Une fois n'est pas coutume, le titre français, Parler seul, est totalement fidèle à l'oeuvre originale d'Andrès Neuman.
L'auteur est considéré comme l'un des 22 meilleurs jeunes auteurs de langue espagnole. Il a remporté plusieurs prix littéraires et son blog, Microrréplicas, s'est distingué comme l'un des meilleurs blogs littéraires en espagnol.
Malheureusement, je ne maitrise absolument pas cette langue et je devrai me satisfaire de la traduction d'Alexandra Carrascos pour découvrir Parler seul.
Cette lecture m'a bouleversée. Parce que le sujet est traité avec beaucoup de finesse. Et surtout parce que le mode opératoire équivaut à nous offrir trois récits vraiment différents.
Andrés Neuman nous place alternativement dans le cerveau de trois personnes. Mario, dont les jours sont définitivement comptés et qui s'efforce de vivre le moins mal possible l'espace temps qui le sépare de sa mort. Lito, son petit poulpe d'une dizaine d'années, qui ne se doute pas vraiment de ce qui se trame. Elena, l'épouse sentinelle qui prend sur elle pour assumer la réalité mais dont la recherche de réconfort fera feu de tout bois.
Il rend aussi hommage à la littérature et à l'aide que les livres peuvent apporter à leurs lecteurs. J'avais abordé cet aspect dans la chronique que j'avais faite de J'ai réussi à rester en vie de Joyce Carol Oates. Elena exprime parfaitement cela : la lecture me calme les nerfs. Faux. Elle ne me les calme pas. Elle les oriente différemment (p. 21). Les livres me parlent davantage qu'on ne se parle, lui et moi (p. 89). Quand un livre me dit ce que je voulais dire, je me sens le droit de m'approprier ses mots, comme si un jour ils m'avaient appartenu et que je venais de les récupérer (p.122).
Mario constate : On pensait qu'on avait largement le temps et brusquement (...) on n'en a plus, de temps. (p. 34) Mario analyse : Je ne sais pas pourquoi on apprend à nos enfants à faire comme nous alors qu'on sait qu'on n'est pas heureux, je te jure parfois, ça me.
Une des forces de l'écriture de l'auteur est d'avoir un style très écrit qui englobe une forme parlée de la pensée. Quand d'autres auraient ponctué le "ça me" d'un point d'exclamation ou de points de suspension il taille dans le vif en posant un point final.
Lorsqu'il nous livre les messages du jeune garçon il nous les restitue bruts de décoffrage, sans virgules, dans leur orthographe approximative.
Chacun a de bonnes raisons de parler seul. Quand on croit comme Lito qu'il suffit de penser très fort quelque chose pour l'obtenir, comme une montre Lewis Valentini, il n'est pas utile de formuler sa demande à voix haute. Quand on ne peut pas raconter ce qui se passe comme Mario, et qu'il est devenu urgent de fabriquer des (beaux) souvenirs à son enfant. Quand on a le sentiment que personne ne vous écoute comme Elena : la prudence des médecins m'exaspère. Parler avec eux c'est comme quand on téléphone avec un portable et que tout à coup il n'y a plus de réseau (p. 20).
Alors on pense seul, on parle seul, on écrit seule : Je file t'écrire. Tu n'auras pas à te plaindre. Même t'oublier me rappelle à toi (...) Je te pense en me parlant (p. 165).
Car une des forces du livre est de démontrer que si chacun ressent les choses à sa manière, sans échanger des paroles sonnantes et trébuchantes, il n'en est pas moins certain que les sentiments, eux, circulent et nourrissent les relations.
Il faudrait pouvoir entendre beaucoup de ces paroles. Comme celle, rapportée, du médecin Ezequiel qui a tout de même une manière très particulière de concevoir l'accompagnement de ses patients mais qui a une philosophie de vie très juste : si aujourd'hui vous n'êtes pas dans le présent, vous ne saurez pas être dans le futur demain (p. 88).
La venue d'Andrés Neuman est annoncée sur toute la durée du Salon du Livre de Paris du 20 au 22 mars 2014.
