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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

mercredi 30 septembre 2009

Les Pièges du crépuscule soumis aux lectrices de ELLE

Frank Tallis a imaginé un tandem entre un inspecteur de police, Oskar Rheinhardt, et un psychiatre, Max Liebermann pour démonter les pièges qui claquent à la tombée de la nuit dans cette bonne ville de Vienne en ce début de XX° siècle houleux.

Le livre est composé d'une belle matière qui aurait pu donner un chef d'œuvre. Hélas, autant le Journal météorologique (cf billet du vendredi 25 septembre) fut aérien autant ces Pièges du crépuscule resteront obscurs.

Ce n'est pas parce qu'on écrit qu'on est écrivain. Et ce n'est pas parce qu'on est psychologue (clinicien) qu'on peut produire un thriller. Le travail éditorial a manqué et le pavé nous arrive brut de décoffrage. L'objet est pantagruélique, très documenté, très savant, parfois redondant, quelquefois au contraire elliptique. Trouver ne serait-ce que le prénom de l'inspecteur au fil des 414 pages fut une enquête à elle seule.

Frank Tallis compose à la fois un traité explicatif des théories freudiennes, un livre d'histoire contemporaine, un recueil de spécialités culinaires, un panorama des arts et ... accessoirement une intrigue policière. C'est trop pour un seul lecteur. Manifestement cet auteur n'a pas encore intégré l'expérience de la frustration et ses personnages, à son image, ne résistent à aucune gourmandise.

Il faudrait avoir la vie devant soi, des stylos de plusieurs couleurs et une paire de ciseaux, s'atteler à l'ouvrage, réaménager, couper dans la surabondance des dialogues, élaguer les dissertions, sacrifier des personnages secondaires voire tertiaires, resserrer l'intrigue... Cela pourrait même faire un excellent film.

A sa décharge je dirais que cet ouvrage étant le quatrième de la série il s'adresse peut-être davantage à un lecteur déjà aguerri. Paradoxalement ce livre m'a fait réaliser combien j'avais délaissé la cuisine depuis quelque temps. Il m'a mise en appétit de galettes de pommes de terre, de massepain, de cornes de gazelle et de riz au lait, encore que j'hésite aussi avec une vraie choucroute. Il m'a donné envie de relire Schnitzler et Goethe, et de réécouter Shubert et Malhler, ce qui n'est déjà pas si mal.

En tout cas j'ai retenu la leçon : l'inconscient est plein de ressources et sans culpabilité. Je ne vais donc pas me mettre la rate au court-bouillon en refermant le livre.

Les pièges du crépuscule de Frank Tallis, collection Grands détectives, Editions 10/18, 2009

mardi 29 septembre 2009

La Vie devant soi est en tournée

Après un triomphe la saison précédente, le "meilleur spectacle du théâtre privé en 2009" part à la rencontre du public des scènes conventionnées. C'est le théâtre Jean Arp de Clamart (92) qui l'a accueilli le premier pour ouvrir sa saison devant une salle comble samedi 26 septembre. Il sera à la Piscine de Chatenay-Malabry le vendredi 2 octobre.

L'adaptation a été écrite à partir du livre d'Emile Ajar, alias Romain Gary. L'auteur, déjà couronné par un Prix Goncourt, en a reçu un second alors que le règlement exclut le doublé. Mais voilà ... il a publié la Vie devant soi sous un autre nom. Le succès est immense. Il refuse le Prix mais on le lui impose malgré tout. Il sera remis à son neveu, lequel avait accepté d'endosser l'identité de cet Emile Ajar surdoué qui écrivit ensuite trois autres livres tout autant appréciés. Le secret fut gardé encore quelque temps après sa mort.

La personnalité de l'écrivain est étonnante et son talent est réellement exceptionnel. Ses romans n'ont rien perdu de leur vigueur. La Vie devant soi n'a pas été conçue pour le théâtre et Xavier Jaillard en a fait une adaptation très réussie (récompensée d'un deuxième Molière). Les coupes sont régulières, le texte obéit à de multiples remaniements, plusieurs personnages secondaires disparaissent. Mais le style Ajar demeure, avec sa syntaxe et son lexique si particuliers.

On entre doucement dans l'univers défraichi du 6 ème étage -sans ascenseur- de madame Rosa, une maitresse femme au coeur "gros comme çà" qui n'en peut plus. On partage l'intimité de ses dernières semaines avec Momo, l'enfant nourri, logé, blanchi depuis 11 ans.

La mère adoptive a besoin d'achever l'éducation de ce fils chéri qu'elle maintient à distance de l'Assistance Publique grâce à de "faux-papiers en règle" et avec le soutien du bon Docteur Katz. C'est que la crainte de l'héritage psychiatrique hante madame Rosa tout autant que la peur des français, des allemands et des flics qui ne l'a pas quittée depuis son retour d'Auschwitz.

Elle croit devenir folle en apprenant qu'il a jeté dans une bouche d'égout les 500 francs (une somme énorme pour l'époque) de la vente de son caniche à une gentille dame. C'est que Momo a une morale particulière. Il vend l'animal "pour qu'il ait une vie" mais il ne garde pas l'argent puisque c'était un animal volé.

Les dialogues sont savoureux et très drôles, dominés par des confusions de sens. Rosa refuse de se faire naturaliser. L'enfant s'affole à l'idée qu'on aurait pu l'empailler. Il comprend que tous les enfants qu'elle recueille sont nés par manque d'hygiène (absence de contraception) mais que cela lui permet de faire la sécu (de toucher de l'argent). De son côté madame Rosa admet que si Momo lui fait du souci il fait les courses aussi . Nous serons d'accord avec eux : tout est blanc ou noir, cela dépend d'où on regarde.

Aymen Saïdi habite Momo. Boudeur, gamin, enchainant les pourquoi, cherchant sans relâche à comprendre d'où il vient. Son accent tranche avec le phrasé correct de sa mère adoptive. En attendant d'avoir l'âge d'écrire les Misérables II, Momo joue encore et fredonne"En passant par la Lorraine sur son chameau".

Myriam Boyer incarne madame Rosa, avec une présence formidable. Rien d'étonnant à ce qu'elle ait reçu le Molière de la meilleure comédienne (en voilà donc un total de trois pour la pièce). Sa prestation est comparable à celle de Simone Signoret autrefois, dans un film qui obtint l'oscar du meilleur film étranger. Décidément le roman porte chance aux personnes de talent. Son Momo, elle est prête à tout pour le garder, falsifier son âge, changer Mohamed en Moïse, un musulman de naissance en juif pratiquant par "erreur identique".

On passe la soirée à rire et à réfléchir. Parce que les propos sont pleins de bon sens. C'est toute une philosophie de la tolérance qui nous est proposée. Les choses c'est comme les gens, cela n'a pas de valeur, sauf si quelqu'un les aime. Alors il faut aimer.

Ce sont les quatre derniers mots de la pièce comme du livre. Et nous avons toute la vie devant nous pour les appliquer. C'est aussi le secret du bonheur. Khaïrem ! autrement dit juré, craché !

Pour connaitre la programmation du théâtre Jean Arp : http://www.theatrearp.com/
Et le théâtre firmin Gémier -La Piscine : http://www.theatrefirmingemier-lapiscine.fr/

lundi 28 septembre 2009

Rouja Lazarova soumet Mausolée aux lectrices de ELLE

Je n'oserai pas dire que cette lecture est un bonheur parce que le sujet est grave. Mais le style est si fluide que le roman se lit comme on boit du petit lait. Avec facilité et sans pouvoir se freiner.

