Après la formidable exposition Convivio qui s'est achevée sur un banquet mémorable voici Changement de main qui présente le travail photographique de Thierry Fontaine et Ligne de désir pour celui de Francis Morandini. Leurs démarches diffèrent puisque les images du premier sont artificielles, construites dans leur moindre détail alors que le second travaille dans l'instantanéité, ce qui ne l'empêche pas d'anticiper par des repérages minutieux en terme d'angle et de lumière.
J'ai pris comme à mon habitude des notes abondantes au cours de la présentation qui a eu lieu en cette soirée de vernissage. Je les utiliserai ultérieurement. C'est pour le moment mon regard personnel que j'ai envie de partager ici avec, pour une fois, une forte subjectivité. En vous montrant quelques gros plans j'espère vous donner envie de vous rendre sur place car cette exposition n'a de valeur qu'habitée par ceux qu'elle fera voyager.
Ce point de vue s'est imposé alors que je prenais conscience que mon regard se focalisait sur les mains, en l'occurrence précisément même les mains gauches sur les clichés de Thierry, des paires chez Morandini, sans que j'ai conscience d'avoir subi l'influence de l'intitulé d'une partie de l'expo.
Thierry Fontaine construit ses images en ne laissant rien au hasard. Il emploie de vrais éléments, comme une chaine ou un grillage comme matériau pour réaliser l'impossible. Les faire par exemple brûler. Ou planter des clous dans un miroir ou une plaque de verre. Ce qui l'intéresse c'est de tenter des expériences pour créer des choses nouvelles. (Paysages, Brisbane 2007)
Le résultat peut être extrêmement onirique comme ici avec ce coquillage qui parle (Echo, Réunion, 2005). Avec un objet très simple car cet artiste met un point d'honneur à travailler avec les supports les moins chers possible.
Il aime redonner de la valeur à ce qui n'en a plus. Le concept de trésor contemporain lui est cher... (Reconstruction, Paris, 2006)
Certains clichés sont très longs à mettre en œuvre. Et si le travail s'apparente à la sculpture la photo est le seul support qui subsiste. Tout est détruit après.Quand on est déraciné, ce qui est la perception vécue par Thierry Fontaine on a besoin de se créer son territoire avec des objets. Il s'est beaucoup déplacé dans des îles, petites ou grandes. Nouméa fut l'une d'elles. Il y a remarqué combien les polynésiens réalisaient des objets avec du fil et des coquillages. Cela lui a donné l'idée de fabriquer lui-même des tours Eiffel en coquillages, ce qui le reliait en quelque sorte à Paris. Il a organisé ensuite une scénographie qu'il a photographiée et qui a été reproduite sur le carton d'invitation, (Se souvenir, Nouvelle-Calédonie 2009) et dont l'artiste explique le sens :
Elle peut aussi prendre beaucoup de temps à être mise en œuvre. Comme avec ces "ballons" peints sur des noix de coco et qui ont été faits par Thierry Fontaine lui-même, à l'instar des Tours Eiffel. Il a ensuite cherché un homme pour poser en faisant le geste de poursuivre le geste. Ils illustrent une observation de l'état de la société où il se trouvait à un moment donné et la réalité des objets fabriqués apporte de la crédibilité à la scène. D'autant plus que les clichés sont présentés à échelle 1, c'est à-dire grandeur nature et que le spectateur est placé un peu comme s'il se trouvait face à un tableau. (Le fabricant de rêves, nouvelle calédonie, 2008 )
Ce sont des idées que l'artiste photographie car ce sont bien des idées qu'il cherche à transmettre.
Francis Morandini photographie des "petites choses sans signification trouvées sur son chemin" que l'on peut découvrir dans la rue Traversante. L'absence de sens ne dure pas. Ses photos sont réalisées intentionnellement en argentique, pour prendre de la distance avec le temps.
Il a l’habitude de scruter le territoire, sans forcément voyager loin. La lumière du matin sur son quartier nourrit son imagination. Son œil repère des lieux, des angles sur lesquels il revient régulièrement, pour être présent et déclencher son appareil pile au moment où il verra l’habitant se saisir de son environnement.
