Fanny Tonnelier a choisi pour son premier roman de nous faire voyager dans le temps et dans l'espace en retraçant le parcours peu banal d'Amélie Servoz, une jeune modiste d’origine savoyarde, dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle n’a pas froid aux yeux.
En 1910, elle rallie Saint-Pétersbourg avec, pour seul viatique, un guide de la Russie chiné en librairie et l’invitation d’une compatriote à reprendre sa boutique de chapeaux. Sept ans plus tard, la déliquescence de l’Empire l’oblige à fuir. Son retour, imprévisible et périlleux, lui fera traverser quatre pays, découvrir les bas-côtés de la guerre et rencontrer Friedrich…
Fanny Tonnelier s’est inspirée d’un pan d’histoire méconnu. J'ignorais qu'au début du XX° siècle de nombreuses Françaises partirent travailler en Russie. Comme il y a quelques années j'avais découvert l'émigration japonaise aux Etats-Unis (mais cette fois dans le contexte de la seconde guerre mondiale) dans un émouvant et fort réussi roman de Julie Otsuka : Certaines n'avaient jamais vu la mer.
L'auteure a une belle plume, c'est le minimum en l'occurrence pour nous raconter aussi bien les techniques de fabrication en matière de chapeaux et de plumasserie (p. 108). Et j'ai d'autant plus apprécié que je connais cet univers pour avoir fait des reportages dans la région de Caussade qui reste le premier foyer producteur en France.
Amélie est une jeune fille à forte personnalité et pourtant douce. Elle rencontre plusieurs hommes qui auront une importance sur son destin. Nicolas sera un ami précieux pour l'aider à prendre conscience du monde qui l'entourait, des injustices, des progrès qu'on pouvait faire pour améliorer la vie des gens. En un mot, il l'avait sortie du milieu de la mode, terre à terre et superficiel. (p.170)
Et plus tard Friedrich, dans le terrible contexte de la guerre, qui serait le précurseur d'une grande chaine de distribution de meubles scandinaves.
Je referme Pays provisoire avec un sentiment mitigé. J’applaudis la quantité du travail de recherche et la qualité de la construction du récit. Raconter ce voyage dans un tel contexte historique peu connu, c’est une excellente idée. Mais ... car il y a un mais, que je ne m’explique pas et qui pourtant transparaît dans d’autres billets concernant ce livre, manque-t-il quelque chose, un souffle que je ne saurais définir ? Je n’en accuse en rien l’auteure qui a fait un travail remarquable, mais l’éditeur dont le rôle est selon moi, d'entraîner son poulain le plus loin possible.
C'est une lecture que je recommande malgré cette réserve.
Pays provisoire, de Fanny Tonnelier, chez Alma éditeur, en librairie depuis le 4 janvier 2018
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