C'est le troisième roman en deux mois qui me raconte des histoires qui se sont passées dans l'ex bloc soviétique. Et la rentrée littéraire en annonce d'autres encore. Est-ce l'approche de l'année russe ? Est-ce que le temps du silence est définitivement clos ? Est-ce que la peur des représailles s'est éteinte ? Il semblerait que les mémoires s'ouvrent. Les langues se délient et elles ne mâchent pas leurs mots.

20% de la tranche des 20-40 ans ont émigré aux quatre coins du monde dans les années 1990. Rouja Lazarova s'est alors installée en France. Elle apprécie d'y vivre en toute indépendance, se déplace à moto et n'est pas effrayée par la solitude. C'est en français qu'elle a publié déjà 4 romans. La découverte de la statue de Sacho le Violoniste (Sacho Sladura) est le point de départ du dernier. Il devient, avec le journaliste repenti, Yovo, les deux personnages réels du livre qu'elle a voulu écrire à propos de l'histoire de son pays d'origine, la Bulgarie pour dénoncer la terreur dans laquelle un peuple entier a été confiné des années.

Pendant plus de 4 ans elle interroge sa famille, à commencer par sa mère, qui a bien connu Sacho, victime désormais reconnue du communisme, mais aussi ses amis, et leurs proches. Parallèlement, elle obtient un séjour dans une résidence d'écrivains en Camargue et d'une bourse de trois mois au Centre régional du livre de Franche-Compté. Elle enchaine les piges et travaille sans relâche.

L'histoire de cette période n'est pas encore écrite et la documentation fait défaut. Rouja n'est pas historienne et ce n'est pas tant la vérité qu'elle veut reconstituer mais l'atmosphère quotidienne et les ravages qui s'en sont suivi quand on a cru que le pire était derrière, croyant la liberté positive.

Les faits réels ont inspiré le roman. Mausolée se lit comme tel et à double sens. C'est le récit monumental des petites et grandes humiliations quotidiennes, la dénonciation de la duplicité du système, la différence de comportement entre l'extérieur et le domicile. C'est aussi un hymne à la vitalité des habitants, à leur volonté et leur courage. A leur lutte incessante et désespérée contre la paranoïa qui a fini par imprimer leur patrimoine génétique, les empêchant de croire les informations imprimées sur du papier journal.

C'est encore le portrait de trois femmes emblématiques de leur génération : Gaby, Rada et Milena, dont les récits de vie coulent comme les confidences dans une oreille amie.

On savait l'essentiel mais on comprend mieux comment on a pu trouver "normal" que les évènements soient surprenants, que les crimes et les châtiments pleuvent sans crier gare, que les vérités passent pour des mensonges et que les mensonges se travestissent en vérités.

Le lecteur suit le rythme répétitif des marches militaires enseignées dès la maternelle, la scansion des slogans, le par cœur des méthodes d'apprentissage et les enrôlements en brigades.

On s'interroge sur la finalité politique. Bêtise ou méchanceté ? Cette question, les Bulgares ont à peine osé se la poser 45 ans durant jusqu'à finir par trouver le moyen d'en rire pour en survivre, mais sans jamais réussir à se débarrasser de la peur. Sans jamais sombrer trop bas non plus parce que l'homme socialiste n'a pas accès à la psychologie. Déprimer serait un comportement dissident, un luxe en quelque sorte. Il valait mieux se résigner.

On savait cela. La surprise est plus forte d'apprendre combien l'effondrement du communisme n'a pas apporté une meilleure qualité de vie, bien au contraire. Les banqueroutes, les privatisations, les tickets de rationnement, le chômage, les pressions exercées par les mafias sont arrivés en même temps que la liberté de penser. Beaucoup de familles se sont enfoncées dans la misère. Le développement touristique a ravagé la cote de la mer Noire. Les communistes ont vendu très vite leur âme au dollar pour leur garantir de rester maitres du pouvoir économique.

Chaque retour en Bulgarie ravive les plaies : les habitants n'y sont toujours pas heureux et les traumatismes du totalitarisme et de la période post-communiste n'ont pas fini d'être source d'inspiration. On a envie de conclure qu'au fond "ce n'est pas du roman" et c'est ce qui fait l'intérêt principal du livre.


Mausolée de Rouja Lazarova, Flammarion, 331 pages

dimanche 27 septembre 2009

Le monde selon Gulliver ... à Verrières

La petite bourgade de la banlieue parisienne a organisé une très grande exposition autour du conte philosophique de Jonathan Swift en invitant plus de deux douzaines d'artistes, et plusieurs écoles et transformant le temps d'un week-end la Propriété Vaillant en un Musée d'Art contemporain qui prend des airs de Cartier à Jouy-en-Josas ... en version miniature bien sûr.

Le programme place la question d'échelle au centre du débat. Ce sera aussi le thème de la conférence que donnera (en accès libre) Pierre Gilles, professeur d'arts plastiques, dans cette même Maison Vaillant le jeudi 1er octobre prochain. Il me semble que tout est davantage question de sensibilité. Et pour aiguiser la vôtre je soumets à votre regard quelques clichés que j'ai pris dans le parc et dans les étages.

Alain Aghaïan est licier. Il a accroché quelques panneaux très colorés, où des morceaux de bouteilles plastique irradient des faisceaux lumineux sur le sol au moindre rayon de soleil. Rien à voir avec Gulliver mais magnifiques.
Il s'est associé avec Bernard Leclerc, céramiste, pour imaginer ce MONDE PETIT PETIT PETIT PETIT , investi de petits bonhommes qui dégringolent de la toile.
Les enfants de classes de Petite Section et de Moyenne Section se sont eux associés à des Grands de CE1 pour accrocher la Grande lessive entre deux arbres :
Des grandes Sections ont conçu l'Oeuf à la coque de Gulliver sur cette jolie nappe à carreaux qui ne résisterait pas au lavage.Caroline Poncet Thirion a installé 10 ready-made dans la serre, faisant voleter sans relâche un papillon infatigable tandis que, devant la fenêtre de l'Orangerie, les élèves d'une classe de 3ème ont planté trois séries des plus belles mouches de l'Ouest.

Je découvre des mots nouveaux comme celui de Laputien, qui est le nom que Marie-Laure Bonneville et Claude Boutin Gendreau ont donné à leurs terres cuites et peintes qu'elles ont plantées dans les buissons au bout d'une tige rouge.L'échelle est quasi respectée pour ce cheval d'acier patiné, en métal plié en deux morceaux par Jean-Louis Sauvat. Ce cavalier amateur monte quotidiennement et se fait aussi dresseur. Il a sculpté pour Hermès ou Daum. Mais c'est en observant sa femme jardiner qu'il a voulu placer des chevaux dans un jardin.
A l'intérieur de la Maison Vaillant on verra des eaux-fortes, comme celle-ci (ci-dessous), de Thomas Mielot, intitulée l'Espoir.
J.R. Meunier a placé ce Quintette en terre cuite et pigments, à coté d'un géant dont la silhouette fait songer à Gaston Chaissac.Le temps de traverser l'installation photographique d'Emile Barret (en n'oubliant pas de lever les yeux au plafond, lui aussi recouvert d'une bâche) et nous grimpons au deuxième étage. Etienne Gros a suspendu d'immenses toiles composant des gros plan du corps humain, et quelques autres, plus modestes comme cette nuque, qui apparait néanmoins immense sur la photo, comme quoi tout est bien question d'échelle :
L'installation d'Elise Patte est à la fois monumentale et délicate, cernée au sol par une fine barrière de graines colorées. La voix et les chants de Nora Idir accompagne le visiteur dans sa découverte de personnages en céramique à travers les ouvertures de masques géants.
Une petite fille aperçoit son propre reflet dans le miroir et s'exclame : regarde, on en fait partie !