Cela pourra être un tronc d’arbre qui ne fera pas obstacle à une rencontre. Un enfant écrasant la vie qui surgit au cœur d’une fontaine asséchée. Un dégrafiteur qu’il voulait dans un halo de gouttelettes.
Très rarement il y a quand même des instantanés, comme ici, provoqué par la beauté d’un arbre vers lequel se tendent des mains, illustrant la vie, la mort et la vieillesse, faisant sentir combien l’artiste aime la tradition de la photo surréaliste (Toucher par la cécité, 2011).
Dans la Boite, un diaporama égrène des diapositives choisies parmi les clichés faits cet été au Vietnam où l’artiste se rendait pour la première fois. De son séjour de presque un mois il a ramené 600 images, uniquement des diapositives. Il en a sélectionné 80 qu’il a positionnées l’une après l’autre avec l’objectif « que çà cogne », en cherchant à éviter l’idée du lointain et de l’exotisme, au profit de la question de l’abondance de la nature, des fruits, des fleurs, et de l’échange.
La diapositive, doublement positive, a ceci de particulier que sa lecture est directe. Pas de développement ni de retouche possible. Personnellement, et même si j’ai remarqué quelques vues optimistes comme un palmier au tronc de néon jaune, ou humoristiques, comme avec un jeune homme assoupi sur sa moto garée devant une vitrine de la marque Dormeil, j’ai surtout ressenti une immense détresse.
Quel que soit l'espace et l'artiste ces images sont à regarder pour entendre. Des images qui parlent, qui parfois mêmes crient.
Exposition Changement de main et Ligne de désir
Micro Onde – centre d’art contemporain de l’Onde 8 bis, avenue Louis Bréguet 78140 Vélizy-Villacoublay Tél : 01 34 58 19 92 jusqu'au 10 décembre 2011 du mardi au vendredi de 13h à 19h - le samedi de 10h à 16h et les dimanches de 15h à 18h
J'ai pris comme à mon habitude des notes abondantes au cours de la présentation qui a eu lieu en cette soirée de vernissage. Je les utiliserai ultérieurement. C'est pour le moment mon regard personnel que j'ai envie de partager ici avec, pour une fois, une forte subjectivité. En vous montrant quelques gros plans j'espère vous donner envie de vous rendre sur place car cette exposition n'a de valeur qu'habitée par ceux qu'elle fera voyager.
Ce point de vue s'est imposé alors que je prenais conscience que mon regard se focalisait sur les mains, en l'occurrence précisément même les mains gauches sur les clichés de Thierry, des paires chez Morandini, sans que j'ai conscience d'avoir subi l'influence de l'intitulé d'une partie de l'expo.
Thierry Fontaine construit ses images en ne laissant rien au hasard. Il emploie de vrais éléments, comme une chaine ou un grillage comme matériau pour réaliser l'impossible. Les faire par exemple brûler. Ou planter des clous dans un miroir ou une plaque de verre. Ce qui l'intéresse c'est de tenter des expériences pour créer des choses nouvelles. (Paysages, Brisbane 2007)
Le résultat peut être extrêmement onirique comme ici avec ce coquillage qui parle (Echo, Réunion, 2005). Avec un objet très simple car cet artiste met un point d'honneur à travailler avec les supports les moins chers possible.
