J'ai découvert Le mal des ardents, ainsi que son auteur lors d'une présentation dite de rentrée, organisée par l'éditeur. Ce type de soirée est toujours l'occasion d'humaniser les relations car je reçois des communiqués de presse en veux-tu-en-voilà et j'ai souvent le sentiment d'être inondée même si ce sont de précieuses sources d'information et que j'aime beaucoup découvrir de nouveaux sujets comme de nouveaux auteurs.
J'avais dans la tête la préparation d'une émission, pour Needradio.fr, sur les nouvelles peurs alimentaires. Car après le sel, l'alcool, le sucre, le gras, ce fut au gluten qu'on déclara la guerre, et ce sont désormais les produits laitiers qui effraient. Au final que restera-t-il dans nos assiettes alors que paradoxalement on consomme de plus en plus de produits transformés ?
J'avais présenté un roman dans le Talkshow précédent, et je n'imaginais pas solliciter un écrivain sur le sujet quand Frédéric Aribit m'a expliqué que le mal des ardents était dû à l'ergot de seigle, et qu'il avait provoqué un nombre phénoménal de morts, dont celle de Périclès, ce qu'il raconte dans son livre (p. 29 et svtes).
Le sujet lui a été suggéré par trois lycéennes qui ont fait un exposé passionnant dans le cadre des TPE (travaux personnels encadrés) communs à deux disciplines, la littérature et les sciences. L'intérêt a poussé Frédéric Aribit a changer d'avis quand au manuscrit qu'il s'apprêtait à rendre à Belfond. Il s'est attelé aussitôt à une nouvelle intrigue et c'est une chance car il a écrit un roman très original, à la fois historique et follement romantique.
Un jeune prof tombe par hasard sur une jeune femme, à Paris. Sa vie entière de prof de lettres désenchanté bascule. Il est subjugué par ses errances, ses fulgurances, et se lance à la poursuite de ce qu'elle incarne, comme une incandescence portée à ses limites. Mais le merveilleux devient étrange, et l'étrange inquiétant : Lou ne dort plus, se gratte beaucoup, semble en proie à de brusques accès de folie. Un soir, prise de convulsions terribles, elle est conduite à l'hôpital où elle plonge dans un incompréhensible coma. Le diagnostic, sidérant, mène à la boulangerie où elle achète son pain.
L'auteur nous raconte l'histoire d'un amour fou entre un jeune prof et une violoncelliste qui est aussi peintre et photographe. Lou est ce qu'on pourrait appeler une work-alcoolic (on pourrait inventer pour elle le terme d'art-alcoolic). Son énergie n'est pas "naturelle". Elle s'intoxique à son insu en mangeant du pain contaminé.
Il est loin le temps où le pain constituait l'essentiel de l'alimentation. De grosses tranches de pains rassis imbibés de sauce, appelées tranchoirs, faisaient, au Moyen-Age, office d’assiettes et étaient à la fin des repas, mangés, donnés aux pauvres ou jetés aux chiens.
Et pourtant le pourcentage d'ergot de seigle contenu dans les farines actuelles continue d'être extrêmement surveillé en Europe parce que la maladie n'est pas soignable. On n'en guérit pas, on doit attendre que le corps élimine la toxine, avec des conséquences très variables selon les individus, le risque le plus grave étant la folie. Les dernières contaminations importantes ont concerné 300 personnes à Pont-Saint-Esprit (cela ne s'invente pas) en 1951 avec plusieurs morts. Une petite alerte a été remarquée en 2010.
Ce type de champignons peut parasiter toutes les céréales, à l'exception du mais et du sorgho. Il fait encore des ravages en Afrique, Asie, et Amérique du Sud.
Frédéric Aribit fait le point sur ce mystérieux "mal des ardents" qu'on croyait disparu. Il analyse ce "feu sacré" qui consume l'être dans une urgence absolue ? Son personnage comprendra grâce à Lou, ce qu'est cette fièvre qui ne cesse de brûler, et qui s'appelle l'art.