Je m'étais rendue avec appréhension au vernissage, craignant de rencontrer une personne désenchantée de n'avoir pas été suffisamment à l'honneur dans un précédent article du blog. Cette "artiste" m'avait prise à partie dans une galerie parisienne parce que je n'avais pas photographié les sculptures qu'elle avait exposées à Verrières.

Au risque de me répéter je vais redire que je ne peux pas TOUT photographier et qu'il ne faut pas chercher de hiérarchie ou de jugements de valeur dans les œuvres que je retiens. Mon propos est surtout de donner envie au lecteur d'aller sur place forger son propre point de vue.

Vous avez jusqu'à ce soir pour cela. C'est court, trop sans doute, mais comme me le disait une autre artiste invitée, ce qui est sensationnel à Verrières c'est que les exposants sont présents et prêts à discuter avec le public.

C'est donc à un vrai rendez-vous que vous êtes désormais conviés ici le dernier week-end de septembre, pour la seconde année, après "Rouge comme la vie". Gageons que cette tradition aurait séduit André Malraux, Ministre de la Culture et illustre résident de la ville.

Maison Vaillant, 66 rue d'Estienne d'Orves - 91370 Verrières-le-Buisson
Exposition et ateliers samedi 26 et dimanche 27 septembre 2009, de 10 heures à 20 heures,
Conférence le jeudi 1er octobre en salle 305. Toutes ces manifestations sont en accès libre.

samedi 26 septembre 2009

Le Chant du dindon, la nouvelle création du Cirque Rasposo

Ce n'était pas la toute première représentation mais la première pour la région parisienne et le public a été conquis par la performance de la troupe, hier soir, à l'espace Cirque d'Antony (92).

J'annonçais ce spectacle le 17 septembre car il me semblait que nous allions vivre un moment assez différent de ce que l'on peut voir classiquement au cirque, même sur une scène comme celle d'Antony où le public a désormais l'habitude d'être surpris.

L'étonnement fut effectivement au rendez-vous. On annonce chaque saison que le cirque a changé, et on épuise l'adjectif "nouveau" qu'on fait alterner avec "contemporain". Pour les Rasposo il va falloir créer encore une autre catégorie. Je proposerais celle de "cirque théâtral".

La mise en scène est extrêmement construite, à l'instar d'une pièce de théâtre, servie par de vrais décors et de magnifiques costumes. Les dialogues sont écrits, sauf que ce ne sont pas des paroles, mais des figures acrobatiques. Chaque artiste endosse le rôle d'un ou plusieurs personnages et le public est lui-même de la partie, appelé à faire de la figuration un bref instant, le temps d'élargir la scène.

Les musiciens sont alertes et déjantés. Il faut les voir jouer dans toutes les situations et positions possibles. Dieu que c'est résistant une contrebasse ! Il y a des animaux ... peu classiques au cirque : une souricette à la robe noire et blanche, de bons gros chiens, et bien entendu un dindon dodu, fort placide.

Les artistes sont surtout acrobates. Le travail du corps est exigeant et esthétique. Le tout dans une atmosphère gourmande, exaltée et fellinienne.
Les photos que j'ai prises n'en sont qu'un reflet estompé mais il y avait hier soir des photographes de presse qui se sont "régalés". Bientôt vous verrez dans les magazines des clichés très surprenants. Vous pouvez aussi visionner des extraits vidéo sur le site de la troupe. Mais vous pouvez surtout venir les voir en "vrai et en live" faute de regretter d'avoir boudé ce moment extraordinaire. Ne dites pas qu'on ne vous a rien dit.


Quoi ? Il vous en faut davantage ? Eh bien je vais raconter : les spectateurs s'installent alors que la troupe achève de dîner. L'orchestre commence à s'accorder. Vincent tire une corde de sa poche et distrait le premier rang en l'interrogeant : tu sais faire un nœud ? Puis hop, le nœud disparait. Le repas traine en longueur. Le clown entreprend d'accélérer les choses mais se prend les pieds dans les tréteaux et déploie son corps et son ingéniosité pour rétablir l'équilibre.

Joseph plie bagages, souricette cramponnée à ses cheveux. Julien déboule avec sa colère, prêt à en découdre avec le mât chinois qu'il aborde avec ses gants de boxe. Museau sur les pattes, regard blasé, son chien ne bronche pas.

Les spectateurs sont si proches qu'ils ont presque le nez sur scène. On voit bien qu'il n'y a jamais aucun trucage. Les prouesses sont grandeur nature. Les musiciens rivalisent d'imagination pour nous surprendre. Jusqu'à continuer à jouer en se laissant coincer entre deux chaises. Les acrobates déclinent jeux de mains et jeux de pieds, se renvoyant Marie de l'un à l'autre. Ma jeune voisine arrête d'envoyer des SMS à tout va et me questionne : j'y comprends rien. Elle les aime ou elle les aime pas ? Je souris, amusée qu'elle morde à ce point à l'hameçon, comme au cinéma.
Et voici le dindon qui met le premier rang en émoi avant un entr'acte qui permet de se rafraichir et d'échanger les impressions.

Qui permet aussi d'aller feuilleter, sous la seconde tente, le choix de livres d'Arnaud. Beaucoup de théâtres proposent des livres mais celui de l'Espace Livres d'Antony-Chatenay est toujours le fruit d'une sélection fine, et pas nécessairement onéreuse. Cette fois c'est Mon cirque de Xavier Deneux, éditions Tourbillon dont les tout-petits prendront plaisir à tourner les pages épaisses. Vous n'avez pas vu mon nez ? d'Antonin Louchard pour des enfants à peine plus grands. C'est un livre-jeu caché dans une boite qu'on dirait conçue pour des bonbons. Ce sont aussi des ouvrages sur le cirque de Calder (dont j'ai rendu compte sur le blog le 2 avril) et quelques autre encore.

Retour sous l'autre tente, laquelle en abrite une plus modeste, qui a des allures de tente dans le désert. Katell achève de se préparer, jouant du boa avec ses pieds, derrière un voile qui lui modèle la silhouette de Shéhérazade.

Les deux Vincent se chamaillent avec des cordes. Le lustre explose et se démultiplie. Jan jongle avec ses massues tout en domptant la lumière. Le clown devient franchement acrobate. Trop fort ! s'exclame ma jeune voisine. Marie devient fil-de-ferriste "comme sur la photo".

Le public est conquis et Fanny doit s'imposer pour dire quelques mots de remerciements. Il parait qu'il reste quelques rares places jeudi, et quelques autres mercredi. Rassurez-vous elles ne sont pas numérotées et sont toutes excellentes. Je ne vous ai rien dit de la manière du dindon de chanter ... c'est la surprise !

Pour tout savoir des spectacles de la Scène conventionnée d'Antony-Châtenay : 01 41 87 20 84
et www.theatrefirmingemier-lapiscine.fr
06 33 29 85 30 le jour des représentations, pour tout renseignement de dernière minute
• Le Chant du Dindon est donné à l'Espace Cirque, rue Georges Suant - 92160 Antony, du 25 septembre au 4 octobre à 20 heures (mercredi et samedi à 16 heures)
Navette gratuite depuis la gare RER d'Antony et le Théâtre La Piscine

vendredi 25 septembre 2009

Journal météorologique

J'avais reçu les Pièges du crépuscule ce mois-ci et je me devais de l'achever pour envoyer au magazine ELLE un avis circonstancié sur ce livre concourant dans la catégorie "roman policier". Je ne suis pas pressée de publier mon avis sur le blog : il y a mieux à dire avant.