Il aime redonner de la valeur à ce qui n'en a plus. Le concept de trésor contemporain lui est cher... (Reconstruction, Paris, 2006)
Certains clichés sont très longs à mettre en œuvre. Et si le travail s'apparente à la sculpture la photo est le seul support qui subsiste. Tout est détruit après.Quand on est déraciné, ce qui est la perception vécue par Thierry Fontaine on a besoin de se créer son territoire avec des objets. Il s'est beaucoup déplacé dans des îles, petites ou grandes. Nouméa fut l'une d'elles. Il y a remarqué combien les polynésiens réalisaient des objets avec du fil et des coquillages. Cela lui a donné l'idée de fabriquer lui-même des tours Eiffel en coquillages, ce qui le reliait en quelque sorte à Paris. Il a organisé ensuite une scénographie qu'il a photographiée et qui a été reproduite sur le carton d'invitation, (Se souvenir, Nouvelle-Calédonie 2009) et dont l'artiste explique le sens :
Cet homme fabrique, avec ses mains, des tours Eiffel alors que manifestement il ne vit pas en France. De toute évidence ces objets sont des symboles et la photo suggère un changement d’appropriation. L'homme pourrait aller jusqu’à les vendre à des touristes, qui plus est des français. C’est dire combien çà bouge.La photo campe un décor. Ce peut être un (simple) homme marchant sur une route. Dans tous les cas elle situe le personnage dans un contexte qui fait sens (Créer son île à Paris, Paris, 2002).
Elle peut aussi prendre beaucoup de temps à être mise en œuvre. Comme avec ces "ballons" peints sur des noix de coco et qui ont été faits par Thierry Fontaine lui-même, à l'instar des Tours Eiffel. Il a ensuite cherché un homme pour poser en faisant le geste de poursuivre le geste. Ils illustrent une observation de l'état de la société où il se trouvait à un moment donné et la réalité des objets fabriqués apporte de la crédibilité à la scène. D'autant plus que les clichés sont présentés à échelle 1, c'est à-dire grandeur nature et que le spectateur est placé un peu comme s'il se trouvait face à un tableau. (Le fabricant de rêves, nouvelle calédonie, 2008 )
Ce sont des idées que l'artiste photographie car ce sont bien des idées qu'il cherche à transmettre.
Francis Morandini photographie des "petites choses sans signification trouvées sur son chemin" que l'on peut découvrir dans la rue Traversante. L'absence de sens ne dure pas. Ses photos sont réalisées intentionnellement en argentique, pour prendre de la distance avec le temps.
Il a l’habitude de scruter le territoire, sans forcément voyager loin. La lumière du matin sur son quartier nourrit son imagination. Son œil repère des lieux, des angles sur lesquels il revient régulièrement, pour être présent et déclencher son appareil pile au moment où il verra l’habitant se saisir de son environnement.
Cela pourra être un tronc d’arbre qui ne fera pas obstacle à une rencontre. Un enfant écrasant la vie qui surgit au cœur d’une fontaine asséchée. Un dégrafiteur qu’il voulait dans un halo de gouttelettes.
Très rarement il y a quand même des instantanés, comme ici, provoqué par la beauté d’un arbre vers lequel se tendent des mains, illustrant la vie, la mort et la vieillesse, faisant sentir combien l’artiste aime la tradition de la photo surréaliste (Toucher par la cécité, 2011).
Dans la Boite, un diaporama égrène des diapositives choisies parmi les clichés faits cet été au Vietnam où l’artiste se rendait pour la première fois. De son séjour de presque un mois il a ramené 600 images, uniquement des diapositives. Il en a sélectionné 80 qu’il a positionnées l’une après l’autre avec l’objectif « que çà cogne », en cherchant à éviter l’idée du lointain et de l’exotisme, au profit de la question de l’abondance de la nature, des fruits, des fleurs, et de l’échange.
La diapositive, doublement positive, a ceci de particulier que sa lecture est directe. Pas de développement ni de retouche possible. Personnellement, et même si j’ai remarqué quelques vues optimistes comme un palmier au tronc de néon jaune, ou humoristiques, comme avec un jeune homme assoupi sur sa moto garée devant une vitrine de la marque Dormeil, j’ai surtout ressenti une immense détresse.
Quel que soit l'espace et l'artiste ces images sont à regarder pour entendre. Des images qui parlent, qui parfois mêmes crient.
Exposition Changement de main et Ligne de désir
Micro Onde – centre d’art contemporain de l’Onde 8 bis, avenue Louis Bréguet 78140 Vélizy-Villacoublay Tél : 01 34 58 19 92 jusqu'au 10 décembre 2011 du mardi au vendredi de 13h à 19h - le samedi de 10h à 16h et les dimanches de 15h à 18h
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