S'il n'y avait pas eu cet extrait dans la compilation du recueil du Prix Hors concours 2018... si je n'avais pas remarqué Emilie Lassaigne tirant une volumineuse valise (je ne savais alors pas que c'était elle).... si elle ne s'était pas assise précisément à côté de moi pendant l'annonce de la première sélection, ... si surtout je n'avais pas osé l'aborder pour lui dire tout le bien que je pensais des quelques pages que j'avais découvertes...
Cela fait beaucoup de coïncidences avant qu'un livre ne soit lu. Surtout quand l'auteur est une personne discrète, pas accro pour deux sous aux réseaux sociaux.
Et pourtant Les valses intimes sont un petit bijou. C'est un premier roman et j'ai l'impression qu'il est passé un peu inaperçu.
Mathias mène une vie qui ne fait pas beaucoup de place aux doutes. Il apprend brutalement que sa mère va mourir, alors qu’il ne l’a pas vue depuis plusieurs années. De retour dans la maison de son enfance, ce sont plusieurs mondes qui vont s’ouvrir à lui : le cahier qu’Hermine, sa mère, a écrit pour lui ; la relation particulière qui existe entre celle-ci et Blanche son infirmière ; la trace de son père, disparu depuis longtemps…
Ce roman est né de l’envie de témoigner sur l’accompagnement de fin de vie. Confrontée de multiples fois au déni, au malaise, au désespoir, à la solitude qui peuvent entourer ces moments et ayant fait l’expérience d’une autre manière de les vivre, il est apparu nécessaire à Emilie Lassaigne, qui exerce la profession de médecin, d’écrire que d’autres possibles existent. Mais la mort et la vie sont intimement mêlées, c’est pourquoi ce livre évoque aussi tout ce qui peut traverser et mouvoir différents personnages évoluant dans un même espace-temps ; il s’agirait ainsi simplement, comme elle le dit elle-même d’êtres au monde et de devenirs.
Le lecteur voit des liens se tisser entre les différents protagonistes, de manière légère, tels des danses, et néanmoins solides. Blanche est l'infirmière qui organise les soins palliatifs. Elle fait bien davantage en aidant Mathias à se rendre compte de ce qui est possible de partager encore avec elle. La force des sentiments entre Hermine et Georges est assez prodigieuse. Leur mariage est un très beau moment que l'auteur fait vivre au lecteur avec pudeur. La préparation des repas est d'ailleurs, d'une manière générale, un temps de paix et de partage.
On a compris vers quelle fin on s'achemine et pourtant on ne se lasse pas un seul instant et on savoure -c'est le mot- chacune des scènes comme si on y était convié. Un humour fin et pétillant se perçoit régulièrement, sorte de noble musique pour la valse lente (p. 79) qui fait encore tourner le coeur de Mathias et de sa mère. Bientôt il y aura la vie qui cesse, et qui continuera partout autour, (p.121), ... cet infini ballet du vivant.
Les valses intimes d'Emilie Lassaigne, publié par l'association Sicania, 47, rue du Panier – 13002 Marseille, fin août 2016
Autres livres de la sélection et précédemment chroniqués sur le blog : La fille du van, Il n'y a pas Internet au paradis.
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