Je m'essoufflais franchement quand ce Journal échut entre mes mains. C'est un peu l'histoire toute simple d'un été où il n'y eut pas de grands mots ni d'évènements qui font les romans spectaculaires, mais une vie simple de trois êtres sous un ciel changeant. Beaucoup d'orages et d'éclaircies. Ce résumé, que j'emprunte directement à l'auteur (p.11) donne le ton des 150 pages qui se savourent paisiblement.

22 h 40. L'estuaire prend une teinte foncée qui coule, se divise et multiplie les reflets et les courants ... Des bleus et des mauves naissent en bandes parallèles dans l'estuaire. L'apaisement gagne la baie; l'attente et le calme se forment et nous touchent tous trois autour de la table. une tache d'huile d'olive s'étend sur la nappe en papier gaufré. Le silence s'installe entre nous. dans cette torpeur, le léchouillage des vaguelettes qui approchent signale que la marée va bientôt être au plein. Un saladier ressemble à une vasque romaine. Les flammes des bougies font vaciller les ombres entrecroisées des carafes et des verres à pied sur la nappe. (p.14)

L'auteur ose emprunter un mot du vocabulaire familier (léchouillage). Il ne craint pas les répétitions. Il n'a pas cherché un synonyme pour éviter les redites (estuaire, nappe). Comme là aussi où l'exquise broderie bleue d'une de ses veines (...) rejoint quelques lignes plus bas la broderie froissée d'un chemisier.(p.39)

J'y ai appris aussi des mots que j'ignorais : les roses trémières portent des parfums anthumes et posthumes, et le linge sale, sous la toiture carrée de la cuisine, se change en linge propre par miracle. (p.99)

Il en résulte une indéfinissable sensation : fraicheur d'un texte jeté "naturellement" et pourtant élaboré. Qui se lit comme on regarde un feu de cheminée qui réinvente inlassablement le spectacle. Sauf qu'ici ce sont les vagues qui ravivent les souvenirs.

Fervent admirateur de Proust, directeur de collection au Mercure de France, journaliste au Point, mais surtout écrivain, Jacques-Pierre Amette a reçu le Prix Goncourt en 2003 pour "la Maitresse de Brecht". Le Journal de ce normand est une ode à la Bretagne, comparable à un poème en prose, s'approchant parfois de la puissance des Contemplations de Victor Hugo.

En effet, quand la couleuvre froide de la tristesse se glisse en lui, l'auteur laisse la nostalgie déborder (p.108) et son âme prend des accents slaves, obéissant à ce besoin qu'il a de famille russe qui rit, pleure, se souvient, s'étreint, se console, se déchire, fume le cigare, parle de Moscou ... Il écoute les vagues lentes déferler puis s'éloigner ... (p.139)

Sans jamais s'égarer, il nous invite au plus près de sa rêverie qui n'est pas si solitaire qu'il y parait. Il se livre au délicat exercice de la confidence avec retenue et pudeur sur le ton du bavardage. La rentrée littéraire a charié une énorme cargaison de quelques 650 ouvrages (et parmi eux le dernier de l'écrivain-ami qui lui rend visite qui se trouve être Olivier Rolin) sur lesquels se jettent les lecteurs comme s'il s'agissait d'une denrée rare. Cela devient insupportable d'entendre que la durée de vie d'un livre n'excède pas deux mois sur les tables des libraires. Heureusement que les bibliothèques les conservent plus longtemps, osant les brandir sur des présentoirs affichant les "coups de coeur".

Ce Journal est l'un de ceux-là. Et le lire c'est prolonger l'été encore un peu.

Journal météorologique », de Jacques-Pierre Amette, Éditions des Équateurs, 2009

jeudi 24 septembre 2009

Le Livre sur la Place est trentenaire

Nancy était « la » ville à la page ce week-end.
On y célébré avec succès les trente ans du Livre sur la place.

C’est le premier Salon littéraire de la rentrée. Les écrivains sont heureux de tourner la page des vacances et de se retrouver entre eux. Didier Decoin vit tous les ans ce moment avec la même intensité. C’est comme un sapin de Noël m’a-t-il confié en prenant le train vendredi soir. Je n’imagine pas septembre sans venir à Nancy.

Les lecteurs sont loin de songer que la vie d’un écrivain se passe aussi dans le bruit à serrer des mains, écrire des dédicaces et écouter gentiment des inconnus leur parler d’eux-mêmes. Bientôt les « presque collègues » se lasseront un peu d’inscrire les horaires de train sur leurs agendas et de passer tous leurs week-ends au coude à coude. Jay Alis fait le compte : l’an dernier j’ai passé moins de temps avec ma famille qu’avec d’autres auteurs.

Mais pour l’heure c’est encore l’été et ce ne sont pas les averses de dimanche soir qui auraient pu gâcher les retrouvailles. Elles ont d’ailleurs été aussi soudaines que brèves, preuve modeste mais réelle, qu’Erik Orsenna a raison de nous alerter : les phénomènes climatiques seront de plus en plus violents et il n’y aura bientôt plus de climat tempéré comme on les a connus.

Le plan du Salon facilite les échanges. Tout est à portée de pieds pour tout le monde. On déambule d’une place à l’autre sans se soucier des voitures, comme à Venise, … les canaux en moins, ou plutôt les canaux plus loin puisqu’à quelques minutes de tram (qui ne déraille plus et qui était gratuit ce dimanche) on peut savourer les rives de la Meurthe ou découvrir l’Autre Canal, la Scène de musiques actuelles qui ouvrait vendredi dernier.

C’est que Nancy cumule les manifestations, provoquant l’essoufflement de quelques-uns qui interpellent les élus. Le calendrier des Journées du patrimoine est fixé au niveau européen. Celui de Livre sur la place obéit à la demande des éditeurs. D’où des télescopages sympathiques entre les groupes.

J’ai croisé des conférenciers racontant la ville et ses remparts de 16 mètres de haut, rabotés par la volonté de Louis XIV, des académiciens dévoilant une plaque commémorative rue des Carmes, un petit garçon faisant tourner une roue à aubes, une fillette grimpant les marches du Palais du Gouvernement avec inquiétude : tu crois papa que c’était un château de sorcières ? J’ai relevé des pronostics à propos « du » prix Goncourt mais je me tairai jusqu’au verdict.

Que vous dire de l’ambiance ? Ceux qui y étaient (130 000 visiteurs) approuveront : elle était détendue et propice aux échanges de points de vue. Erik Orsenna livrait ses coordonnées en prévenant qu’il était inutile de le chercher sur Meetic ou Facebook. A l’inverse, David Foenkinos, y donnait rendez-vous aux Nathalie. La langue de Bernard Pivot fourchait, changeant le prénom de Viviane Forrester en Virginia (Woolf) à l’issue de la remise du Goncourt de la biographie couronnant son magnifique travail sur cette femme de lettres anglaise.

Les larmes aussi furent de la partie. L’émotion faisait chanceler Michel Caffier, missionné par Jean Vautrin pour cueillir la Feuille d’or offerte par les métalliers lorrains en hommage pour son œuvre. Cet homme au talent immense, que la maladie freine à peine, continue d’écrire, et regarde passer les torrents de la vie au fond du jardin japonais qu’il a dessiné dans sa propriété bordelaise. Le lien avec la Lorraine ne faiblit pas et il a écrit dans une lettre magnifique combien ce prix le rendait heureux.
La voix de Daniel Mesguich a résonné sous les ors de l’Hôtel de Ville, déclinant plusieurs tonalités humoristiques avec décalage, poésie, surréalisme. Le parterre a été conquis par le choix des textes, depuis Aragon à Kafka en passant par Borgès et Eric Chevillard.

