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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

lundi 20 février 2012

Detachment de Tony Kaye

Detachment n'est pas un film de plus sur le difficile exercice du métier d'enseignant.

Certes, Adrien Brody campe le rôle d'un prof dans un établissement où les adolescents sont si mal éduqués qu'on en viendrait à considérer les élèves du film français Entre les murs comme des enfants de chœur. Et il faut alors d'urgence aller voir Detachment pour mesurer que nos collèges n'ont pas encore atteint le pire, même si vous me ferez observer que depuis trois ans la situation n'a pas dû s’arranger.

Mais là n'est pas le sujet de ma chronique. Detachment m'a séduite à plus d'un titre. Et je ne suis pas unique puisqu'il a remporté de nombreux prix, notamment le Prix de la Révélation Cartier et le Prix de la Critique Internationale au Festival de Deauville 2011.

Le point de départ est simplissime : Henry Barthes est un professeur remplaçant. Il est assigné pendant trois semaines dans un lycée difficile de la banlieue new-yorkaise. Alors qu'il s'efforce de toujours prendre ses distances, Barthes va voir sa vie bouleversée par son passage dans cet établissement et la rencontre dans la rue d'une jeune prostituée ...

Ainsi résumé le scenario semble mince. Sauf que la réalité ravive d'anciennes blessures. Le flegme et la patience de l'enseignant ne lui sont pas si naturels et très vite on s'aperçoit du travail qu'il a entrepris pour tenir ses propres démons à distance. Le montage est conçue de manière à ce que le spectateur confonde la passé et le présent, les souvenirs et la réalité et se double quasiment d'une intrigue familiale. On a tous du chaos dans nos vies, fait-il remarquer. Les séquences sont filmées sans concession.

Le fait que le scénariste soit enseignant, ainsi que le propre père d'Adrien Brody (dans une école publique de New York) où il est selon lui un modèle de générosité et de patience ont permis que chaque détail soit juste et que les dialogues soient crédibles malgré leur extrême dureté.

L'interprétation d'Adrien est parfaitement authentique. Et il est rare d'entendre un acteur dire qu'un film porte à ce point des valeurs communes, même si cela demeure (on l'espère) un rôle de composition. Il incarne un non héro, contrôlant "juste" ses failles, et ses fragilités, ses blessures intérieures et jusque là secrètes évidemment. A croire qu'elles deviennent une force quand on réussit à les transcender. C'est éprouver du "détachement", ce qui ne signifie pour autant se désintéresser. D'ailleurs il accepte avec empathie les complexités humaines. Il répond avec calme à un jeune qui vient de l'insulter et qui menace de le frapper : tu n'as pas à être en colère contre moi car je suis une des rares personnes à vouloir te donner une chance.

IL se sent investi de ma responsabilité de conduire des jeunes de manière à ce qu'ils ne craquent pas, ce que les parents (dramatiquement absents ou à coté de la plaque) ne font pas, ou plus. Il est capable d'un calme olympien avec les élèves, mais il "pète un cable" dans le service où son père est hospitalisé. Son message est de guider les jeunes, et pour les aider à sortir victorieux de l'enfance il recommande de leur donner un exutoire créatif (comme par exemple en travaillant les œuvres d'Albert Camus ou d'Edgar Poe) en leur prodiguant des encouragements. L'enjeu est de défendre et de préserver son esprit par la lecture et la culture. C'est classique. Rachid Bouali en faisait la démonstration sur la scène théâtrale il y a quelques jours avec son spectacle Un jour j'irai à Vancouver, j'aurai l'occasion d'y revenir. Ce qui l'est moins c'est le traitement de l'image et c'est une des forces de ce film qui évite l'écueil de la "bonne leçon".

Vous aurez deviné que s'il avait été dans la courses aux récompenses j'aurais décerné au comédien la place de premier de la classe. Oscarisé il y a quelques années meilleur acteur pour son rôle dans le Pianiste de Polanski Adrien Brody ne cherche pas les honneurs. Le personnage d'Henry Barthes n'est peut-être pas un artiste, mais il est de la veine de ceux qui aident à comprendre la psychologie humaine et à grandir. Et personnellement, j'aime que le cinéma ne soit pas qu'une distraction.

1 commentaire:

Céline a dit…

J'ai vu ce film et j'en pense la même chose que toi : c'est un film poignant, extraordinaire. Brody est un personnage très touchant, humain.
Si je ne devais regretter qu'une chose, c'est que même l'art ne permet pas à ces enfants de s'en sortir...

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