Parler seul d'Andrès Neuman chez Buchet Chastel, traduit de l'espagnol (argentin) par Alexandra Carrascos, sortie en librairie le 6 mars 2014
Cette lecture m'a bouleversée. Parce que le sujet est traité avec beaucoup de finesse. Et surtout parce que le mode opératoire équivaut à nous offrir trois récits vraiment différents.
Andrés Neuman nous place alternativement dans le cerveau de trois personnes. Mario, dont les jours sont définitivement comptés et qui s'efforce de vivre le moins mal possible l'espace temps qui le sépare de sa mort. Lito, son petit poulpe d'une dizaine d'années, qui ne se doute pas vraiment de ce qui se trame. Elena, l'épouse sentinelle qui prend sur elle pour assumer la réalité mais dont la recherche de réconfort fera feu de tout bois.
Parler seul nous plonge avec délicatesse dans la tête de ces personnages et nous dévoile trois intimités en proie à la perte, au désir, et à l’incroyable force de vie qui chacun nous anime.Trois voix, trois voyages : le premier de Lito, le dernier de son père. Et celui, intérieur, torturé et violemment érotique d’Elena. Alors que l’enfant pense, que la mère écrit et que le père dit, tous parlent seuls.En interrogeant l'espace de la vérité et la place du mensonge, Andrés Neuman pèse le bien et le mal de multiples formes d'amour.
Il rend aussi hommage à la littérature et à l'aide que les livres peuvent apporter à leurs lecteurs. J'avais abordé cet aspect dans la chronique que j'avais faite de J'ai réussi à rester en vie de Joyce Carol Oates. Elena exprime parfaitement cela : la lecture me calme les nerfs. Faux. Elle ne me les calme pas. Elle les oriente différemment (p. 21). Les livres me parlent davantage qu'on ne se parle, lui et moi (p. 89). Quand un livre me dit ce que je voulais dire, je me sens le droit de m'approprier ses mots, comme si un jour ils m'avaient appartenu et que je venais de les récupérer (p.122).
Mario constate : On pensait qu'on avait largement le temps et brusquement (...) on n'en a plus, de temps. (p. 34) Mario analyse : Je ne sais pas pourquoi on apprend à nos enfants à faire comme nous alors qu'on sait qu'on n'est pas heureux, je te jure parfois, ça me.
Une des forces de l'écriture de l'auteur est d'avoir un style très écrit qui englobe une forme parlée de la pensée. Quand d'autres auraient ponctué le "ça me" d'un point d'exclamation ou de points de suspension il taille dans le vif en posant un point final.
Lorsqu'il nous livre les messages du jeune garçon il nous les restitue bruts de décoffrage, sans virgules, dans leur orthographe approximative.
Chacun a de bonnes raisons de parler seul. Quand on croit comme Lito qu'il suffit de penser très fort quelque chose pour l'obtenir, comme une montre Lewis Valentini, il n'est pas utile de formuler sa demande à voix haute. Quand on ne peut pas raconter ce qui se passe comme Mario, et qu'il est devenu urgent de fabriquer des (beaux) souvenirs à son enfant. Quand on a le sentiment que personne ne vous écoute comme Elena : la prudence des médecins m'exaspère. Parler avec eux c'est comme quand on téléphone avec un portable et que tout à coup il n'y a plus de réseau (p. 20).
Alors on pense seul, on parle seul, on écrit seule : Je file t'écrire. Tu n'auras pas à te plaindre. Même t'oublier me rappelle à toi (...) Je te pense en me parlant (p. 165).
Car une des forces du livre est de démontrer que si chacun ressent les choses à sa manière, sans échanger des paroles sonnantes et trébuchantes, il n'en est pas moins certain que les sentiments, eux, circulent et nourrissent les relations.
Il faudrait pouvoir entendre beaucoup de ces paroles. Comme celle, rapportée, du médecin Ezequiel qui a tout de même une manière très particulière de concevoir l'accompagnement de ses patients mais qui a une philosophie de vie très juste : si aujourd'hui vous n'êtes pas dans le présent, vous ne saurez pas être dans le futur demain (p. 88).
La venue d'Andrés Neuman est annoncée sur toute la durée du Salon du Livre de Paris du 20 au 22 mars 2014.
Parler seul d'Andrès Neuman chez Buchet Chastel, traduit de l'espagnol (argentin) par Alexandra Carrascos, sortie en librairie le 6 mars 2014
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