont souvent dans la répétition et il a aussi pour projet de voir comment on pourrait empêcher les récidives.
Différentes personnalités, élus, représentants de l'État, fondations et partenaires associatifs se sont utilement rencontrés, afin de développer les projets en synergie et améliorer les réponses auprès des femmes. La visite des espaces a été suivie d’une table ronde sur la thématique du logement avec la participation d’une vingtaine d’associations du Val d’Oise et des Yvelines.
Moulin de Pont Rû
2 rue Moulin de Pont Ru - 95710 BRAY ET LU
@moulindepontru2 rue Moulin de Pont Ru - 95710 BRAY ET LU
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