Les artisans à l’honneur dans le numéro spécial du Point se croisaient au micro de Radio Bleue Sud Lorraine avec les écrivains et les éditeurs. Patrick Poivre d’Arvor se faisait un peu attendre, mais comment ne pas lui pardonner … traverser la place Stanislas le jour de son anniversaire prend forcément un certain temps.

Vous imaginez bien que ce n’est pas en quelques lignes et trois clichés que je pourrais tout dire du Livre sur la Place (l’abondance des majuscules plaira à François de Closets). Juste exprimer combien j’ai été heureuse de goûter le cru de cette année et d’y faire provision de belles rencontres que je relaterai dans les jours et semaines à venir.

En attendant vous pouvez consulter le site de la manifestation. Les lectures de Daniel Mesguich y sont écoutables en ligne avec une qualité de captation exceptionnelle.

mercredi 23 septembre 2009

A défaut de colchiques

Colchiques dans les prés fleurissent, fleurissent
Colchiques dans les prés, c'est la fin de l'été.
La feuille d'automne emportée par le vent
En ronde monotone tombe en tourbillonnant.

Cette ritournelle revenait chaque année à la rentrée, non pas littéraire, mais scolaire pour signifier que les vacances étaient bien terminées. La poésie s'achevait sur
Et ce chant dans mon cœur, murmure, murmure
Et ce chant dans mon cœur appelle le bonheur.

Comment dans ces conditions regretter longtemps les châteaux de sable et les cheveux mouillés de sel. Nous renfilions les chaussettes, redescendions nos manches et acceptions de plier sous le poids de cartables qui n'étaient pas encore munis de roulettes.

La brusque flambée des cyclamens sauvages sur ma pelouse tonsurée m'évoque cet épisode de l'enfance. Peu d'entre nous se souviennent de l'auteure, Francine Cokempot. D'autres penseront à la dernière chanson de l'album de Francis Cabrel les Murs de poussière (1977). Il l'avait simplement intitulée Automne. Une saison qui commence aujourd'hui.

mardi 22 septembre 2009

L'intranquille

Les paroles de Gérard Garouste sont reprises sur la quatrième de couverture. Personne d'autre que lui n'aurait d'ailleurs pu le dire :
" Je suis le fils d'un salopard qui m'aimait. Mon père était un marchand de meubles qui récupéra les biens des Juifs déportés. Mot par mot, il m'a fallu démonter cette grande duperie que fut mon éducation. À vingt-huit ans, j'ai connu une première crise de délire, puis d'autres. Je fais des séjours réguliers en hôpital psychiatrique. Pas sûr que tout cela ait un rapport, mais l'enfance et la folie sont à mes trousses. Longtemps je n'ai été qu'une somme de questions. Aujourd'hui, j'ai soixante-trois ans, je ne suis pas un sage, je ne suis pas guéri, je suis peintre. Et je crois pouvoir transmettre ce que j'ai compris. "
Rien ne l'arrête et c'est avec beaucoup d'honnêteté qu'il va dérouler le fil de sa vie, aidé, pour l'écriture par Judith Perrignon, ancienne journaliste de Libération, ayant l’habitude du travail d’enquête et connaissant déjà le monde de la peinture pour s'être attelée à une biographie des frères Van Gogh.

Le bandeau, un peu effrayant, ne m'aurait pas encouragée à l'ouvrir. C'est le second livre de la catégorie "essai" que je "dois" lire pour le Prix des lectrices de ELLE et je ne regrette pas de ne pas m'être dérobée parce que, une fois le pas franchi, j'ai tourné les pages sans faiblir.

S'agissant d'un travail collectif, on ne sait auquel des auteurs on doit tel ou tel morceau et c'est un peu gênant dans le cadre du Prix. Mon intime conviction est que le travail est somme toute équilibré entre les deux protagonistes parce que la construction semble trop honnête pour avoir été romancée. Pourtant le livre se situe entre malgré tout à la frontière de l'autobiographie.

Son père est violent, carrément psychopathe, imaginant le monde à sa manière et capable de furies lorsque les évènements lui résistent. L'antisémitisme dont il fait preuve est teinté d'admiration et son ressentiment est un effet de la peur.

Gérard Garouste est un personnage attachant. En tant qu'enfant et ensuite comme adulte, malgré les crises qu'il relate avec lucidité. S'il n'avouait pas sa folie lui-même on ne lui collerait pas cette étiquette tant le récit est limpide et sensé. Il semble se tenir avec prudence à l'écart du monde de la nuit, qu'il sent totalement déjanté. Il a des amis célèbres, comme Jean-Michel Ribes ou Patrick Modiano, mais les sentiments qui les unissent remontent au temps de la pension. On ne sent jamais de relation factice avec cet homme. Il est ancré dans une solide ruralité, construite par des vacances passées en Bourgogne, chez un couple étonnant qui accueillait des enfants de l'Assistance publique.

C'est encore à l'école qu'il fait la connaissance avec Elisabeth, qui deviendra sa femme et à qui il rend hommage. J'ai quand même regretté qu'il ne s'attarde pas davantage sur ses talents à elle. Il faut quasiment deviner qu'il la présente à Fabrice Emaer pour aménager et décorer le restaurant-club Le Privilège installé au sein du Palace, la boîte de nuit la plus courue de Paris. Nous sommes début 1980. Élisabeth Garouste s'associe à l'italien Mattia Bonetti. Elle deviendra très vite un architecte d'intérieur de renom en se spécialisant dans le mobilier "baroque et barbare". En 1985 elle expose à la galerie parisienne Neotu. Deux ans plus tard c'est elle qui recompose le salon de couture de Christian Lacroix. Elle travaille en 1990 pour Nina Ricci, Daum, David Gill, et la ligne Roset. C'est encore elle qui a conçu ce Cabinet extraordinaire en fer forgé et terre cuite émaillée, plaque de verre, appelé « L’Enfer » et réalisé en seulement quelques exemplaires en 1997. C'est un des meubles illustrant les diverses symboliques de la couleur rouge de l'exposition Aussi rouge que possible au musée des Arts décoratifs que j'ai largement relaté en août dernier.

L'enfer, c'est aussi le quotidien de Gérard quand les secrets de famille l'étouffent. L'antisémitisme de son père et son enrichissement malhonnête ont beau être de notoriété publique c'est Gérard qui endosse la culpabilité. Jusqu'à la démence, ruinant ses pulsions créatrices car, il l'explique très bien, c'est un raccourci romantique de croire que la folie puisse alimenter une énergie créatrice. La folie met au contraire l'artiste à distance et il n'y a guère que la réalisation de plusieurs ensembles de panneaux décoratifs pour le Palace qui lui permettent d'assurer le quotidien.

Il lui faudra des années avant de se libérer du poids des remords qui le font glisser dans la dépression. La colère de sa femme, le menaçant de le quitter, l'amène à se surpasser. Il la sent à bout et la peur l'emporte alors sur la dépression. Il devient prolixe. Il est remarqué par Léo Castelli, un galeriste new-yorkais qui l'impose au monde entier. Son évocation est prétexte à nous livrer ses réflexions sur le marché de l'art au XX°siècle. Garouste, qui est aussi sculpteur et graveur, aurait peint 600 tableaux, signés, non datés, avec beaucoup de repentir. C'est le joli nom que l'on donne aux "corrections" faites par le peintre sur la toile inachevée.

