J'aime beaucoup le style Foenkinos mais je ne dirais pas que les Souvenirs sont le livre que je préfère.
Il y met probablement davantage de lui que dans ses précédents ouvrages mais ce ne sont pas des confessions que l'on attend d'un écrivains, plutôt des voyages. Et ceux vers lesquels il nous entraine ne sont pas réjouissants.
Ce ne sont autour de lui que disparitions, fuites, et séparations. Être frappé par la mort donne l'obligation d'aimer (souvenir de Yasunari Kawabata p.102). Sans garantie. En tout cas cela donne une énergie qui permet de se mettre en mouvement.
Posséder comme sa grand-mère la carapace de la souffrance (p.28) ne donne pas toujours le courage de continuer. Mais elle vaccine contre la résignation.
D'enterrement en cimetière David nous parle de la mort mais aussi de la vie, et de l'amour qui peut surgir n'importe où, surtout si on ne le cherche pas. Sauf qu'il démontre précisément le contraire sans qu'on puisse lui en tenir rigueur.
Parce que c'est dans cette maladresse que le roman (puisque c'en est un) puise sa force. On ne connait jamais vraiment personne, à commencer par sa famille et la mythologie familiale des Foenkinos est assez romanesque. Entre son père qui se jette aux pieds d'une femme en lui déclamant : vous êtes si belle que je préfère jamais vous revoir (lire le dénouement p. 262), le gérant d'une station-service qui philosophe que le silence d'une femme est sa plus grande preuve d'amour, sa mère que la retraite fait dérailler, son grand-père qui glisse sur une savonnette, sa grand-mère qui a oublié la recette de la mayonnaise, le jeune homme a le tournis.
C'est qu'il lui tarde de vivre sa vie, la sienne et pas celle des autres qu'il est bien obligé de prendre en mains. Il a le sentiment que tant qu'il n'aura pas compris les raisons de l'étroitesse affective de ses parents (p.13) il sera comme empêché d'avancer. Alors tout est bon pour tenter d'y voir clair. Les digressions deviennent une marque de fabrique. Les notes de bas de page abondent. Les souvenirs des uns et des autres ponctuent les chapitres comme autant de fenêtres ouvertes sur un paradis perdu ou à venir.
On entrevoit le scénario derrière de jolies pages (la visite de l'école et la classe de CE2, la station-service la nuit) et des personnages intéressants (la directrice débordée de la maison de retraite, le directeur d'hôtel, les policiers).
Il y a quelque chose de proustien dans cette écriture et c'est peut-être ce qui plait tant aux jurys qui hésitent entre certains et certaines ...
Les souvenirs de David Foenkinos, Éditions Gallimard, 272 pages, août 2011
Les autres livres de la rentrée littéraire déjà chroniqués sur A bride abattue depuis la mi-août :
Eléctrico W d'Hervé le Tellier
La femme au miroir d'Eric-Emmanuel Schmitt
Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan
Et rester vivant de Jean-Philippe Blondel
Des vies d'oiseaux de Véronique Ovaldé
Rouler de Christian Oster
Et de David Foenkinos, la Délicatesse et la biographie de Lennon
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