Tchikan porte sur un sujet qui ne semble pas concerner les jeunes françaises autant que les japonaises ... à moins que le silence soit également une chape de plomb dans notre pays.
Kumi Sasaki nous fait, avec sincérité, le récit des angoisses qu'elle a supporté pendant des années.
On comprend mal qu'elle n'ait pu recevoir aucun soutien de sa mère ni des autorités qui administrent le métro, pas plus que celui de la police. Le Japon est un pays où la parole n'est pas libre. Mais c'est tout de même un comble : avoir inventé un terme (tchikan) pour désigner un phénomène (le harcèlement sexuel dans les transports) tout en prétendant que cela n'existe pas, ou de façon très minoritaire.
Le témoignage de la jeune femme est très fort parce qu'il est écrit au présent, avec toutefois un recul suffisant pour lui permettre d'insister sur les racines du processus. Les codes de la vie en société, tels qu'ils sont en vigueur dans ce pays, sont finement décryptés. On espère que, au-delà d'un effet positif de libération pour l'auteure, ce livre fera évoluer les mentalités en provoquant une prise de conscience face à l'absurde anomalie que constitue l'impunité dont jouissent toujours les tchikan (p. 125).
Kumi Sasaki y révèle non seulement une compétence narrative (partagée avec Emmanuel Arnaud) mais aussi un talent de dessinatrice.
Elle compare la vie à Hong-Kong où les enfant sont étroitement surveillés (p.11) avec le laxisme qui règne au Japon sous prétexte que le taux de criminalité y est le plus bas du monde. Les enfants sont totalement livrés à eux-mêmes pour leur déplacement par des parents inconscients du danger, ne serait-ce que celui de traverser une rue encombrée de voitures.
La jeune femme a attendu d'avoir dépassé la trentaine pour oser raconter ce qu'elle a subi sur la Yamanote-sen, qui est la ligne de train la plus fréquentée de tout le Japon. Elle situe à l'âge de 12 ans sa première confrontation avec un tchikan (p. 20), se souvenant parfaitement des 7 minutes qui l'ont marquée à jamais. Son martyre a duré des années. Le terme n'est pas excessif quand on sait qu'elle a songé au suicide.
Réaliser si jeune qu'on est une cible sexuelle est une expérience très éprouvante à laquelle rien ne la préparait. Les parents ne mettent pas leurs enfants en garde et c'est à peine si, depuis, elle a constaté qu'on évoquait parfois le sujet à la télévision.
De ce fait Kumi ne peut pas compter sur la moindre solidarité féminine, à l'exception de sa meilleure amie, Yuri, mais celle-ci n'est pas plus forte qu'elle pour régler le problème.
Aujourd'hui elle a la capacité d'analyser ce qui attire ces prédateurs de tous âges, dont l'apparence soignée en par ailleurs en costume cravate leur permet d'exercer leur vice en toute tranquillité dans la foule des heures de pointe. Pas vu, pas pris... Toute jeune fille portant une jupe longue, les socquettes de l'uniforme traditionnel qui lui donne l'apparence d'un ange fragile (p. 61), une sorte de poupée telle qu'on en trouve dans les mangas.
Kumi réfléchit désormais en adulte mais elle réussit à partager ses émotions en conservant un regard d'enfant, dans la formulation de certains souvenirs, et par les illustrations qu'elle a elle-même réalisées et toutes légendées à la main.
Les avances que ces hommes lui adressent sont surréalistes mais sans doute fascinantes car un jour elle accepte de suivre l'un d'entre eux, sans prévoir qu'elle bascule dans le plus pur cauchemar. Ce qu'elle raconte arrive à des milliers de jeunes filles. Les tarifs sont connus. Elle les donne dans le détail p. 72.
Ce n'est qu'en devenant étudiante à l'université que Kumi sera épargnée, parce qu'elle voyage désormais sur une autre ligne ferroviaire et surtout parce qu'elle ne porte plus l'uniforme. Elle aura pris de l'assurance et aura la capacité de dénoncer les pratiques ... mais sans davantage être prise au sérieux.