Selon son analyse Van Gogh aurait laissé des oeuvres encore plus puissantes s'il avait vécu plus longtemps (et sain d'esprit). Et Vélasquez et Picasso, qui ont tant travaillé, n'ont jamais eu besoin du désespoir pour trouver l'inspiration.

Il livre ses réflexions sur le monde de l'art, décrit le choc que l'exposition de la collection d'art brut de Dubuffet a représenté pour lui, s'estime avoir été influencé par Marcel Duchamp qui jugeait la peinture passéiste. Il développe aussi une intéressante théorie des "classiques et des indiens". Les seconds sont des intuitifs, insoumis et créatifs, souvent au bord du gouffre. C'est bien entendu dans cette catégorie qu'il se place mais il voudrait s'autoriser davantage de légèreté. C'est un homme qui a réfléchit sur lui-même en se tournant vers les autres. Il affirme que les livres lui ont "nettoyé" la tête. Il a voulu apprendre l'hébreu pour étudier les textes fondateurs. Il s'exerce à la pratique du doute positif. Espérons que ce livre en forme d'aveu lui procurera un peu de quiétude et guettons ses futures toiles.

Résultant d'une année de rencontres, de confidences et de recherches documentaires cette biographie (annoncée comme "la" première) ne nous dit pas tout. Elle a l'immense mérite de nous faire comprendre la personnalité d'un des peintres les plus marquants de notre époque. Et c'est déjà beaucoup. Elle donnera aussi l'envie à ceux qui veulent toujours aller plus loin de se plonger dans le Livre de l'intranquillité de Fernando Pessoa (chez Christian Bourgois, 1999).

L'Intranquille

Autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou, de Gérard Garouste, avec Judith Perrignon.
L'iconoclaste, 200 pages

jeudi 17 septembre 2009

Le Chant du Dindon

Après Parfum d’Est que les fidèles de l’Espace Cirque d'Antony (92) ont pu voir en 2006 voici que la Compagnie Rasposo revient avec le Chant du dindon, un spectacle qui a été créé au Carré magique de Lannion (Côtes-d'Armor) en mai, est passé cet été par le festival Chalon dans la rue à Chalon-sur-Saône et qui est programmé pour le CIRCA, le prestigieux festival de cirque d’Auch du 23 au 31 octobre prochain.

Les spectateurs de la région parisienne sont donc bien chanceux d’avoir la possibilité de voir le Chant du Dindon avant le public averti d’Auch. Le fait n’est d’ailleurs pas exceptionnel puisque le CIRCA reçoit aussi Baro d’evel CIRK cie avec Le sort du dedans et la Compagnie XY avec le Grand C, que nous avons applaudis au festival Solstice il y a quelques semaines. Quant au collectif AOC, lui aussi programmé à Auch, il viendra à Antony en fin de saison. Ceci pour redire combien la programmation cirque d’Antony est une des plus innovantes qui soit.

Il fait aujourd’hui partie des onze pôles cirque pour les arts du cirque par le Ministère de la Culture et de la Communication, un label qui le spécialise sans l’enfermer. Sa programmation théâtrale est en effet aussi ouverte à la création.

Avec une quinzaine de spectacles derrière eux, la troupe Rasposo , couronnée du prix de l'Adami lors des Molières 2006, navigue, selon les créations, entre cirque, spectacle de rue, théâtre en salle ou sous chapiteau. Mais les Rasposo, c’est d’abord une famille qui n’a pas peur du risque. Qui s’appuie sur la solidarité et la confiance pour défier les lois de l’équilibre. Il suffit de naviguer sur leur site pour le constater de visu.

Un cirque de famille
Les fondateurs, Fanny et Joseph Molliens, se sont placés depuis 1987 au carrefour du théâtre, du cirque et de la peinture. Ils travaillent avec leurs enfants : Hélène assure les lumières et la figuration, Marie et Vincent sont deux acrobates, la fille fil-de-feriste et le garçon sur la corde volante. Mais il accepte aussi de faire le clown.

Plusieurs équilibristes, issus d’écoles renommées, (Katell le Brenn, Lucas Forte et Bruno Lussier) les ont rejoints avec un jongleur (Jan Oving) et un spécialiste du mât chinois (Julien Scholl).
Le mât chinois, c’est cette discipline extraordinaire qui consiste pour un ou des acrobates de se hisser le long d'un mat vertical haut de 6 à 7 m et d’y exécuter différentes figures et rattrapages. Quand Marc Jeancourt (le directeur de la Scène conventionnée) faisait allusion à cet agrès comme une spécificité du cirque contemporain j’entendais « mâchinois », comme une machinerie que l’on mâcherait, et je n’imaginais pas du tout ce que cela pouvait être. J’ai pitié de ceux qui seraient dans la même ignorance et ai cherché une petite démonstration sur Dailymotion. Ce n’est pas le cirque Rasposo mais le cirque Borsberg. Vous aurez un bel aperçu de cette technique plutôt … enlevée !


Un spectacle qui commence comme une fête
La piste du chapiteau est petite, au centre d’une coupole italienne qui ne peut contenir que 400 personnes. Nous nous tiendrons chaud. Aux premières loges de ce qui nous est annoncé comme devant être une fête de famille. (N'oublions pas que les Rasposo c'est avant tout une famille). C’est aussi une troupe qui ne craint pas l’affrontement ni les tensions exaltées sur la piste. Tout est question d'équilibre ! Le public n’aura qu’à en rire.

Quatre musiciens assureront l’ambiance tsigane, faisant grincer les plaintes, attisant colère et souffrance, amplifiant les joies.

Nous ne saurons pas où donner de la tête tant il se passera quelque chose ici ou là. La contorsionniste montera sur la table. La corde volante frôlera nos visages. Le clown s’élancera à l’assaut du mât chinois. La balançoire russe claquera en envoyant promener les acrobates. Et nous glousserons de plaisir.

Pour tout savoir des spectacles de la Scène conventionnée d'Antony-Châtenay : 01 41 87 20 84
Sur www.theatrefirmingemier-lapiscine.fr
06 33 29 85 30 Le jour des représentations, pour tout renseignement de dernière minute
• Le Chant du Dindon sera donné à l'Espace Cirque, rue Georges Suant - 92160 Antony
Du 25 septembre au 4 octobre à 20 heures (mercredi et samedi à 16 heures)
Navette gratuite depuis la gare RER d'Antony et le Théâtre La Piscine
(Photos © Florence Delahaye)

lundi 14 septembre 2009

Le chateau de Lunéville dans l'émission des Racines et des Ailes

Chefs-d’oeuvre à restaurer, les secrets des maîtres, c'est le titre documentaire réalisé par Philippe Poiret et Marie Maurice pour des Racines et des Ailes, et qui sera diffusé Mercredi 16 septembre à 20.35 sur France 3.

Cette photo (crédit Capa) montre un doreur à l'ouvrage sur le toit du château de Lunéville. Depuis le gigantesque incendie qui l’a ravagé en janvier 2003 la restauration de ce monument représente le chantier patrimonial le plus important d’Europe. Pensez donc : 6000 mètres carrés à reconstruire ou à restaurer pour un budget estimé à 100 millions d’euros.

Tous les corps de métiers sont mobilisés sur quinze ans pour redonner vie à l’ancienne résidence de Stanislas Leszcynski, roi déchu de Pologne et beau-père de Louis XV. Ils sont tailleurs de pierres, mosaïstes, doreurs ou encore maîtres verriers. Les meilleurs talents ont été sélectionnés, comme Fabrice Gohard qui a la charge de redorer les grilles et les balcons du château.