Le lecteur apprend beaucoup de choses qui ont trait à l'histoire de la peinture et du christianisme. Saint-Antoine savait-il, en se nourrissant exclusivement de pain que le feu dont il brûlait n'était pas si sacré que ça ? L'étude sur l'ergot de seigle a permis entre autres aux scientifiques de découvrir un des composants du LSD en 1945.
L'un d'entre eux en a fait l'expérience brutale alors qu'il rentrait chez lui à bicyclette, ce qui inspira plusieurs chansons qui figurent toujours dans la a mythologie du rock.
Le roman est passionnant sur le plan historique, mais aussi parce qu'habilement, Frédéric Aribit a transposé à notre époque ce qui pourrait encore se produire dans le cadre d'une contamination. Le lecteur ne le découvre que progressivement, à mesure qu'il s'attache à la personnalité flamboyante de Lou. C'est un très beau roman d'amour et d'aventure.
Le mal des ardents de Frédéric Aribit, Belfond Pointillés, en librairie depuis le 17 août 2017
Un jeune prof tombe par hasard sur une jeune femme, à Paris. Sa vie entière de prof de lettres désenchanté bascule. Il est subjugué par ses errances, ses fulgurances, et se lance à la poursuite de ce qu'elle incarne, comme une incandescence portée à ses limites. Mais le merveilleux devient étrange, et l'étrange inquiétant : Lou ne dort plus, se gratte beaucoup, semble en proie à de brusques accès de folie. Un soir, prise de convulsions terribles, elle est conduite à l'hôpital où elle plonge dans un incompréhensible coma. Le diagnostic, sidérant, mène à la boulangerie où elle achète son pain.
Il est loin le temps où le pain constituait l'essentiel de l'alimentation. De grosses tranches de pains rassis imbibés de sauce, appelées tranchoirs, faisaient, au Moyen-Age, office d’assiettes et étaient à la fin des repas, mangés, donnés aux pauvres ou jetés aux chiens.
Et pourtant le pourcentage d'ergot de seigle contenu dans les farines actuelles continue d'être extrêmement surveillé en Europe parce que la maladie n'est pas soignable. On n'en guérit pas, on doit attendre que le corps élimine la toxine, avec des conséquences très variables selon les individus, le risque le plus grave étant la folie. Les dernières contaminations importantes ont concerné 300 personnes à Pont-Saint-Esprit (cela ne s'invente pas) en 1951 avec plusieurs morts. Une petite alerte a été remarquée en 2010.
Ce type de champignons peut parasiter toutes les céréales, à l'exception du mais et du sorgho. Il fait encore des ravages en Afrique, Asie, et Amérique du Sud.
Frédéric Aribit fait le point sur ce mystérieux "mal des ardents" qu'on croyait disparu. Il analyse ce "feu sacré" qui consume l'être dans une urgence absolue ? Son personnage comprendra grâce à Lou, ce qu'est cette fièvre qui ne cesse de brûler, et qui s'appelle l'art.
Le lecteur apprend beaucoup de choses qui ont trait à l'histoire de la peinture et du christianisme. Saint-Antoine savait-il, en se nourrissant exclusivement de pain que le feu dont il brûlait n'était pas si sacré que ça ? L'étude sur l'ergot de seigle a permis entre autres aux scientifiques de découvrir un des composants du LSD en 1945.
L'un d'entre eux en a fait l'expérience brutale alors qu'il rentrait chez lui à bicyclette, ce qui inspira plusieurs chansons qui figurent toujours dans la a mythologie du rock.
Le roman est passionnant sur le plan historique, mais aussi parce qu'habilement, Frédéric Aribit a transposé à notre époque ce qui pourrait encore se produire dans le cadre d'une contamination. Le lecteur ne le découvre que progressivement, à mesure qu'il s'attache à la personnalité flamboyante de Lou. C'est un très beau roman d'amour et d'aventure.
Le mal des ardents de Frédéric Aribit, Belfond Pointillés, en librairie depuis le 17 août 2017
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