On se souvient du film égyptien Les Femmes du bus 678, réalisé par Mohamed Diab en 2012 sur un sujet semblable, ce qui signifie que le harcèlement sexuel dans les transports n'est pas spécifique du Japon. Kumi préfère vivre dans notre pays. Mais est-il réellement plus sûr ? On a vu récemment les étudiants être pris pour cible par des publicités tapageuses les incitant à la prostitution. Et les toutes récentes campagnes de dénonciation sur les harcèlements dont les femmes sont victimes sont aussi la triste preuve que l'on peut se taire pendant des années.
Tchikan d'Emmanuel Arnaud & Kumi Sasaki, Préface de Ghada Hatem, éditions Thierry Marchaisse, en librairie depuis le 5 octobre 2017
Kumi Sasaki y révèle non seulement une compétence narrative (partagée avec Emmanuel Arnaud) mais aussi un talent de dessinatrice.
Elle compare la vie à Hong-Kong où les enfant sont étroitement surveillés (p.11) avec le laxisme qui règne au Japon sous prétexte que le taux de criminalité y est le plus bas du monde. Les enfants sont totalement livrés à eux-mêmes pour leur déplacement par des parents inconscients du danger, ne serait-ce que celui de traverser une rue encombrée de voitures.
La jeune femme a attendu d'avoir dépassé la trentaine pour oser raconter ce qu'elle a subi sur la Yamanote-sen, qui est la ligne de train la plus fréquentée de tout le Japon. Elle situe à l'âge de 12 ans sa première confrontation avec un tchikan (p. 20), se souvenant parfaitement des 7 minutes qui l'ont marquée à jamais. Son martyre a duré des années. Le terme n'est pas excessif quand on sait qu'elle a songé au suicide.
Réaliser si jeune qu'on est une cible sexuelle est une expérience très éprouvante à laquelle rien ne la préparait. Les parents ne mettent pas leurs enfants en garde et c'est à peine si, depuis, elle a constaté qu'on évoquait parfois le sujet à la télévision.
De ce fait Kumi ne peut pas compter sur la moindre solidarité féminine, à l'exception de sa meilleure amie, Yuri, mais celle-ci n'est pas plus forte qu'elle pour régler le problème.
Aujourd'hui elle a la capacité d'analyser ce qui attire ces prédateurs de tous âges, dont l'apparence soignée en par ailleurs en costume cravate leur permet d'exercer leur vice en toute tranquillité dans la foule des heures de pointe. Pas vu, pas pris... Toute jeune fille portant une jupe longue, les socquettes de l'uniforme traditionnel qui lui donne l'apparence d'un ange fragile (p. 61), une sorte de poupée telle qu'on en trouve dans les mangas.
Kumi réfléchit désormais en adulte mais elle réussit à partager ses émotions en conservant un regard d'enfant, dans la formulation de certains souvenirs, et par les illustrations qu'elle a elle-même réalisées et toutes légendées à la main.
Les avances que ces hommes lui adressent sont surréalistes mais sans doute fascinantes car un jour elle accepte de suivre l'un d'entre eux, sans prévoir qu'elle bascule dans le plus pur cauchemar. Ce qu'elle raconte arrive à des milliers de jeunes filles. Les tarifs sont connus. Elle les donne dans le détail p. 72.
Ce n'est qu'en devenant étudiante à l'université que Kumi sera épargnée, parce qu'elle voyage désormais sur une autre ligne ferroviaire et surtout parce qu'elle ne porte plus l'uniforme. Elle aura pris de l'assurance et aura la capacité de dénoncer les pratiques ... mais sans davantage être prise au sérieux.
On se souvient du film égyptien Les Femmes du bus 678, réalisé par Mohamed Diab en 2012 sur un sujet semblable, ce qui signifie que le harcèlement sexuel dans les transports n'est pas spécifique du Japon. Kumi préfère vivre dans notre pays. Mais est-il réellement plus sûr ? On a vu récemment les étudiants être pris pour cible par des publicités tapageuses les incitant à la prostitution. Et les toutes récentes campagnes de dénonciation sur les harcèlements dont les femmes sont victimes sont aussi la triste preuve que l'on peut se taire pendant des années.
Tchikan d'Emmanuel Arnaud & Kumi Sasaki, Préface de Ghada Hatem, éditions Thierry Marchaisse, en librairie depuis le 5 octobre 2017
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