Au côté des maîtres artisans aguerris, une dizaine de jeunes sont venus se former. Apprentis tailleurs de pierres, aspirants conservateurs, ils tentent de redonner vie à ce qui fut l’une des plus grandes cours européennes du 17e siècle. L'équipe de France 3 a suivi leur travail pendant plusieurs mois. Connaissant mon attachement à la Lorraine vous ne serez pas étonné que je vous recommande cette émission. Ce sera l'occasion de découvrir ce château que l'on surnomme le Petit Versailles.

Vous verrez aussi Florence, où l’Opificio est l’une des écoles de restauration d’art les plus réputées au monde. Après un examen d’entrée très sélectif, les élèves venus du monde entier font leur apprentissage sur les sites les plus prestigieux de la capitale Toscane. Nous verrons le travail de Marta, une jeune Espagnole, qui a choisi la sculpture. Durant trois mois, elle restaure deux statues romaines dans le cadre exceptionnel des jardins de Boboli.

Autres photos provenant du site : http://www.chateaudeslumieres.com/

dimanche 13 septembre 2009

Volume record pour le fromage Sainte-Maure

La 23ème Foire aux vins et aux fromages d'Antony (92) a permis de battre un record de taille et de poids pour un fromage de Sainte-Maure de quelques 80 kilos qui fut dégusté par la foule nombreuse venue ce week-end faire provision de bonnes choses.
J'avais longuement décrit cette foire l'an dernier en septembre dans plusieurs billets entre le 14 et le 21 septembre.

Cette fois je vais commenter l'intronisation de quelques personnalités par les Commanderies du Fromage de Sainte-Maure et des Vins d'Amboise (à consommer bien sûr avec modération pour ce qui est du breuvage). Parmi elles, les habitués du marché d'Antony auront reconnu Erick Boistay puisqu'il en est un des fromagers. Je le citais l'an dernier dans un article sur ce marché, révélant "le dessus du panier". On le voit aussi quelques brefs instants dans le reportage que FR3 m'a consacré pour l'émission Coté cuisine de mardi dernier.
Je connaissais sa passion "naturelle" pour les fromages. Apprendre qu'il apprécie les vins de Bourgogne et le Mennetou-Salon ne me surprend pas. Par contre j'ignorais son penchant pour les fêtes foraines et pour le cirque. Déjà chevalier de plusieurs commanderies fromagères il n'avait jamais été accueilli dans une confrérie bacchique et c'est toute une cérémonie.

Le vin est versé dans d'énormes verres de dégustation. Les yeux en admirent la couleur, que l'on dit "robe". On fait tourner le liquide sur la paroi. Il coule en arcades plus ou moins onctueuses, attestant de sa richesse. On dit alors "qu'il a de la cuisse".

Le nez capte les arômes, souvent fruités (de coing, d'abricot, et de poire pour le vin d'Amboise) qui composent le "bouquet".

Les Grands Maîtres de chaque Commanderie ont intronisé les nouveaux chevaliers et chevalières par un petit discours. Vin et fromage furent alternativement dégustés.





Le public se partagea ensuite l'énorme fromage.

Dans la vie courante le Sainte-Maure est de taille plus raisonnable, mais toujours de même forme, en buchette percée d'une paille.

Je m'étais étonnée de constater souvent que l'un des bouts était un peu plus petit que l'autre. Le mystère s'est éclairci aujourd'hui. Tout est du à la forme de la faisselle où le fromage s'égoutte. Preuve en image avec le bâton d'une "consœur".
Le caillage doit se faire lentement durant 24 heures avant d’être déposé, directement à la louche, dans ces faisselles tronçoniques. L’égouttage, lent et naturel, s’effectue pendant une journée minimum à l’issue de laquelle interviendra la phase délicate du démoulage.

C’est à ce stade que la paille de seigle est introduite. Celle-ci est pyrogravée au laser et comporte le nom du fromager et le numéro d’agrément du laboratoire de fabrication. Elle permet à la fois de consolider le fromage et, d’assurer une parfaite traçabilité du produit.

Le fromage est ensuite saupoudré de sel cendré et déposé sur des claies pendant 1 à 2 jours avant d’être placé dans un hâloir frais, humide et ventilé, pour être affiné pendant 10 jours minimum.

Pour en savoir davantage sur la Commanderie des vins d'Amboise lire ici, et sur celle du Sainte-Maure .
Les vignerons de Limeray organisent chaque premier dimanche de juillet une promenade gourmande en Touraine à laquelle participent deux autres Confréries. Renseignements en écrivant à dutertre-j@wanadoo.fr

samedi 12 septembre 2009

Mylène Farmer X plus Elle au Stade de France

C’est la chanteuse de la démesure, du trop, du XXL. Alors forcément il faut que nos yeux s’adaptent avant d’arriver à la capter minuscule sur scène.
J’imagine que le concert d’hier soir sera extrêmement relayé par les journalistes : les tribunes officielles étaient noires d’invités. J’ignore ce qu’ils ont retenu. J’étais de l’autre côté, tout en haut, presque au ciel, et suivre Mylène équivalait à se laisser glisser au pays des Minimoys. Un voyage dont je reviens transformée.
21 h 19 L’œil de la chanteuse cligne lentement sur un écran de peut-être 100 m² de surface. Le stade est quasi-plein. Les bras des fans ondulent comme les herbes d’un marais rafraichi par le vent. Les téléphones portables scintillent fugacement. Sur scène la paupière cligne encore, s’électrise, explose … en un kaléidoscope de corps électrocutés.

Milène Farmer est la chanteuse qui a la première (et sans doute le mieux) réussi à s’imposer grâce au clip. Personne ne pense à elle sans avoir en mémoire l’un ou l’autre de ces « petits » films extrêmement soignés d’un point de vue scénaristique. Il est donc logique qu’elle commence par là ce soir. Mais l’explosion de l’image annonce le big bang d’un changement de cap qui va s’installer progressivement tout au long de la soirée.

Des lumières rouge et or inondent la scène. D’où je suis je l’entends sans la voir. Je la devine descendant un prodigieux escalier. Son visage allume l’écran adjacent à la scène, qui me permettra de suivre le spectacle « comme si j’y étais ».
Sa première tenue sculpte ses formes qu’elle exhibe comme l‘écorché d’un cours d’anatomie. Jamais l’expression « corps de ballet » n’aura été plus juste pour désigner ses dix danseurs. Leur danse macabre est une évolution visuellement magnifique.

Paradis inanimé
Long sommeil, lovée

Paradis abandonné

Sous la lune, m’allonger

Paradis artificiel
Délétère, moi délaissée

Et mourir d’être mortelle

Mourir d’être aimée


Avec ce titre de son dernier album (2008), et à peine arrivée, elle assume la mortalité, la sienne, la nôtre, sans provocation, avec force et maturité. C’est qu’à 48 ans on voit les choses sous un autre angle qu’à 20. Mais rassurez-vous Mylène est plus vive que morte.

La scène est décidément écarlate, une couleur qui évoque le sang, mais pas que cela. Je renvoie les lecteurs aux articles sur l’exposition Aussi rouge que possible du Musée des Arts décoratifs, écrits début août. La première partie du spectacle de Mylène en est la synthèse absolue.
En moi, en moi toi que j'aime, dis-moi, dis-moi quand ça n 'va pas, (…)
J ' ouïs tout ce que tu susurres,

Âme-stram-gram,
pique et pique et colégram,
bourre et bourre et ratatam,
âme-stram-gram ,
pique dame,

La comptine de cette deuxième chanson (L’ Âme-stram-gram, 1999) que la foule entonne avec l’artiste est un clin d’œil au monde de la toute petite enfance. Mais les infra-basses sont d’une puissance à renverser les bambins. J’ai le plexus solaire qui entre en résonnance.

Mylène revient à Point de Suture avec Je m’ennuie
Sempiternelle rêverie
De l’ennui à Bovary

Changement de peau, la fillette a grandi. La princesse Sélénia a disparu et réapparait en Chaperon Rouge implorant :
Appelle mon numéro
J’humeur à zéro

Appelle mon numéro

J’ai le sang si chaud

Appelle mon numéro

Compose ma vie

Appelle-moi ...

Le romantisme est sanguin. Cuissardes pourpre, robe de satin, mitaines carmin, air mutin, avec juste un soupçon de dérision : deux religieuses en aube noire, voilées de blanc aux épaules dénudées chantent en chœur derrière Mylène. Les guitaristes portent le col romain blanc traditionnel des curés.
On a besoin d'amour
On a besoin d'amour
Besoin d'un amour XXL

Des feux d’artifices jaillissent au milieu de la chanson. Les lettres XXL scintillent en surbrillance. Des sirènes de police s’évanouissent au lointain. Mylène, assise sur les marches, encourage le public à reprendre les paroles.

La cape est tombée. C’est Pourvu qu’elle soient douces (1988), un de ses plus gros succès, dont le rythme s’accorde bien avec un Madison élaboré.

Les lasers de la Tour Eiffel s’infiltrent sous l’ellipse du Stade et me chatouillent les yeux. On projette sur scène la suite du film qui a ouvert le show. Mylène avance, en longue robe de bal immaculée (elle était bleue électrique à Nice mais elle est bien plus réussie en blanc), cou et bras ceinturés d’un bandeau noir, composant le signe + sur un carré blanc.

Dis-moi d’où je viens
Ne dis rien, je pars


Cela pourrait être une publicité pour un parfum. C’est le titre de l’album éponyme Point de Suture (2008), très sobrement accompagné au clavier par Yvan Cassar. La fillette est devenue femme. Des silhouettes se profilent à l’écran comme des pantins désarticulés qu’auraient peint Gérard Fromanger.

Quelques accents grégoriens plus tard Mylène est au centre de la scène en étoile.

Un jour ou l'autre
Nos vies sont des larmes d'aquarelle
A chacun de nos pas
Je doute de tout
Nous souviendrons nous de nous

La chanson écrite en 1991, Nous souviendrons nous, lui tire les larmes, à moins que ce soit la proximité avec 75 000 personnes. Yvan Cassar égrène quelques notes de Jésus que ma joie demeure (le « tube » de Jean-Sébastien Bach) et le public scande Mylène, Mylène.

Je laisse le vent emporter tout
Laisse le vent prendre soin de tout
(…)
prendre soin de nous

J'ai rêvé qu'on pouvait s'aimer

Au souffle du vent (… )
A force d'ignorer la tolérance

Nous ne marcherons plus ensemble

J'ai rêvé qu'on pouvait s'aimer
J'avais rêvé du mot AIMER

Ces paroles, signées Mylène Farmer comme toutes ses chansons, n’ont pas pris une ride depuis 1995. Elle les murmure au bord de l’essoufflement, tandis qu’un léger vent tourbillonne dans le bas du plissé de sa robe. Le public reprend. Manifestement émue, la chanteuse avoue « un moment magique incroyable. J’vais essayer de continuer. Attendez un p’tit peu ». Le pianiste se lance dans des gammes.

Mylène demeure sur le même registre avec cet autre titre de la même année :
Alors va
Je laisse le vent emporter tout

Laisse le vent prendre soin de tout


L’écoute est tendue. On reconnait clairement l’interférence d’un portable qui nous ramène à la réalité. Puis elle remonte tranquillement le promenoir avec une chanson de 1988 :

Bulle de chagrin
Boule d'incertitude

Ainsi soit Je

Ainsi soit Tu

Ainsi soit Il
Ainsi moi je

Si la tenue de scène a changé la coiffure elle ne bougera pas. Toujours rousse, le chignon est élaboré, surmonté d’une sorte de couronne piquetée de croix minuscules qui lui donnent un air de fée Clochette vue de face. Mais de dos j’ai nettement cru voir la représentation d’une tête de mort où deux tresses circulaires dessinent des orbites et une barrette de brillants ébauche une dentition. Combien l’auront remarquée ?
Sur la grande scène la statue s’est muée en squelette géant. Des danseuses ébouriffées accourent et voici Mylène mi fille – mi garçon dans un costume qu’on dirait dessiné pour le haut par Jean-Paul Gaultier et pour le bas par Vivienne Westwood, l’excentrique créatrice anglaise célèbre pour ses faux-culs. Le temps d’une partie de d’échecs en ombres chinoises et Mylène exécute Libertine (1986), immédiatement suivie de Sans contrefaçon (1987), autre immense succès.

Le public connait par cœur les paroles et peut suppléer au pied levé à une (longue) panne de son qui révèle que la chanteuse est soutenue par un play-back lorsque le son resurgit plus tard alors qu’elle a la bouche fermée. Nouvelle panne. Mylène réclame un micro pour invoquer le Père Noël (autre personnage rouge en couleur) de l’Instant X (1995)

Papa Noël quand tu descendras du ciel (…)
l'an 2000 sera spirituel

c'est écrit dans " ELLE "

Et puis Fuck them all (2005)

Sur le mur : nos soupirs !
Faites l'amour
Nous la guerre

Nos vies à l'envers

C’est presque Barbarella en visite chez la Reine des neiges qui se tortille dans une corbeille en forme de cétoine géante. Le texte de Dégénération nous ramène à l’album Point de Suture. Les infra-basses ont été réactivées.

Coma t’es sexe, t’es styx,
Test statique


Le ciré noir brille. Les paroles de C'est dans l'air (2008) dynamisent le public.

Un X clouté doré marque son dos. Mylène « cherche une âme, qui pourra l'aider. Elle est d'une génération désenchantée. » Une pluie de rubans blancs arrose le public sur les paroles de cette chanson de 1991 que l’on reprend ensemble a capella. Le final est soigné.

Quelques-uns fredonnèrent Bon anniversaire avec un jour d’avance sans faire revenir l’artiste sur scène.

Il est 23 heures 40. Autant dire que 2 heures 20 de spectacle c’est une performance appréciable et appréciée malgré le trait d’humour de la chanteuse qui se dit désen-chantée en remerciant très vite Laurent (Boutonnat qui met ses textes en musique et qui a conçu le show), Thierry (Sic, le producteur, qui a avancé les 10 millions d’euros nécessaires) et je crois Anthony (de RTL ?) , les chanteurs, les danseurs et tous les techniciens, sans oublier le public qu’elle aime et qui le lui rend bien.

Je quitte le Stade et redécouvre combien mes voisins sont bizarrement grands. Comme quoi le cerveau est une machine extraordinaire qui se fait vite au changement d'échelle.

Ce soir encore le public du Stade de France sera au rendez-vous : les 170 000 places ont été vendues en 3 heures et il peu probable qu’il en reste dans les villes de la future tournée.

Ensuite, et c'est un évènement, Mylène Farmer fera une incursion au cinéma pour tenir le rôle principal dans "L'Ombre des autres", une adaptation du roman de Nathalie Rheims qui sera réalisée par Bruno Availlant et produite par Europa Corp. de Luc Besson. Un réalisateur qu’elle connait bien puisque la voix de la princesse Sélénia d’Arthur et les minimoys, c’était elle.

Pour en savoir plus sur Milène Farmer je vous recommande le site http://www.mylene.net, où j'ai vérifié les paroles des chansons que je cite.

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